L’appli TousAntiCovid devient un passeport sanitaire : devez-vous l’exiger à vos clients ?

L’appli TousAntiCovid devient un passeport sanitaire :
devez-vous l’exiger à vos clients ?

Le passeport sanitaire, dont il a beaucoup été question, arrive déjà en France… en se logeant dans l’appli “TousAntiCovid”. Fera-t-il "double-emploi" avec le passeport européen ? Devra-t-il être exigé partout et pour tous ? De nombreuses inconnues demeurent à quelques semaines de la reprise. On y est pas encore entré ... mais, on n'est pas non plus sortie de l'auberge ...

Surprise ! Le 18 avril dernier, l’appli “TousAntiCovid”, (re)lancée le 10 décembre 2020, a incorporé une fonctionnalité qui répond exactement au principe du passeport vaccinal, tant demandé par les voyageurs (91 % du public international, 81 % des voyageurs français, sondage de début avril). Ce “TousAnti-Covid-Carnet”, stocke 2 types de certificats : le certificat de test négatif (PCR et antigénique) et le certificat de rétablissement de la Covid-19. L’attestation certifiée de vaccination y sera stockable dès ce jeudi 29 avril. Ces documents sont rassemblés dans l'onglet “Carnet” de l'application, le tout, digitalement et de manière sécurisée. L’opération est vraiment simple : après s'être fait tester ou vacciner, les utilisateurs doivent juste flasher le QR code figurant sur leur certificat (papier) de test ou vaccination. Ils peuvent aussi le télécharger en PDF sur le portail sidep.gouv.fr avant de l'intégrer en souplesse dans leur appli mobile. Dès la fin mai, les utilisateurs de TousAntiCovid pourront aussi stocker leurs anciens certificats de vaccination accessible sur Ameli.fr (Assurance maladie). De leur côté, les douanes, la police aux frontières et compagnies aériennes scanneront un QR code grâce à l’appli TousAntiCovid Verif, pour vérifier les certificats et dire “OK”. Pour cela, le ministère de la Santé a autorisé un accès aux fichiers de l’Assurance maladie et des centres de tests.

Une extension probable à l'échelle européenne ?

Le passeport sanitaire français voulu par l'Europe et Emmanuel Macron est donc là, au moment où la plupart des pays demandent de fournir à l'entrée de leur territoire des documents faisant état d'un test négatif récent, et d'autres prévoient d’exiger un certificat de vaccination. Le but est de limiter les risques de transmission du virus entre les territoires et de faciliter la circulation des personnes en Europe. Le système français doit être adapté au niveau européen avant le 17 juin. Question ? Qui pourra demander à consulter les éléments du "passeport": seulement les autorités de polices et des douanes ? Ou toute personne devant garantir la sécurité de ses clients (restaurateurs, hôteliers, loisirs, etc ...) ? Et dans ce cas, que faut-il prévoir lorsque le client ne dispose pas de passeport, ou que son passeport fait état d'éléments "négatifs", etc ?.. Peut-on imaginer n'accueillir que des clients munis d'un passeport ? Et quid des questions de confidentialité et de protection des données personnelles ?.. Dans la foulée de ces annonces, beaucoup de questions restent en suspens à quelques semaines (on l'espère !) de la reprise ...

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Bientôt un passeport pour les restaurants, hébergements, concerts ?

Ce ne sera pas facile de s'y retrouver, en effet, dans quelques semaines: l'appli "Tous Anti Covid" sera-t-elle le seul "portefeuille" à passeport vaccinal qui fera foi sur le territoire national ? Et sera-t-elle reconnue dans les autres pays européens ? Et le "passeport vaccinal européen" en cours de finalisation fera-t-il double-emploi avec l'appli française ? Ne risque-t-il pas, non plus, de lui faire de l'ombre, voire de le cannibaliser ?.. Il reste encore (seulement) quelques jours pour répondre. Autant se dire qu'il y a un potentiel "grand bazar" en préparation.

