Une rentrée ... dans l'atmosphère un peu compliquée

Une rentrée ... dans l'atmosphère un peu compliquée

Pour l'heure, même si la crise ne cesse d'être annoncée avec des messages de plus en plus précis de la part des gouvernants, les principaux signes restent positifs pour l'univers du voyage. Toutefois, la résilience tant attendue le sera d'abord des ménages plus que des entreprises qui, pour la plupart, ont appris à naviguer par gros temps depuis deux ans ...

À peine rangées les affaires d'été et réussis les premiers pas de la rentrée scolaire, qu'il faut déjà se préparer à un automne-hiver des plus incertains ... pas tant du point de vue météorologique mais, tout d'abord, sur le plan économique. Sur fond de guerre sans fin en Ukraine et d'une inflation sans précédent depuis 40 ans, les économistes s'accordent tous pour dire que des mois très austères vont désormais succéder aux semaines plus légères (bien que suffocantes) de notre dernier été.

Car, sauf à vivre dans sa propre bulle, depuis de nombreuses semaines déjà, les prédictions économiques les plus alarmantes se succèdent les unes aux autres. Et cette rentrée, aux yeux de nombreux spécialistes, devrait siffler le début des "réjouissances" ... Inflation galopante, restrictions énergétiques, départ reporté sine die de l'économie chinoise, etc ... tous ces "fléaux" sont bien réels et semblent se combiner pour nous imposer un contexte aussi peu réjouissant que celui du covid ... les aides publiques en moins; car les caisses sont vides ou pas très loin de l'être.

Dans ce contexte, faut-il se préparer au pire ? Très certainement ! Dans l'univers des startups, les fonds les plus influents incitent les entreprises de leurs portefeuilles à licencier, geler les embauches et commencer à faire comme si le pire devait arriver" selon l'expression du célèbre YCombinator, la crème des acteurs mondiaux en la matière ... Même si, pendant ce temps, le débat sur les "super-profits" peut quelque peu dérouter sur les paradoxes de notre situation économique.

Aux US, dont les effets se font sentir jusque dans nos terres, le spectre d'une récession est bien réel et toutes les entreprises sont invitées à préserver leurs liquidités. Même les "grands de ce monde" (Apple, facebook, Google ...) commencent à tailler dans le dur: avec une consommation en berne du fait de l'inflation, les annonceurs devraient théoriquement réduire leurs coûts et leurs publicités; ce qui touchera directement le coeur du système de ces mastodontes qui en vivent principalement... Et, par effet de "ruissellement", de nombreuses autres entreprises (et de pans entiers) devraient aussi être durement impactés.

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Une industrie des plus résilientes

L'univers du voyage et des loisirs est évidemment scruté à la loupe et sa légendaire résilience sera, cette fois encore, très éprouvée. Si de nombreux signes restent sombres, les raisons d'y croire sont encore nombreuses (et ce n'est pas de la méthode Coué).

Tout d'abord, du côté "sombre" de la situation:

  • Avec une inflation inédite, évidemment, le prix des voyages (notamment ceux qui nécessitent une grosse part de transport) va décourager de nombreux clients de partir à nouveau : le transport avec des coûts énergétiques très supérieurs ne sera pas seul en cause. Déjeuners ou dîners au restaurant vont coûter de plus en plus cher et tout cela limitera quelque peu la "magie" de partir ...
  • Si les deux étés précédents ont fonctionné, outre le principe du "Voyage Revanche", il est certain que ce succès tenait aussi au fait que les ménages avaient beaucoup épargné durant le covid (moins de sorties, donc moins de dépenses) et cela les a incité à se faire d'autant plus plaisir lorsqu'ils sont partis en weekend ou en vacances. Désormais, on peut raisonnablement penser que l'épargne a été sérieusement consommée ou que ce qu'il en reste sera plutôt "verrouillé" pour faire face aux éventuels contrecoups de la période économique tendue qui approche (taux d'intérêts en hausse, coût de la vie qui s'envole, investissements à réaliser chez soi pour moins dépendre de certaines énergies, etc),
  • Sans compter que personne, à ce jour, ne peut vraiment définir l'ampleur de la crise à venir qui pourrait amplifier cette forme de repli sur soi des voyageurs sur laquelle toute le monde s'accorde ...

Du côté des vues "optimistes" et, sans jouer les béats, les "grands" du secteur, à l'occasion de la production de leurs derniers résultats trimestriels, maintiennent une position raisonnablement optimiste quant à l'avenir immédiat et à moyen terme (hiver 2023).

Booking et Expedia, les deux géants, affirment, chiffres à l'appui, que l'activité du dernier trimestre 2022 devrait toujours se situer dans les niveaux de 2019 (même légèrement supérieurs, de l'ordre de 15%). Avec la réserve, toutefois, émise que "ces conditions puissent changer rapidement ...". Côté Expedia, pour l'heure, le rythme des réservations semble aussi bon qu'il y a un an, avec une forte demande constatée sur les recherches de ces sites ... mais aussi, des risques d'annulation de dernière minute que personne ne peut ignorer.

Selon ces deux premiers acteurs, la demande de weekends et de voyages ne semble donc pas contrariée (à cette heure) en France et dans le reste du monde. Mais, cela s'explique aussi par le fait que les consommateurs n'ont pas encore saisi "l'entrée dans le dur" de la situation et que, covid aidant, une immense majorité d'offres est désormais réservable de manière "flexible" (c'est-à-dire, annulables à tout moment par le client, sans pénalités). Rien ne dit donc, à ce stade, si les réservations enregistrées seront honorées dans les prochains mois ...

