Baisse de 65 % : Paris doit attirer des touristes franciliens et français

Baisse de 65 % : Paris doit attirer des touristes franciliens et français

Paris est victime de son succès auprès du public étranger, car le Covid dissuade une écrasante majorité de voyageurs internationaux de quitter leurs frontières. Le tourisme intérieur est une clé de la reprise, surtout pour les hôteliers, qui doivent miser sur les Franciliens et les Français, c’est-à-dire compter sur la proximité, en suivant le modèle articulé dans les autres régions.

La fréquentation hôtelière est en berne à Paris et en Île-de-France depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19. Cet été, les touristes désertent la ville et sa région, le variant Delta a fait reculer de 60 % le nombre de touristes, par rapport à 2019, selon l’office du tourisme et des congrès de Paris.

C’est mieux qu’en 2020 (77%), mais à part les Nord-Américains, il n’y a plus de touristes internationaux. "En Asie, notamment en Chine, les habitants ne peuvent pas voyager. En ce qui concerne le Brésil et l’Inde, la tendance est semblable, ils sont très peu à venir à Paris", a précisé Corinne Menegaux, DG de l’office, le 12 août. Selon le Groupement national des indépendants (GNI), 6 hôtels sur 10 sont restés fermés en août. Du jamais vu ! "Avec une clientèle lointaine (Asie, Amérique du Sud) absente, l’impact est considérable", confirme Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme. Cet été, Paris "a le moins bon taux d’occupation (des hôtels) de tout l’Hexagone". Mais il y a une exception pour certains palaces, qui retrouvent une bonne partie de leur clientèle d’Américains, Moyen-Orientaux et Européens.

Motiver l’envie de Paris auprès du public bleu-blanc-rouge est un enjeu inédit (dans le sens montant), la France est habituée l'inverse exact (dans le sens descendant). Les Français ont-ils envie de se réapproprier leur capitale, désertée notamment par les Asiatiques, une première depuis l’invention du tourisme ? Alors que les parisiens sont un public connu partout en France, allons-nous vivre des migrations en sens inverse, les habitants de province vont-ils s’offrir davantage de séjours dans la capitale ?

Face à cet été noir pour l’hébergement à Paris, certains hôteliers de la ville, sans grands espoirs d’amélioration pour 2022 et 2023, estiment qu’il faut carrément "tenir jusqu'aux J.O. de 2024", qui garantiront une manne planétaire… mais éphémère. Depuis l’industrialisation du transport aérien, la capitale s’est fait une spécialité dans le tourisme international, bien davantage que les autres destinations françaises. Avec le Covid, ces dernières ont réussi à rebondir en attirant à elles des nationaux, généralement proches, venus de la région même, ou de la région voisine. Sur ce schéma, la diversification géographique des publics est la clé pour Paris, qui n’a pas l’habitude d’adresser son marketing territorial à la France, tout en envoyant au monde entier l’image du luxe. Le mot ou l’image de "Paris" sont très fortement associés aux 10 géants parisiens connus au niveau planétaire : Louis Vuitton, Chanel, Dior, Cartier, Hermès, Yves Saint Laurent, Lancôme, Givenchy, Jean-Paul Gaultier, Guerlain.

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Les signaux d’un premier basculement ?

La proportion étrangers / nationaux s’est déjà inversée pour la tour Eiffel, qui reçoit jusqu’à 13 000 visiteurs par jour depuis le 16 juillet, dont "80 % de Français et 20 % d’étrangers, soit exactement l’inverse des étés hors Covid, où l’on comptait 80 % d’étrangers et 20 % de Français", révèle la société d’exploitation du monument. Cette proportion était "inimaginable avant la crise sanitaire", reconnaît le journal Le Parisien. Sur cet exemple incontournable, sur dit la mairie ? "On souhaite développer un tourisme de proximité avec une clientèle parisienne, mais aussi francilienne et française", déclare l’adjoint au Tourisme, Frédéric Hocquard. Cette stratégie hexagonale sur le triptyque local-régional-national est juste un alignement de Paris sur les autres villes !

Les conditions d’une reprise nationale du tourisme à Paris sont rendues possibles par un retour prévisible de 100% du trafic TGV et OuiGo interrégional, actuellement à 60% du potentiel. La levée des restrictions, la vaccination, le pass sanitaire et les statistiques du Covid conditionnent ce retour à la normale.
En juillet et en août, les touristes ont repris l’avion, surtout sur les lignes intérieures et européennes. "Grâce à l’assouplissement des restrictions de voyage dans plusieurs régions clés, le deuxième trimestre 2021 a vu les premiers signes de la reprise tant attendue", se réjouit Ben Smith, DG d’Air France KLM… mais les vols long-courriers n’arrivent pas ou peu. Dès lors, la possibilité d’une compensation de clients par la présence de touristes de province pourrait être favorisée par un tassement des prix sur les hôtels parisiens, eux-mêmes en mal de tourisme international en général, de travel business en particulier.
Mais au fait, aller à Paris, pour quoi faire ? Les Français peuvent profiter de la réouverture des musées et des monuments, dans le cadre d’un quasi-retour à la normale. Ils peuvent goûter à la vie parisienne, dans les restaurants et les hébergements. Toutes les conditions sont là, sous contraintes, notamment pour l’été indien.