Côté français, on plaide, en effet, que l'appli bleu-blanc-rouge "augmentée", évidemment gratuite, a un énorme avantage sur le “passeport vaccinal” en cours de création: elle est déjà connue et a été téléchargée par 14,7 millions de Français (son ancêtre “StopCovid”, lancé début juin 2020, avait “échoué” à 3 millions). Pour la première fois, en son sein, les documents y seront certifiés officiellement par les autorités, c’est-à-dire qu’un écran de Smartphone fera foi et loi, comme pour les déplacements dérogatoires. De ce côté-là, il n'y a donc aucune nouveauté en matière de légalité, d'intimité et de protection des données, etc. Avec cette nouvelle fonctionnalité, le gouvernement espère relancer les déplacements et augmenter l’indice de confiance général des uns envers les autres… mais il n’est pas encore (encore ?) question d’en faire un passeport intérieur. Oui, mais alors, il sert à quoi ?

"Pour aller chez le fleuriste ou au restaurant, le passeport sanitaire n'est pas envisagé", déclare Cédric O, secrétaire d'Etat au Numérique, chargé de TousAntiCovid, qui ajoute : "La situation peut être différente pour les grands concerts, les festivals ou encore les salons professionnels". Nous pouvons ajouter, à cette liste d'exceptions, les événements sportifs et fêtes populaires, dont l'accès est conditionné par une fouille au corps qui ne fait l'objet d'aucune opposition notable. Quid des marchés et des fêtes de villages qui pourraient reprendre cet été ? S'ils se tiennent en extérieur, pas de souci en perspective; seul le respect des règles de distanciation sociale devrait s'imposer.

A priori, à ce stade, demander le passeport vaccinal ou voir les preuves de vaccination ou d'immunité sur Tous Anti Covid ne sera demandé à aucun opérateur touristique. Et il ne pourra pas l'imposer de lui-même. Selon les derniers bruits de couloir gouvernementaux, la demande ne sera faite (en règle générale) que dans les aéroports et certains lieux "sensibles". Quant aux "grands évènements", ce seront aux préfets d'indiquer aux organisateurs s'ils leur imposent ou non ce contrôle supplémentaire. Une fois de plus, ce ne sera pas facile de s'y retrouver ... S'agissant d'une situation inédite, cela peut se comprendre, mais la perspective de 2 ou 3 dispositifs "concurrents" laisse à imaginer un vrai bazar d'ici quelques semaines ... D'autant plus que, du côté des syndicats de professionnels, rien n'est moins sûr quant à la limitation des lieux et des circonstances pendant lesquels et où réclamer la présentation du "certificat".

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Faut-il anticiper un "check-in sanitaire" dans les hébergements ?

Oui. Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement n’a pas manqué de changer son fusil d’épaule sur bien des sujets, à commencer par les masques de protection Covid. Il est donc raisonnable de songer désormais à une présence de l’appli “TousAnti-Covid-Carnet” à l’entrée des établissements recevant du public (ERP), mais aussi des hébergements, des restaurants et des autres commerces. Si elle fournit une garantie qui tranquillise tout le monde (si l'individu y voit son intérêt), l'appli sera même normalisée en très peu de temps, exactement comme le masque. Le jeu en vaudra la chandelle et l’appli sera utilisée si la réouverture des principales adresses de l’industrie touristique, au niveau micro ou macro-économique, en dépend...

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Pour leur part, les propriétaires d’hébergements ont un grand intérêt à surveiller ce sujet bouillant (comptez sur nous pour connaître les tenants, aboutissants, dates, précautions et recommandations techniques). Seule différence, surmontable, par rapport au masque : la complication technologique, que les QR code doivent simplifier profondément ... mais qui est loin d'être résolue à ce stade, du côté de Bercy (Ministère des finances) en charge du dossier.

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© Romolo Tavani / Shutterstock.com

Tenez-vous prêt à proposer des "séjours sûrs, donc libres"

Comme nous l’avons vu, l’ajout des certificats à l’appli “TousAnti-Covid” n’a pas été pré-annoncé. Il y a donc fort à parier que son inclusion dans les loisirs, notamment, ne sera pas tambourinée des semaines auparavant et que de nouvelles consignes ne soient communiquées quelques jours seulement avant la relance.

C'est pour cela qu'il est important, calmement, d’anticiper l’introduction d’un check-in sanitaire dans les hébergements. Les hébergeurs, comme les pros des loisirs (qui seront particulièrement concernés) peuvent gagner du temps en préparant des éléments de communication, qu’ils diffuseront dès le top départ. Il sera alors utile de signaler sur les sites Internet, moteurs de réservations et réseaux, que l’hébergement est prêt et, une fois de plus cette année, en ne faisant pas l'impasse sur la présentation de votre propre protocole sanitaire et votre rapport aux preuves d'immunité à présenter.

