Les campings français et Booking: quand la méfiance s'estompe ...

Les campings français et Booking: quand la méfiance s'estompe ...

De plus en plus de campings français se vendent sur Booking alors que les OTAs étaient souvent perçus, par ces derniers, comme des dangers imminents pour un marché jusque là plutôt bien protégé dans son indépendance et ses sources de revenus. Cette normalisation croissante de leur distribution via les OTAS semble, désormais, ne pas nuire, non plus, à la croissance des sites spécialisés dans la réservation de campings. Une telle ouverture de marché devrait donc profiter aux propriétaires de campings et, en particulier, aux plus petits et aux indépendants ...

1. Un camping peut-il se vendre sur Booking ?

La question peut paraître saugrenue car rien n'empêche, en effet, un camping de se vendre sur Booking (comme sur n'importe quel OTA par ailleurs). Cependant, en France, l'organisation professionnelle des campings (fédération nationale de l'hotellerie de plein air - FNHPA) s'est toujours distinguée des autres pays en alertant (depuis 2013 déjà) ses adhérents (donc, les campings) sur les conséquences économiques potentiellement négatives à se distribuer via les OTAs "grand public", dont Booking.com. Un rôle de prévention légitimement joué par une organisation réputée aussi tenace que perspicace pour défendre les intérêts de ses mandants.

Pour les représentants professionnels, en effet et dès 2013, les OTAs ont été perçus comme une menace pour les campings à la vue des appétits féroces des grandes plateformes et des retours d'expériences de leurs confrères de l'hôtellerie "classique" qui commençaient à protester contre les conditions de distribution.

À l'époque, en effet, les contrats qui régissaient les relations entre un OTA et un hébergeur n'étaient pas très équilibrés et les obligations de lui soumettre un même prix et un même volume de stock étaient considérés comme des clauses "léonine" (NDLR: une clause léonine est celle qui engendre un déséquilibre significatif entre les parties au sein d'un même contrat).

Mais ça ...c'était avant la loi Macron de 2015 ... qui a rétabli un équilibre incontestable de la relation entre l'hébergeur et le distributeur en faisant "sauter" la notion plus-que-sensible de "parité tarifaire".

Ce point figurait, d'ailleurs, en bonne place du "Code de bonne conduite des OTAs et autres distributeurs de l'offre HPA (Hôtellerie de Plein Air) en ligne" (une charte rédigée par la FNHPA) qui exigeait de chaque distributeur (qui voulait recevoir son "agrément") la "mise en place d’une politique tarifaire de prix conseillés, en tenant compte des observations des gestionnaires de camping." En clair, de garantir que l'OTA allait afficher le même prix que celui pratiqué par le camping lui-même sur son propre site.

Ainsi, deux ans plus tard la première mouture de cette charte, avec la loi Macron, cette disposition centrale devenait "sans objet" puisque, en France, un OTA ne peut plus diffuser que le prix imposé par le camping lui-même tout en ayant l'obligation de tolérer que ce dernier pratique sur son propre site le (meilleur) prix garanti à ses clients directs.

Cette disposition (voir plus bas) a carrémment fait envoler le nombre de campings qui, du coup, sont se sont précipités sur Booking (et les autres OTAs) : ces derniers avaient désormais la garantie - par la loi - qu'ils seraient bien maîtres des prix pratiqués sur les autres sites que le leur ...

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2. Une relation "opportuniste" des deux côtés

Comme on le voit ci-dessous, les relations entre les propriétaires de campings et Booking relèvent du pur "opportunisme" (au sens positif et commercial).

En l'espace de quelques années, le nombre de campings français vendus sur Booking a littéralement explosé (notamment, après la mise en oeuvre de la loi Macron leur garantissant le principe de la dis-parité tarifaire): de 400 établissements qui sont allés se vendre sur Booking en 2013, la liste a grimpé à plus de 2300 en 2021 et, désormais, jusqu'à plus de 2500...

Cette tendance est également portée par les acteurs émergents du "glamping" dont l'envol se constate dès 2018 sur Booking et dont l'hyper-exposition donne rapidement corps à ce nouveau concept d'hotellerie de plein air.

Cette offre émergente est d'ailleurs, très souvent, exploitée par des campings "traditionnels" eux-mêmes qui trouvent là une occasion d'occuper l'espace de Booking sans (trop) se vendre via leurs offres plus "traditionnelles" et donc, sans se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de leurs pairs (solidarité professionnelle d'éviter les OTAs) ni vis-à-vis de leurs apporteurs d'affaires historiques que sont les TO et qui pèsent encore considérablement dans les réservations de nombreux campings. Car, en réalité, c'est désormais ce secteur (celui des Tour Operators de campings) qui est en souffrance et qui demandent à bénéficier de la même considération commerciale que par le passé ...