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Paris et les capitales européennes y sont déjà !

Google Trends révèle que la région parisienne est le marché émetteur de clients en hôtellerie le plus fort parmi ceux qui visent la capitale, suivi du Limousin (pour la recherche "Hébergement Paris"=.

Au niveau mondial, la recherche "Hôtel Paris", est d’abord effectuée par des clients de région parisienne ! En second lieu, ce désir de Paris est exprimé par des habitants des régions voisines. Nous sommes bien sur une forme de tourisme de proximité. Exemple parmi d'autres, la société "Les Vedettes de Paris", dont les bateaux voguent sur la Seine, affiche cet été 65 % de clients français (50 % habituellement), et "43% sont des Franciliens", calcule la DG, Marie Bozzonie.

Les statistiques internationales soulignent, cet été, des mouvements touristiques nationaux vers les capitales : le tourisme intérieur résiste malgré les difficultés, selon les données Global Travel Search Trend, analysées par OTA Insight :

  • Allemagne : la recherche de logements est en augmentation généralisée vers les grandes villes, Hambourg et Munich en tête, en "très grande partie par les consommateurs allemands". Selon Google, cette tendance estivale va stimuler le marché jusqu’à la fin de l’année. Les recherches "tourisme Munich" ou "tourisme hambourg" dépassent de loin tout pic pré-pandémique disponible au cours des cinq dernières années de données.

  • Italie : le schéma est identique. Pour Rome, l’augmentation de l’intérêt est "extrêmement forte", avec 70 % des recherches provenant d'Europe et 25 % d'Italie.

  • Royaume-Uni : on constate une augmentation massive des recherches nationale dans toutes les villes, notamment de logements à Manchester.

  • Vancouver : les recherches issues des US sont devenues rares, avec 7,6% du volume, tandis que 89,1 % des requêtes proviennent de Canadiens.

L’auto-tourisme existe déjà à Paris

"Le plus bel endroit pour passer ses vacances, c’est chez soi", affirme le maire de Nice, Christian Estrosi, emballé par l’époque. Ce propos un peu excessif est transposable à Paris, où le tourisme parisien est une niche existante. Paris-plages est le fer de lance de la stratégie de consommation touristique locale particulièrement adressée aux locaux. Mais déjà, en 2015, l’hôtel Le Pradey proposait à ses hôtes parisiens une offre pour redécouvrir leur ville comme des touristes, le temps d’un week-end. Cette tendance n’est pas explosive, mais, plus largement, la découverte de Paris par les habitants de la région parisienne (10 millions d’âmes) repose sur un extradinaire gisement de clients et constitue un gros espoir. La dégringolade de la destination Paris n’est pas une fatalité si les clients sont piochés sur place ou un peu plus loin en France. Le grand défi repose sur la façon de présenter la capitale, car son attrait international repose sur une image galvaudée, liée aux grandes marques et à un art de vivre singulier, tandis que l’image qu’en ont les Français est moins positive. En contact permanent avec l'actualité parisienne, les provinciaux savent que la capitale a des défauts : parler de Lanvin ou de Fauchon correspond à un certain folklore, mais l'univers de ce qui est cher ne fait pas tout, on ne séduit pas un Chinois comme on séduit un Nantais ou un Marseillais. L’offre muséale, les coins cachés de la ville, ses lieux authentiques sont certainement à mettre en avant, dans le cadre d’un revirement stratégique historique.

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À retenir

Relancer le tourisme à Paris en misant sur les Français exige une approche différente des campagnes internationales, car l’usine à clichés qui marche au niveau mondial (... véhiculée par la publicité) opère moins auprès des Français, nombreux à connaître la ville, au moins par ouï-dire. Pour la destination Paris, l’ouverture vers un nouveau marché de proximité et national représente un changement de catégorie, car la ville lumière doit passer de la compétition mondiale à la compétition nationale, tout en jouant sur les deux tableaux… exactement comme les autres régions. Pour capitaliser sur le potentiel national, les hébergeurs parisiens maximiseront leur potentiel en adaptant leur marketing. Stimuler la demande parisienne, francilienne et nationale n’induit pas une remise en cause radicale, mais bien davantage une redéfinition de soi.