Certains opérateurs sont mêmes ==prêts à proposer des "séjours libres, garantis sans inquiétude", car leur accès sera sécurisé par l’appli. Reste à répondre à la légalité de ce "positionnement": peut-on dire que l'on accepte chez soi que des personnes certifiées "covid-vaccinées" ou "covid-immunisées" ?..

Au-delà du caractère légal (qui ne manquera pas de soulever de nombreux débats, voire même des attaques en jutice d'ici là), l’enjeu sera de trouver les mots justes, contenant des sentiments de liberté, de confort de séjour, d’expérience de qualité, de vraies vacances sans soucis … en évitant l’évocation grossière de la “sécurité” (qui fait très “sécuritaire” et fait froid dans le dos).

Il vous faudra évoquer la protection et le soin porté aux clients par des propriétaires que l’on devinera bienveillants, responsables, professionnels et expérimentés. Les éléments de langage à produire, dont certains figurent dans ces lignes (servez-vous !) mériteront d’être bien visibles sur les différents supports. Au moment d’accueillir et de le faire savoir, il faudra trouver le juste équilibre entre la nécessité (en évitant l’ambiance liée à la vieille phrase policière : “Vos papiers !”) et la bienveillance d’un contrôle organisé pour le bien de tous==. Cette nouvelle attitude commerciale imposera de combiner l’exigence implacable et la sympathie totale. Une sorte de diplomatie à laquelle le public devrait s’habituer rapidement.
Un hébergerment qui s'affichera comme "secure et libre", en exigeant que l'on montre patte blanche avec l'appli, prendra le risque de cliver son public, mais il s'adjoindra un avantage protecteur, qui le remportera sur l'inconvénient du contrôle. A ce sujet, lisez notre méthode de 2020, qui consistait à percevoir le masque comme une obligation peu sympa, permettant l'accès à des plaisirs certains, sur l'exemple du préservatif.

Les voyageurs ultra-favorables mais pas partout

Reste que, d'après la dernière étude Censuswide Amadeus, 81 % des voyageurs français sont prêts à utiliser les passeports sanitaires numériques pour faciliter la reprise des voyages. Ces derniers ont toutefois besoin de vraies garanties en termes de confidentialité et de sécurisation des données; preuve que la situation présente n'est pas forcément claire pour tout le monde de ce point de vue ...

D'ailleurs, cette étude d'Amadeus tranche avec la consultation lancée par le Conseil Economique, Social et Environnemental de la France qui a été lancée entre le 17 février et le 7 mars dernier où 67% des français se déclaraient très défavorables au passeport vaccinal.


L'étude du CESE tranche avec celle d'Amadeus mais ne concerne pas les mêmes contraintes

Cette consultation "nationale" montre une très forte opposition au passeport vaccinal s'agissant, principalement, des lieux "courants" (comme les restaurants, les salles de sport, de spectacles, de cinéma, etc ...). Tandis que l'étude Amadeus porte plus sur l'obligation d'un passeport pour les voyages "au long cours" (prendre l'avion pour l'étranger, un train pour un long déplacement ...).

On est donc clairement dans un "deux poids, deux mesures (sanitaires)": oui, au passeport si cela permet la reprise des voyages lointains. Non au passeport s'il doit être un sésame pour entrer au restaurant ou se rendre à l'hôtel ...". Pas facile à résoudre ...

3 points négatifs à connaître, voire à résoudre ?

Reste que la solution proposée par le gouvernement (intégrer le "certificat vaccinal" dans l'application Tous Anti Covid) n'est pas encore "sortie de l'auberge" et sa généralisation devra encore lever un certain nombre d'obstacles:

  • L’appli doit être téléchargée par suffisamment de "clients" pour être banalisée,
  • Seulement 65 % des français approuvent le stockage de leurs données: quid des 35% de porteurs de l'appli qui s'y opposent ? Pourront-ils faire valoir ce droit ou devront-ils supprimer l'appli ?
  • Enfin, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande de "ne pas exiger de preuve de vaccination comme condition d'entrée" dans un pays, pour les étrangers, compte tenu des "preuves limitées concernant la performance des vaccins sur la réduction de la transmission". Cet avis défavorable émis le 20 avril n’annule pas du tout le principe d'un "passeport vaccinal" mais il en limite, pour l'instant, sérieusement l'usage et la légitimité.
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