Que sera le voyageur de la fin 2022 ?
Si la rentrée s'annonce plutôt inédite (en générant de nombreuses inconnues sur la réaction des voyageurs face à l'inflation), on sait aussi que - crise ou pas crise - le covid a transformé du tout au tout le comportement des voyageurs. Car, c'est un fait, ces deux années chaotiques ont transformé de manière irréversible de nombreuses habitudes de consommation, de réservation ... et de voyage; au point que l'on peut dire que beaucoup de choses ne reviendront pas "comme avant".
Les habitudes de voyages ont changé; à commencer par les méthodes de réservation. Avec l'essor d'une digitalisation accrue des plus grands acteurs de l'hotellerie comme des entreprises indépendantes d'hébergement, le choix accessible en ligne (et réservable en temps réel) s'est démultiplié ! Les consommateurs se trouvent confrontés à plus de choix, plus d'avis, plus de prix différents (pour un même établissement) d'un site à l'autre. Cela a pour conséquence d'augmenter drastiquement le nombre de sites visités, de comparateurs utilisés et de pratiquer des réservations multiples (puisque majoritairement annulables jusqu'à la dernière minute ...). Le voyageur a plus de choix devant lui, plus de facilités (comme les paiements en plusieurs fois) et les alternatives de logements (avec l'essor des locations de vacances sur les OTAs) lui donnent un pouvoir absolu. En clair, ces mutations ont clairement fait pencher le pouvoir du côté du voyageur.
Voilà un premier défi énorme mais qui reste à la portée de chacune des entreprises touristiqes à condition de veiller aux à-coups du marché, de prévoir et d'agir en temps réel. Car c'est aussi là la clé : réagir en un claquement de doigt aux évolutions d'un marché qui se déroule quasiment en temps réel.
Car, jusqu'à présent, le tourisme se rythmait sur des saisons fortes (hiver et été) et des demandes plus faibles sur les autres périodes. Désormais, difficile de s'affranchir des "ailes de saison" qui, grâce au digital, ont fait émerger une nouvelle demande (boomers, clientèle sans enfant, etc) attirée par des prix plus doux et des conditions d'accueil plus "soft". Faire le plein l'été, se reposer à l'automne et préparer doucement sa rentrée dès janvier risque d'être bientôt relégué au rang des "vieilles méthodes". Comme pour les vendanges dans le sud de la France, la météo a avancé le calendrier, les machines à vendanger ont bouleversé le rythme des villages, les méthodes de cueillete nocturne, etc ... Bref, on continue de produire des raisins et du vin selon un calendrier et des méthodes totalement différentes. Qui l'eut cru il y a encore dix ans de cela ?
Dans le tourisme, même combat, ce qui était autrefois établi et prévisible (les saisonnalités) est désormais beaucoup plus variable : nouvelle concurrence, étalement des saisons, etc ... tout cela, petit à petit, modifie la manière de produire et de consommer le tourisme.
Comme le constatent les patrons des principaux OTAs, aujourd'hui, plus de clients sont prêts à voyager pendant les saisons "creuses". Désormais, il n'est pas anecdotique de "faire du chiffre" avant ou après les hautes saisons traditionnelles et de multiplier de bons revenus les jours de milieu de semaine jusqu'alors très peu demandés. Chez Marriott, par exemple, un récent rapport confirmait que, comme jamais, les jours d'arrivée du jeudi et du dimanche avaient explosé comme jamais !
Un autre facteur vient conforter cette tendance: selon Vrbo (ex-HomeAway, la maison-mère d'Abritel), en 2022, les recherches "sans dates" (mais avec des propositions de bon tarifs) ont augmenté de 33% ! En clair, pour l'assurance de voyager au meilleur rapport qualité-prix, de plus en plus de voyageurs sont déterminés à faire d'importantes concessions sur la date de leur départ ...
Cette clientèle, par ailleurs, ne se substitue pas à votre clientèle des "bonnes périodes": elle s'y rajoute ! Cela signifie que vous pouvez y voir là une opportunité nouvelle de gagner plus de clients en mettant plus en avant ces offres "originales" ("Arrivez le dimanche et séjournez au meilleur prix chez nous !").
De ce point de vue, ici, le changement de comportement des voyageurs sert, à la fois, à étaler la saison et à augmenter vos TO sur les autres périodes et, plus globalement, sur l'ensemble de votre période d'exploitation.
