Booking fait (aussi !) le pari de l'été indien

Booking fait (aussi !) le pari de l'été indien

Pour l'instant, l'été 2021 tient ses promesses) et la perspective d'un été indien des plus toniques reste encore valide en dépit des rebonds épidémiques. De leur côté, les OTAs parient aussi sur cette "saison à rallonge" et prennent des initiatives commerciales orientées en ce sens. C'est le cas de Booking qui met un coup de fouet sur sa politique de réservations en proposant des réductions tarifaires de l'ordre de 30% lors de Flash Deals réservés aux hôtels participants. Pour le champion des OTAs qui va investir massivement pour marketer cette opération, il y a encore de quoi faire pour remplir les plannings le plus tard possible ...

Cette semaine, Booking Holdings Inc (code boursier: BKNG.O) a déclaré que ses revenus trimestriels avaient plus que triplé et dépassé ses estimations, en raison d'une forte demande en Europe et aux États-Unis, alors que de plus en plus de personnes planifiaient leurs escapades longtemps retardées.

La société mère de Booking.com, Booking Holdings, a annoncé une perte semestrielle de 222 millions de dollars, une amélioration substantielle par rapport à la perte de 577 millions de dollars pour les six mois se terminant en juin de l'année dernière. Pour Booking, les réservations du deuxième trimestre s'élevaient à près de 22 milliards de dollars, soit près du double de la valeur des réservations déclarée au premier trimestre et seulement 12% de moins qu'au même trimestre en 2019.

Cependant, le nombre de nuitées réservées au cours du trimestre d'avril à juin était en baisse de 26% par rapport à 2019 à 157 millions et les revenus étaient en baisse de 44% par rapport au trimestre comparable avant la pandémie à 2,16 milliards de dollars.

Les actions de la société, en baisse de 6% pour l'année, ont augmenté de près de 4% dans les échanges après-vente sur une perte trimestrielle ajustée plus faible, aidée par le déploiement des vaccins et l'assouplissement des restrictions de voyage. Pour Booking, la reprise est là : il faut désormais la booster !

Face au scénario d’une fin d’année en eaux troubles (en raison des reprises épidémiques), il y a deux réactions possibles: faire le dos rond et se "carapater" en attendant que ça passe ou parier sur une activité touristique soutenue sur tout le mois de septembre. Plusieurs acteurs (hôteliers, maisons d'hôtes, campings ...) se positionnent sur cette option "positive" en raison de deux facteurs principaux :

  1. Beaucoup de voyageurs avaient déjà reporté leurs vacances de juillet à septembre (couples, solos, seniors ...) bien avant que la situation ne se complique et, pour l'heure, ces réservations ne semblent pas encore touchées par une vague d'annulation,
  2. La part de population vaccinée va croissant et donc, cela représente un potentiel de clients de plus en plus important sur lequel parier ...

Les OTAs ont fait le même calcul et Booking dégaine une mesure incitative sous forme d’offres flash pour les hôtels. Ces remises ont lieu toutes les deux semaines et à jours fixes, pour une durée de 36 heures seulement. Au cours de cette période, les clients bénéficieront d'une réduction allant jusqu'à 30 % sur une chambre et un tarif sélectionnés. Ces Flash Deals concernent une longue liste d’hôtels participants et sont appliqués au fur et à mesure que la demande de voyages augmente. Cette campagne de promo est découpée en six moments de battage, à partir de vendredi 13 août, jusqu'à la fin octobre.

L’OTA n’a pas encore précisé si cette stratégie est susceptible de concerner aussi les hébergements indépendants, après un rodage dans l'hôtellerie classique (et, semble-t-il, les maisons d'hôtes qui sont assimilées aux hôtels dans la "nomenclature" Booking).

On ignore également si le calendrier de cette opération mondiale sera prolongé au-delà de l’automne. La promesse de Booking est simple : les voyageurs pourront consommer leur séjour à prix réduit jusqu'en août 2022. Pour les hébergeurs, les remises tarifaires doivent être appliquées à partir du prix d'origine d'une chambre, avant les taxes et les frais. Elles ne sont pas cumulables avec d'autres remises éventuellement proposées par l’hébergeur.

Evidemment, ce type d'offre est "financé" par les hébergeurs eux-mêmes qui devront, en plus, consentir une commission à l'OTA ... mais, Booking leur promet une mise en avant particulière au moment où l'OTA perçoit un rebond possible des réservations de dernière minute en septembre.

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Une durée de validité très (trop ?) longue

Pour de nombreux spécialistes (et des hôteliers, aussi !), "casser les prix" n'est pas une stratégie qui fonctionne ... ou, en tous cas, dont il est difficile de mesurer vraiment les effets; notamment, les effets secondaires en termes d'image de qualité-prix de l'établissement.

À ce jour, le niveau de réservations est correct et l'activité est bonne. Certes, septembre figure une inconnue plus grande qu'avant le début de la saison (en raison de la reprise épidémique), mais les risques de nouvelles restrictions (du moins, pour les voyages "domestiques") ne semblent pas avérés. Pour de nombreux hébergeurs, ce serait donc plutôt le "wait and see" qui l'emporterait avec la volonté de ne pas céder à la panique de "casser ses prix".