Si leurs destins semblent moins liés aux "TO" que par le passé, certains "gros" campings continuent toutefois de rester très dépendants de ces apporteurs d'affaires et tentent, tant bien que mal, de ménager "la chèvre et le chou" en répartissant leur distribution entre OTAs "majeurs" et "TO" historiques. C'est ce que l'on appelle le "Phénomène du cache-nez" qui pousse certains campings à se distribuer chez Booking sous une autre catégorie de celle, trop voyante, du "Camping" elle-même: en y regardant de près, de nombreux établissements apparaissent bien, mais dans d'autres catégories de Booking comme les "chalets" ou encore les "cabanes dans les arbres" ...

Cette pratique n'est ni contestable ni moralement discutable: en réalité, comme un hôtel qui va vendre une "suite" sur Airbnb (et non pas ses chambres "standard") pour se donner de nouvelles opportunités commerciales, un camping investit Booking à travers un chalet, une "suite ecolodge" ou une "cabane dans les arbres" pour tester la réaction de la clientèle et se créer de nouvelles opportunités.

Cette relation "opportuniste" se traduit aussi dans le temps: comme on le voit ci-dessous où les relevés ont été faits en mars de chaque année (soit en avant-saison), quand un camping retrouve un planning plus chargé en début de saison, il retire son "inventaire" de Booking sur les mois les plus chargés: c'est ce que l'on voit en 2021 (année de "travel revenge") où les campings passent de 2279 établissements réservables en mars à 1986 en plein mois de juillet ...

Là aussi, cette faculté à ajouter ou retirer de l'inventaire a attiré de nombreux campings qui, lorsque leur charte "OTA" a été mise en place, redoutaient en fait d'être trop contraints par des distributeurs comme Booking.

La charte d'origine de leur fédération précisait, en effet, que les professionnels réclamaient des OTAs des engagements forts comme: "Pas de stocks de locatifs garantis toute l’année, ni d’accès obligatoire et permanent à l’ensemble des offres du camping. Un camping poussé à offrir la gamme complète de toutes ses locations à la disposition de ses partenaires de distribution ou un stock minimum toute l’année perd de sa souplesse nécessaire pour s'adapter aux exigences du marché". Manifestement, de l'eau a donc aussi sous les ponts depuis cette version...

Etude elloha - Source : Booking.com (nombre de campings présents sur Booking, chaque année, au 31 mars, soit en avant-saison).

3. Un apprentissage progressif et mutuel

La relation entre les campings et les (purs) OTAs comme Booking, Expedia ou Airbnb (et désormais, Google Direct) s'épanouie donc désormais en mode "détente post-guerre froide" et, comme on le voit sur le graphique ci-dessus, de plus en plus d'exploitants mettent leurs chalets et leurs emplacements en vente sur le premier distributeur européen sans la moindre retenue.

En France, Booking revendique déjà plus de 2500 campings commercialisés dans ses listings toute l'année: ce nombre reprèsente près de 50% des campings (hors "équipement nu") contre près de 30% des campings espagnols vendus sur la plateforme néerlandaise et 28% pour les campings italiens.

La raison ? La France est Le "grand pays du camping" et, ces dernières années, la profession et les établissements (mais aussi, la financiarisation du milieu par l'arrivée de nombreux fonds d'investissements qui ont racheté des "terrains" à tour de bras) a encouragé la constitution de très grosses unités, de grands groupes. Ces acteurs, plus que les indépendants, se sont donc donnés des moyens supplémentaires de se distribuer et ont eu plus de possibilités de se mullti-distribuer en ligne (et plus rapidement que les "indépendants").

Ces acteurs ont donc accéléré la migration des campings vers les grands OTAs et ne sont plus cantonnés aux seuls classiques "tour-operators" ou aux sites en ligne spécialisés dans le camping (et, par la force des choses, signataire de la charte évoquée dans cet article).

Plus concrètement, comme en témoignait un responsable syndical sous le couvert de l'anonymat : "Un gros camping racheté par un fonds d'investissement ne se pose aucune limite pour vendre ses chalets et ses locations d'emplacements. Son but est son retour sur investissement ... et si cela passe par se vendre par des sites comme Booking qui n'ont pas signé notre charte, ils le font quand même sans demander l'autorisation à personne ni sans craindre de remontrances professionnelles ...". Tout est dit !

4. La technologie a libéré le mouvement

Cette tendance au "chacun pour soi" s'est accélérée durant la période covid: à ce moment-là, les plannings ne se remplissaient plus de la même manière. Entendez par là : plus aussi tôt dans l'année et plus avec autant de certitude d'atteindre le taux maximum, même avec les réservations de dernière minute ...

