L'Union Européenne donne un nouveau coup de vis aux relations entre les plateformes et les entreprises

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Après avoir engagé des premières mesures de régulation et de transparence dans les relations entre "clients finaux" et plateformes, l'Union Européenne s'attaque désormais aux relations "business to business" entre les pros (comme les hôteliers ou les maisons d'hôtes) et les plateformes. Au final, chaque pro devrait pouvoir y gagner en transparence dans ses relations avec les plateformes mais aussi, y gagner en sécurité juridique ...

Pour l'UE: "Le rôle d'intermédiaire que jouent certaines plateformes les place périodiquement en situation de pratiques commerciales inapropriées avec les entreprises qu'elles référencent et cela peut créer des dégâts économiques considérables chez les plus petites entreprises...". D'où la première salve de mesures que vient d'annoncer, cette semaine, l'Union Européenne.

Parmi les principaux objectifs poursuivis par ces nouvelles régulations : veiller à ce que le consommateur final sache clairement à qui il achète tel ou tel service et surtout lui indiquer si le classement d'offres qui lui est présenté est influencé ou non par le paiement de commissions ou de services en plus par les entreprises aux plateformes. Le but est donc que le consommateur européen soit parfaitement éclairé sur ce qui lui est proposé à l'achat...

Mais ce n'est pas tout, cette nouvelle régulation entend mettre beaucoup d'ordre dans les relations entre les plateformes et les entreprises avec lesquelles ces dernières "collaborent". Car, selon un sondage réalisé par l'Union Européenne:

  • 50% des entreprises interrogées déclarent avoir rencontré des problèmes dans leurs relations avec les plateformes,
  • 38% considèrent qu'il s'est agi de problèmes qui n'ont pu jamais être solutionnés,
  • 26% des problèmes, toujours selon les pros, n'ont trouvé de solutions qu'au prix de beaucoup de difficultés.

L'Union Européenne entend, par conséquent, se mêler de ces relations quelquefois conflictuelles en vue de mieux défendre les "petites" entreprises européennes face aux géants du e-commerce. Rien de plus normal selon l'UE car, toujours selon cette étude:

  • 66% des entreprises interrogées déclarent que le fait de se vendre sur les plateformes (sans compter sur le classement que ces plateformes leur accordent dans leus listes de résultats) impactent significativement les résultats de leurs ventes et donc, de leur business,
  • la plupart des plateformes avec lesquelles les entreprises européennes sont en "deal" sont américaines et donc, appliquent des conditions contractuelles souvent qualifiées de léonines vu de ce côté-ci de l'Atlantique.

Pour la commissaire européenne en charge du marché intérieur, Elzbieta Bienkowska : “Toutes ces conditions font que les petites entreprises européennes ont, jusque là, beaucoup de mal à défendre leurs intérêts auprès des plateformes; d'où les régulations que nous allons lancer ..."

Nouveau call-to-action

Les nouvelles régulations énoncées par l'UE portent, notamment, sur l'objectif de renforcer la transparence dans les relations entre les plateformes et les entreprises européennes: le nouveau règlement exige, par exemple, une transparence accrue dans la manière dont les plateformes établissent le classement de leurs listes au terme des recherches effectuées par les clients. En clair, en Europe, chaque plateforme devra indiquer clairement quels critères entrent en jeu pour faire apparaître tel ou tel hôtel avant tel autre dans une liste de résultats. Ce début d'année, déjà, les autorités britanniques ont "fait plier" les OTAs sur les "bonnes pratiques" en la matière. Une autre étude, menée en Suisse, démontrait quant à elle quels critères les plus "objectifs" influaient le plus sur le classement de leurs listes ... Manifestement, les autorités européennes emboitent le pas d'un mouvement plus vaste de "réplique aux plateformes".

Lire aussi:
Les autorités anglaises font plier les OTAs sur leurs pratiques
Dans les secrets des classements des OTAs

L'autre point de régulation porte sur la «divulgation obligatoire» des pratiques commerciales et la divulgation de l'utilisation des données (clients, tarifs, etc ...) qui sont faites par les plateformes. Elle ouvre également le droit à la possibilité de poursuivre les plateformes en justice "sans crainte des représailles» pour les entreprises ou les groupements qui le souhaiteraient.

L'UE muscle donc son dispositif et n'épargne aucun acteur; Google en tête (et ses grandes ambitions dans l'univers du voyage et des loisirs). D'autres acteurs, comme les comparateurs de prix, sont aussi dans le collimateur... L'objectif du régulateur européen étant de faire la lumière (et pour les entreprises et pour les consommateurs) sur la manière dont les informations sont calculées et présentées aux clients finaux. Et donc, sur leur niveau de sincérité par rapport à l'idée que s'en fait le client.

Pour cela, l'UE affirme que "les plateformes et les places de marché devront indiquer clairement sur quels paramètres elles classent les offres affichées" et si, en clair, des considérations commerciales (comme le fait de payer une commission plus élevée que son voisin) n'entâchent pas la sincérité des résultats.

Pour l'UE, il est aussi grand temps d'y voir clair sur l'usage que les plateformes font des "datas" collectées à travers leurs sites et, notamment, quel partage il en est fait avec leurs partenaires d'affaires et dans quel but ...

L'UE veut, aussi, comprendre pourquoi et comment certaines entreprises sont rayées des listes des plateformes du jour au lendemain et, pour cela, les nouvelles régulations imposeront de "fixer les règles du jeu dès les départ" et de justifier clairement et précisèment à toute entreprise qui le demande les raisons de sa suspension de telle ou telle plateforme ... Pour cela, la régulation européenne imposera que les plateformes s'équipent d'un dispositif de prise en charge interne des comptes bloqués ou supprimés afin de leur donner toutes les explications possibles (en préambule d'un éventuel recours en justice) pour pouvoir se défendre. Ces dispositions permettront, notamment, aux associations et syndicats de poursuivre les plateformes qui n'appliqueraient pas ces disposisitions avec de lourdes amendes à la clé.

Toutes ces dispositions s'appliqueront dès l'année prochaine et elles seront évaluées dès la fin des premiers 18 mois écoulés.