Quand la parité tarifaire perd la tête !

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Seuls 21% des hébergeurs qui en ont le droit - comme en France et dans d'autres pays européens - affichent des prix "meilleur marché" sur leur site. Comble du paradoxe, la plupart du temps (près de 50%), ce sont carrément les OTAs qui offrent de meilleurs prix que l'hébergeur lui-même !

Ce devait être la solution : forcer la main des OTAs pour qu'ils cessent d'imposer aux hébergeurs (hôtels et maisons d'hôtes) cette clause dite de parité tarifaire. Autrement dit, permettre à l'hôtel d'afficher sur son site des prix "meilleur marché" que ceux affichés sur les OTAs. Et ainsi, attirer plus de réservations directes chez soi. En théorie, ce pourrait être le cas comme tous ceux qui ont mis en oeuvre ces stratégies peuvent en témoigner. Mais, en pratique, les OTAs n'ont rien à craindre de ces dispositifs contraignants...

L'ambition de "libérer les hôteliers du joug des OTAs" s'est traduite par le vote, en France, de la loi Macron (2015) interdisant aux puissants distributeurs (comme Booking, Expedia, etc ...) d'imposer la parité des prix de nuitée dans leurs contrats. Dont acte ! Comme a pu le signifier Booking qui a aussi édicté en France une charte de bonne conduite que vous pouvez relire ici.

Incapacité technique & fair-play ...

Mais, il faut reconnaître - à la vérité - que peu d'hôtels (21% à peine) usent de cette liberté comme le rappelle l'étude menée par la Commission européenne auprès de 16.000 hôteliers du Vieux Continent.

Bien des raisons sont évoquées, mais les principales sont de deux ordres :

  • la première consiste à "jouer le jeu" avec les OTAs sur le thème : "ce sont des partenaires précieux et on se doit de respecter nos engagements contractuels en affichant chez eux les mêmes prix que chez nous. De plus, on ne veut pas créer la confusion chez nos clients ...". Cette intention est louable et démontre aussi que, pour une majorité d'hôteliers, l'OTA n'est pas synonyme d'ennemi et qu'il faut travailler avec lui "à la loyale".
  • La seconde raison la plus souvent invoquée tient à l'incapacité technique, pour un hôtel ou une maison d'hôtes, de "programmer" et d'afficher des tarifs différents entre son propre site (qu'il voudrait forcément moins cher) et ceux des OTAs.

Des erreurs qui peuvent coûter cher

Dans tous les cas, la majorité des hôtels ou des maison d'hôtes affichent donc un tarif similaire sur Booking et sur leur propre site. Pire, et c'est quand même plus grave, les sites des OTAs sont souvent moins chers que le site de l'hôtel lui-même ...

C'est le cas de quasiment toutes les catégories d'hôtels qui ont été scannées, en Europe, sur un échantillon de 2500 établissements :

  • sur 900 hôtels 3 étoiles, les OTAs sont meilleur marché que leur site au moins 45,6% de l'année,
  • sur 1080 hôtels 4 étoiles, c'est aussi le cas pour 49,4% du temps,
  • sur 900 hôtels 5 étoiles, les OTAs restent meilleur marché 42,7% du temps/

Lire aussi:
La parité, c'est pas gagné !
Parité tarifaire, le point de l'autorité de la concurrence
Dans 24% des cas, Booking est moins cher que l'hôtel lui-même
Dans 9 cas sur 10, les prix des OTAs sont aussi bons sinon meilleurs

Cette situation - où l'OTA est plus abordable que l'hôtel en direct - est plus grave car, pour le client final, elle ne donne pas une image sérieuse de l'hôtel. Certes, pour les consommateurs, réserver sur un OTA est devenu un réflexe courant, notamment car les clients y trouvent un vaste choix aux meilleurs prix, mais tout un chacun sait aussi que, en théorie, l'hôtel ou la maison d'hôtes est en mesure d'afficher de meilleurs prix quand on le consulte directement.

Quand ce n'est pas le cas, il y a de quoi surprendre et interloquer le client. Et cette (dis)parité tarifaire ne donne vraiment pas une image de sérieux commercial à l'hôtel ou la maison d'hôtes. Si tel est votre cas, corrigez la situation au plus vite car vous risquez de perdre beaucoup de crédit au fil des mois ...