A cette époque aussi, de nombreux propriétaires de campings ont dû faire face au "calage" des tour-operators traditionnels, eux-aussi confrontés à la pénurie de clients ou au démarrage tardif de la saison. "Ceux qui ont le plus douté, dans ces moments-là, sont allés se vendre sur les OTAs pour "sauver" la saison et, depuis, y sont restés ... car, finalement, la relation établie avec eux n'est pas pire que celle que nous avons avec certains tour-operators ...".

Enfin, la technologie digitale permettant de se distribuer sur plusieurs portails à la fois (dont Booking et les mastodontes dont Expedia, Vrbo, TripAdvisor, Airbnb et Google) s'est ouverte à tous les campings, y compris les plus "petits et les indépendants" leur donnant la possibilité contre moins de 1€ par jour (c'est le cas pour elloha) de se distribuer simplement sur plusieurs canaux en même temps, en gérant facilement la dis-parité tarifaire et leurs stocks.

"On a même développé de nombreuses passerelles avec des éditeurs historiques du camping afin de ne pas bouleverser l'organisation de nos clients, souligne Christophe Valat, Chief Product Officer chez elloha. Quant un camping gère son établissement sur des solutions partenaires de elloha, il peut envoyer sans ressaisie ses inventaires et ses prix sur des dizaines de sites du jour au lendemain, dont Google Direct et les plus gros OTAs de la planète ...".

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5. En 2023, plus de campings sur les OTAs

Le camping est donc devenu un produit-phare des OTAs (Booking, Airbnb, Expedia, TripAdvisor et, maintenant, Google Direct) en proposent des centaines rien que pour la France. Et, face au succès du Top4 des OTAs, les campings explorent désormais d'autres marchés que le seul Booking. Airbnb, par exemple, est devenu leur "terrain" de prédilection pour valoriser quelques emplacements, chalets, cabanes, etc ... auprès des millions de guests de la plateforme californienne.

Ces acteurs n'ont jamais signé la charte syndicale et n'en sont d'ailleurs toujours pas signataires. Ils s'en justifient en déclarant déjà se conformer aux principales dispositions; notamment, sur la disparité tarifaire et celle du stock. Le reste, selon, relève de la liberté économique ...

Cependant, à ce jour, 23 sites ont signé la charte; des sites qui sont, pour la plupart, des ultra-spécialistes du camping et pour lesquels, un accord avec la représentation fédérale s'imposait.

Ces sites sont tout sauf des sites "secondaires" comparés aux OTAs les plus connus: ces derniers ont investi un marché et des clients qu'ils connaissent bien et qu'ils ont su fidéliser. Leur apport d'affaires dans l'économie de l'hotellerie de plein air est donc, tout sauf anecdotique.

D'ailleurs, un acteur de poids comme campings.com (ex-camping numéro 1) a bénéficié d'une récente (et importante) levée de fonds (27 Millions euros) qui lui a permis de "mettre la main" sur un de ses concurrents néerlandais (Bungalow Booker) et de viser un revenu global de 200 Millions d'euros pour une croissance de 30% par an. L'adage selon lequel "le soleil brille pour tout le monde ..." n'a donc jamais été aussi vrai, surtout dans l'univers du camping.

Les OTAs, de leur côté, continuent de gagner des parts de marché auprès des propriétaires de campings en faisant valoir leur force de frappe, le coût maîtrisé de leurs commissions et la (nouvelle) souplesse dont ils veulent témoigner à leur égard.

Le fait que de plus en plus de campings se retrouvent à la fois sur les "grands OTAs" et sur les sites spécialisés ne va pas perturber le marché (à l'image de ce qui se passe pour les hôtels ou les maisons d'hôtes) et l'on peut dire que le "domptage" des OTAs par les campings, en grande partie à la vigilance de leur fédération, en est désormais à sa phase adulte ...

Le mérite de la charte inspirée par les organisations professionnelles a été d'instaurer un temps d'approche et un rapport de force qui a permis aux deux "parties" d'apprendre à se connaître dans un environnement commercial et digital qui change à la vitesse de la lumière. Mais, comme on le voit dans les chiffres, c'est bien la loi Macron de 2015 qui, en mettant fin à des pratiques d'un autre temps, a libéré la relation entre les campings et le premier OTA européen. Nul doute que, bien des sujets restent à travailler pour les organisations professionnelles et qu'elles ne manqueront pas d'inspirer (à l'instar de la loi de 2015) des mesures novatrices et protectrices pour les acteurs de la filière des campings, à commencer par les plus petits et les plus indépendants qui ont désormais fort à faire face à la concurrence des "grosses machines" de leur destination; un phénomène majeur moins lié à la menace des OTAs qu'à la tendance (lourde) à la financiarisation de l'industrie de l'hotellerie de plein air.