Un des segments de cette nouvelle clientèle porte aussi sur les "travailleurs nomades" ou encore les adeptes du "bleisure" (qui mixe travail et loisirs). Selon une récente étude d'Expedia, 56% des voyageurs d'affaires sont désormais disposer à prolonger leur séjour en réunissant leur conjoint ou leur famille ... mais, là aussi, encore faut-il que les offres existent et soient clairement mises en avant. Dans tous les cas, elles sont à mixer avec vos offres sur le travail à distance qui, en 2022, n'ont pas cessé de s'afficher sur les sites des principales chaines hotelières. Même combat dans le domaine des locations de vacances où Vrbo (filiale d'Expedia) a aussi mesuré que 44 % des familles étaient plus susceptibles de travailler à distance à l'avenir.
Cette tendance nouvelle accèlère ou s'accompagne, en conséquence, d'une autre tendance de poids: la durée des séjours. Selon les principales plateformes, les séjours de 21 à 30 jours ont le vent en poupe (+68% de demandes). Ce marché, jusqu'alors invisible ou informel, est littéralement en train d'exploser. Longtemps dominé par les locations de vacances, il est désormais "dragué" par les hôteliers qui ont su multiplier les offres en ce sens.
Les plus motivés mixent, bien sûr, ces offres avec des installations propices au télétravail ou - autre tendance - au coworking : en France, de nombreux hôteliers déclarent avoir utilisé une grande partie de leur PGE pour investir dans la création (ou la modernisation) de ces nouveaux espaces prisés des voyageurs lointains comme des "locaux"; de quoi faire de l'hôtel un nouveau point de rencontre local.
Autre évolution de taille ... après "Voyage Voyage" de Desireless, le voyage entre dans l'ère du Contactless ... ou voyage sans contact. Directement inspirées des pratiques "préventives" mises en place durant le covid, ces méthodes et ces nouveaux équipements suscitent le plebiscitent des voyageurs. Une récente étude de DTVCOMM, un des principaux fournisseurs mondiaux de grandes chaînes hôtelières mesure cette satisfaction à ces niveaux stratosphériques (voir ci-dessous).
Le voyage "sans frictions" plus que "sans contact" a donc le vent en poupe et cette tendance reflète aussi la demande croissante des voyageurs pour une meilleure digitalisation des établissements touristiques.
D'autres études viennent conforter ces constats: d'après Wakefield Research pour Kasa Living, le check-in, par exemple, est souvent considéré comme une étape néfaste par les voyageurs:
- 73 % se sont souvenus d'expériences défavorables avec l'enregistrement en personne, y compris des processus trop longs (44 %), des informations incorrectes (32 %) et un personnel hostile (31 %) ou totalement absent (22 %).
- 47 % des Millennials ont classé l'enregistrement à la réception et le service en chambre comme peu prioritaires, contre 34 % de la génération X et 22 % des baby-boomers,
- Pire ! 99 % des voyageurs prévoyant plus de 5 voyages au cours des 12 prochains mois ont déclaré qu'ils préféraient remplacer les interactions en personne par des expériences numériques.
Enfin, s'agissant des services proposés sur place (room service, personnel de réception, etc), ==61 % des voyageurs d'affaires ou de loisirs à venir ont déclaré que ces services avaient un attrait limité, et 34 % des voyageurs étaient globalement d'accord. Et, une majorité d'entre eux souhaiteraient privilégier la consommation de ces services via des applications mobiles ... pour leur faire gagner en temps et en autonomie.
De fait, à mesure que la technologie devient une partie plus naturelle de la vie des voyageurs, cela crée toutes sortes d'attentes de la part des clients. Cela n'est pas sans faire monter la pression sur les épaules des pros: les clients continuent d'exiger un niveau de numérisation plus élevé et des réponses rapides, quel que soit le canal qu'ils utilisent pour demander (et obtenir) des informations. Ils veulent aussi un certain niveau de personnalisation avant d'évaluer votre service comme "bon". De fait, le considérer comme tel, signifie que vous leur permettrez de se sentir uniques tout en leur garantissant de vivre une expérience enrichissante. Promesse de plus en plus difficile à tenir en cette période où les recrutements sont devenus si difficiles.
C'est un fait : les habitudes de voyage et les comportements de réservation sont différents de ce à quoi nous étions habitués. Prévoir la demande est devenu de plus en plus difficile. Si sur le volume, l'exercice s'avère impossible dans un contexte économique chamboulé, en revanche, sur le plan de la qualité recherchée, on connaît avec précision les nouvelles attentes des voyageurs. Toute la question est de savoir s'ils sont prêts à y mettre le prix ...