Booking s’engage à bloquer ses commissions à 15%

Booking s’engage à bloquer ses commissions à 15%

Vivement critiqué et même boycotté en début d’été par certains hôteliers qui espéraient des efforts financiers de la part de leur plus gros apporteur d'affaires, Booking promet de ne pas augmenter ses commissions, dont la moyenne mondiale représente 15 %. Cette semaine, aussi, le champion mondial propose une remise systématique de 10% pour toute réservation effectuée via son application mobile; une façon de s'autonomiser encore plus vis-à-vis de Google... Pari tenable, pour l’entreprise qui entretient des rapports tendus avec les hébergeurs ?

La directrice générale de Booking en France, Malena Gufflet, est formelle : le taux de commission exigé par le leader des OTAs, évalué à à 15% en moyenne au niveau mondial, *“n’a pas vocation à évoluer, mais plutôt à être le plus stable possible”*, assure-t-elle dans l’Echo Touristique, le 28 août. Cette dirigeante affirme “Nous ne voulons pas déstabiliser nos partenaires ou le marché dans son ensemble”.

L’été pourri de Booking

En mai-juin, Booking a été échaudé par la colère de certains hôteliers français contre des commissions jugées excessives. Certains ont quitté le navire. Il lui a même été reproché par des professionnels de l’hôtellerie classique de jouer les Airbnb, en commercialisant des meublés touristiques non déclarés et illégaux. La saison a eu son lot de mauvaises surprises. L’entreprise siégeant à Amsterdam a été accusée d’autoritarisme lorsqu’elle a imposé aux hébergeurs (dont les hôteliers sont les mieux organisés) de rembourser les clients, alors même que l’ordonnance du 25 mars 2020 les autorise à émettre seulement un avoir remboursable au bout de 18 mois.
Selon Booking, cette crise dans la crise a d’ailleurs suscité 400 000 appels de réclamations, annulations et modification, par jour, au niveau mondial. L’entreprise a compris qu’il fallait inciter à modifier les dates et modalités de séjour, plutôt qu’à rembourser. “Nous n’avons pris aucune commission sur les reports, les annulations, les remboursements. Et nous avons parfois remboursé avant l’hôtel”, déclare Malena Gufflet. Les relations se sont encore rafraîchies avec les hôteliers, même si Booking a effectué une avance de trésorerie de 63 millions de dollars au niveau planétaire et a lancé deux campagnes marketing, dès juillet, pour sauver la saison en insistant sur les marchés intérieurs (en compensation, les commissions sur les réservations générées par cette campagne ont été effacées auprès des hébergeurs). L’été 2020 aura été une saison en enfer pour ses concurrents et le mastodonte du marché du voyage, qui annonçait début août jusqu’à 25 % de licenciements de son personnel pour pouvoir converser ses marges (et les fameux 15%) et continuer d’investir dans l’innovation.

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Le pour et le contre des canaux de vente globale

Comme toute moyenne, chez Booking, le taux de commission de 15 % peut atteindre 20%, où plus rarement descendre en-dessous de 15 %, selon l’offre choisie par le partenaire. Booking justifie ce prélèvement par un pack de services : notoriété de l’hébergement, traduction des contenus en 44 langues, avancées marketing et technologiques, service client accessible H24. Le modèle économique engagé ne prévoit aucun autre frais pour les partenaires. Maintenir une moyenne de 15 % est un engagement, sans garantie formelle de la part de la plateforme selon laquelle “les coûts facturés aux hébergeurs font partie des moins élevés du marché”. Le concurrent Expedia, dont le plan de relance annoncé en juin a comporté (aussi) des actions marketing et une baisse des commissions, a débloqué 275 millions de dollars pour empêcher la chute de ses partenaires indépendants. Mais il a dû affronter les hôteliers qui dénonçaient la pression subie et leur impuissance à défendre leurs ventes directes, qui représentaient 57,6 % en 2013 en Europe, avant de reculer à 45,5 % en 2019 (Booking représente 68,4 % des OTAs, contre 16,3 % pour Expedia). En raison de leur forte dépendance envers ces opérateurs, de nombreux hébergeurs ne sont pas tranquilles : le lien avec les géants a fait décoller certains hébergements jusqu’à créer des miracles de fréquentation, mais il en bridé d’autres shutterstock_536781592
Panya Studio / Shutterstock

Le mobile en ligne de mire

Cet été, autre phénomène, les OTAs (sous la pression de la crise sanitaire et économique) ont réduit drastiquement leurs investissements publicitaires (essentiellement, sur Google). Cependant, d'après leurs derniers commentaires financiers, ces derniers ont aussi noté une résistance meilleure que prévu de leur modèle économique grâce "aux réservations directes" (c'est-à-dire, sans passer par une recherche Google) qu'ils ont reçues de leurs clients. Ce phénomène est interprété par une croissance notable de leur notoriété auprès des voyageurs du monde entier dont le réflexe est d'aller directement sur leur site sans passer par Google pour aller réserver leur chambre d'hôtel ou leur location de vacances. Pour encourager ce phénomène et donc, moins dépendre de Google, les OTAs multiplient les stimulations pour que leurs clients continuent de "passer en direct". C'est ainsi que, cette semaine, Booking a carrémment proposé une remise supplémentaire de 10% à tout client qui réservait via son téléphone et son application mobile. En encourageant de tels usages (qui supposent de télécharger l'appli mobile Booking), l'OTA espère s'installer une fois pour toutes dans le top des applis les plus utilisées sur chaque smartphone ... et c'est possible ! Même si les applis mobiles sont souvent supprimées d'un téléphone, Booking espère être l'une des plus persistantes. Et pour cause: cet été, comme nous l'annoncions, plus de 60% des réservations sont passées par un smartphone ...

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Informez-vous en permanence

L’association hôtelière européenne HOTREC estime que 56 % des hôteliers se sentent obligés d’accepter les termes et conditions des plateformes. Ces canaux de vente, parfois aussi puissants que des Etats, vont encore affiner leurs stratégies en investissant dans la technologie, comme nous l’avons vu. Il existe donc une forme de fatalité, car leurs méthodes surpuissantes concernent autant la conquête de clients que le management des partenaires hébergeurs. Les revirements, les ajustements et les repositionnements font partie de l’ADN de ces distributeurs incontournables qui s'affrontent sur un échelon mondial. La meilleure attitude est de guetter leurs évolutions tactiques et stratégiques, modifiées parfois chaque trimestre. En vous informant régulièrement sur ce contexte mouvant, vous conservez vos chances d’adaptation et vous tenez votre champ d'action à bonne distance, pour anticiper les règles à venir, c'est à dire éviter les situations subies.