Pour les économistes, cette demande s'explique aussi par les chiffres inédits de l'emploi dans les principales économies de la planète. Aussi paradoxal que cela puisse paraître dans une période aussi (potentiellement) à risques, le plein emploi (ou le chômage bas niveau) est désormais établi dans de nombreux pays (y compris en France où les embauches ne sont pas bloquées). Cela signifie que plus de personnes accèdent au marché du travail, perçoivent un salaire et jouissent d'un métier. Cette situation est généralement assez bonne pour l'univers du voyage car "les gens qui travaillent aiment prendre du temps pour aller ailleurs ..." selon l'un des chefs économistes de chez Accenture.

Sans se forcer, on peut donc encore penser que les voyages et les loisirs (s'ils ne cèdent pas trop au côté inflationniste de la situation à venir) devraient encore s'accomoder de la situation. Le voyage n'aura jamais, en effet, autant mérité son qualificatif de "besoin vital" ...

Mais cela n'explique pas tout pour justifier qu'il y aura encore de l'activité chez les hébergeurs, les restaurateurs et les pros des loisirs. Selon plusieurs spécialistes, la crise du covid a accéléré la révolution de l'offre: les compagnies aériennes, hôtelières (jusqu'aux exploitants individuels et indépendants) les plus dynamiques ont modifié de A à Z la façon de construire leurs offres, d'afficher et de conditionner leurs prix (la fle-xi-bi-li-té) ... ces acteurs-là ont donc acquis une compétence commerciale nouvelle pour toucher un public plus difficile à convaincre de réserver.

Silencieusement, une mue du marché s'est opérée ces deux dernières années : plus de digitalisation, plus de concurrence aussi (en provenance des locations de vacances, notamment), plus de souplesse commerciale (multiplication des offres en lieu et place d'un seul prix proposé), plus de souplesse au niveau des paiements (avec l'introduction galopante du 3 fois sans frais), etc ... toutes ces méthodes construites et appliquées au fil du temps portent aujourd'hui leurs fruits et permettent à de nombreux pros de "trouver leur marché" dans un contexte plutôt hostile ...

Si les chiffres devaient se maintenir au niveau des années (fastes) précédentes, les conditions de leur réalisation devraient se complexifier ... Là où un acheteur visitait en moyenne 40 sites avant de réserver, ces derniers devraient en consulter une vingtaine de plus avant de trouver la bonne offre ...

Autre phénomène, selon toute vraisemblance, en dépit d'un contexte des plus inquiétants, les recherches de séjour (et de bonnes affaires !) ne baissent pas. Sur certains grands portails, elles seraient même supérieures de 50% à celles de l'an dernier ... à une différence majeure: elles se situent surtout sur les périodes creuses ou comment partir, coûte que coûte, au meilleur prix, même s'il faut le faire aux périodes les moins "courues".

A sens contraire de ce que l'on pourrait penser, la crise qui s'annonce devrait avoir pour effet d'élargir la saisonnalité, avec une consommation de plus en plus forte (uniquement pour des raisons tarifaires) sur des "ailes de saison". Attention, toutefois, les grands sites tempèrent cette perspective : les réservations confirmées à fin septembre-début octobre confirmeront ou non cette tendance. Dans le cas contraire, il est fort probable que leurs estimations optimistes des derniers résultats trimestriels ne soient drastiquement revues à la baisse. Car, même si de nombreux paramètres ont changé ces dernières années, l'hiver se joue entre la fin du mois de septembre et celle du mois d'octobre...

Autre phénomène : le marché de la proximité va s'imposer. Comme aux déconfinements de 2020 et 2021, et malgré un retour estival aux destinations plus lointaines, la correction devrait se porter sur des séjours de proximité. D'après de nombreux observateurs, si le besoin de partir reste prégnant chez de nombreux voyageurs, cette fois-ci ce ne sera pas la peur de rester bloquer ailleurs qui les poussera à partir près de chez eux, mais les prix à la pompe (du carburant) et les coûts annexes non maitrisés (restaurant, activités, etc). Partir près de chez soi semble aussi constituer une garantie de mieux préparer son séjour, de mieux maîtriser son budget et de ne pas tout "cramer" dans le carburant et les péages autoroutiers (les grands gagnants des super-profits actuellement discutés).

Côté avions, l'euphorie estivale risque de se calmer avec des prix spectaculairement à la hausse, y compris chez les "low-cost". Ryanair a ouvert le bal en annonçant supprimer ses prix d'appel à 19€, par exemple. Easyjet a fait de même en annonçant d'importantes corrections à la hausse. Sans compter les manques de personnel qui vont inciter à interrompre certaines lignes et donc, à renchérir le coût des autres.

Cette fois-ci, à la différence de l'ère covid, la résilience du voyage tiendra davantage à celle des ménages qui vont entrer dans une zone de forte inéquiétude économique cet automne qu'à celle des professionnels. Cependant, avec des systèmes d'aides publiques en berne et des PGE à rembourser, pas sûr que les pros ne soient pas soumis à une forte pression en cas de reprise contrariée après un été en demi-teinte (et ce, en dépit des déclarations victorieuses de fin de saison). Cette année encore, chacune et chacun devra aller chercher son marché avec encore plus de détermination et de bonnes astuces commerciales. L'heure de la rentrée a sonné et celle des grandes manoeuvres aussi ...