Car, bien souvent, cette "différence" à la faveur de l'OTA est le résultat de facteurs parfaitement corrigibles :

  • la première raison est l'erreur humaine : de mauvais prix entrés dans le back-office de l'OTA ou de mauvais codes tarifaires enregistrés lors de la synchronisation. Si tel est le cas, contactez votre chargé de compte (ou votre fournisseur de solution) et corrigez immédiatement cet écart qui est, la plupart du temps, lié à des erreurs de saisie manuelle ...
  • La seconde cause est liée aux promotions que font les OTAs et pour lesquelles vous ne vous souvenez plus avoir donné votre accord ... Et oui, les OTAs ne jouent jamais "à la déloyale" et, bien souvent à l'issue de protestations, il est dans leurs habitudes de renvoyer leurs opposants dans leurs cordes en leur rappelant les termes du contrat signé ...dans lequel vous avez autorisé ce genre de promotions.
  • La 3ème raison peut tenir à la politique commerciale de l'OTA qui décide de gommer une partie de sa commission et d'en faire profiter le client final. Cela a donc l'effet immédiat de faire baisser le prix net proposé au public tout en vous garantissant le même revenu que celui négocié dans votre contrat,
  • Parmi les raisons plus discutables, il y a le fait que l'OTA peut afficher des prix moindres en jouant sur les taxes et les frais de dossiers; ce qui peut lui permettre d'afficher des prix d'appel plus réduits que les vôtres (sujet sur lequel s'est penché le parlement britannique l'an dernier, voir plus bas).
  • Quand votre hôtel s'affiche plus bas à l'étranger, cela peut aussi s'expliquer par le taux de conversion utilisé par l'OTA,
  • Enfin, il est possible que vous ne vous souveniez plus d'avoir négocié certains tarifs dans votre contrat initial avec l'OTA ou de l'avoir autorisé à afficher des prix "packagés" qui se rappellent maintenant à votre bon souvenir ...

Il y a aussi des explications plus techniques :

  • une mauvaise synchronisation de vos prix entre votre channel manager et l'OTA,
  • une mise à jour altérée de vos prix par l'OTA lui-même qui, comme toute plateforme technologique, peut aussi connaître ses propres avaries ...

Mais, dans ce cas, la correction de l'erreur est souvent immédiate.

Lire aussi:
Le parlement britannique veut des prix transparents

Dans tous les cas, si vous n'êtes pas d'accord avec cette (dis)parité tarifaire, ne partez pas en guerre contre votre partenaire OTA. Après tout, vous avez bien signé un contrat avec lui et il vous rapporte une bonne part de vos revenus en ligne.

Adoptez une démarche claire et constructive :

  • Evaluez l'importance de cette (dis)parité : est-elle mineure et conjoncturelle ou les écarts de prix affichés sont-ils anormaux et, compte tenu de leur permanence, jouent-ils une influence très négative sur votre image de marque commerciale ?
  • Identifiez d'où peut provenir cet écart : ne partez pas bille en tête en agressant votre chargé de compte. Dans la plupart des cas, ces écarts sont le résultat d'une erreur humaine (souvent la vôtre). Vérifiez bien les tarifs saisis dans votre back-office et dressez un état comparé sur plusieurs jours ou plusieur semaines. Vous serez mieux armé(e) pour discuter avec l'OTA et faire corriger "son" erreur si c'est le cas ...
  • Contactez votre chargé de compte chez l'OTA et (si l'erreur ne vient pas de vous) demandez une explication précise sur l'écart constaté. Si rien - dans votre contrat ou vos paramétrages dans leur back-office ne le justifie - exigez une correction tarifaire immédiate (c'est votre droit !). En tant que partenaire commercial, ce dernier se doit aussi (comme vous) de respecter les engagements contractuels réciproques.
  • Si l'écart persiste et qu'il continue de vous créer un grave préjudice d'image, n'hésitez pas à remonter auprès du supérieur de votre chargé de compte et, au pire, "débranchez" votre inventaire jusqu'à nouvel ordre ...

Les relations entre les hôtels et maisons d'hôtes et les OTAs sont souvent présentées comme conflictuelles. A vrai dire, ce n'est pas vraiment le cas car les OTAs sont devenus des apporteurs d'affaires majeurs pour une immense majorité d'entre eux. Certes, la plainte sur le coût des commissions n'a cessé d'enfler mais elle va de pair avec l'importance que les OTAs ont pris sur la vente de nuitées. Certes, les OTAs sont puissants mais ce que nous venons de voir contribue aussi non pas à leur force mais à la faiblesse des hébergeurs eux-mêmes: laisser un distributeur (OTA ou autre) afficher de meilleurs prix que soi-même reste une aberration commerciale indiscutable et l'hôtel qui persiste dans cette voie est moins légitime qu'un autre à se plaindre du poids des OTAs. Chaque entreprise est responsable de sa politique commerciale (et de sa defense !). Ne rien faire pour corriger de telles aberrations condamne inexorablement à une vraie perte de crédit et de clients. Mais est-ce vraiment immérité ?..