Toutefois, un autre risque existe: que des concurrents "locaux" entrent dans cette logique et aspirent le marché si jamais ce dernier venait à se contracter du fait de la survenance de nombreuses restrictions... Car les voyageurs les plus motivés savent désormais que chaque annonce de restrictions provoque une baisse systématique des prix des nuitées ! Ils se focalisent donc sur les adresses qui réagissent le mieux à la réalité du marché : de nouvelles restrictions, donc moins de voyageurs (donc, moins de demande) et, par conséquent, des taux d'occupation (et des prix) qui chutent logiquement ...

Un conseil dès lors ? Ce genre d'opération (avec toute la puissance de feu marketing de Booking) doit être vue comme une solution d'urgence que vous auriez du mal à promouvoir par vos seuls moyens du jour au lendemain ... Donc, pour l'heure, si vos perspectives ne sont pas menacées (en fonction de la situation sanitaire de votre destination) rien ne sert de livrer tout votre inventaire à ses promos massives, mais de tester une ou deux chambres (en fonction de votre potentiel) pour voir si ce genre d'offres crée une plus grande réaction des clients durant les trois prochaines semaines.

Attention, toutefois, certains hôtels restent aussi réticents en raison de la durée de validité des réservations effectuées lors de ses journées flash. Cette dernière est très longue et peut s'étaler jusqu'en août prochain ...

La vaccination favorise Booking, oui mais...

A plus long terme, l’impact des injections sur l’industrie de voyage ne fait plus aucun doute. Chez Booking Holdings Inc, les revenus de réservations ont bondi de 59 % au 2e trimestre 2021, par rapport au trimestre précédent, grâce à l'augmentation de la demande de voyages en Europe et aux US, selon les informations données le 4 août par l’OTA.

Ce regain s’est produit en Europe et au US, tandis qu’en Asie, où les vaccinations étaient faibles et les cas élevés, les performances sont faibles par rapport aux niveaux de 2019. Globalement, (que l'on soit pour ou contre ...) l’effet du vaccin sur les réservations est réel, les voyageurs privés de vacances ont enfin réussi à s’échapper et à se livrer aux séjours tant désirés. Selon Booking, la crainte de la pandémie a fait préférer les hébergements indépendants aux hôtels surpeuplés. Glenn Fogel, son PDG, observe qu’un quart des annonces sur sa plate-forme concernaient le format des chambres d'hôtes et locations de vacances, en juin. *"Les gens recherchent plus d'hébergements alternatifs que par le passé. À l'avenir, cela continuera"*, affirme le boss. Au passage, cette longue session de rattrapage redonne des couleurs à la société, dont les actions, en baisse de 6% pour l'année, ont augmenté de près de 4% dans les échanges après-vente, grâce au "déploiement des vaccins et l'assouplissement des restrictions de voyage", d'après l’agence Reuters.

Il convient de rester prudents, l’industrie du voyage profite d'un retour de la demande plus rapide que prévu, car les économies nationales rebondissent... mais pour la suite, en France, la proportion de défiance envers le passeport sanitaire, la stratégie vaccinale et le taux d'incidence Covid composent une équation incertaine, avec le vrai risque d'enrayer la reprise. L'incitation des 30% proposée par Booking a donc tout pour être un booster efficace, par-delà tous les doutes sanitaires.

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Ces méthodes marketing - quelque peu radicales - ilustrent plus une incertitude (que feront les voyageurs si la rentrée est plus "contrainte" ?) qu'une démarche offensive. Toutefois, les OTAs comme Booking sont des medias largement fréquentés et ils sont les premiers sites visités à chaque annonce de relâchement (voir notre post sur l'audience en Europe). Savoir composer avec est une gymnastique essentielle pour tout hébergeur qui veut réagir au quart de tour aux à-coups du marché. Leur vision des attentes (et, surtout, des comportements !) des voyageurs est la plus complète et la plus précise au monde et, dès lors, la manière dont ils pensent qu'il faut réagir à la situation est toujours des plus inspirées ...

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Certes, la fréquentation touristique de la suite de l’été et du début de l’automne n'appartient pas aux sciences exactes, mais ces "grands acteurs" occupent aussi des centres d'observation très stratégiques. Dans une moindre mesure, propriétaire du Parc Astérix, du Futuroscope et de 10 domaines skiables français, la "Compagnie des Alpes" précisait, le 22 juillet, qu’après un début de mois "très dynamique", l’instauration du pass sanitaire "crée une incertitude pour le 4e trimestre".

En France, par conséquent, la crainte du fameux pass était exprimée dès le 13 juillet par l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), qui a demandé en vain le report de l’application de la mesure pour les salariés du secteur. Les hébergeurs purs ne sont pas concernés par le pass sanitaire, mais "si vous avez un restaurant qui accueille du public dans ces lieux, le pass sanitaire y est exigé", précise le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal ... et ces contraintes peuvent décourager les "touristes de septembre" de se rendre dans des destinations "verrouillées". C'est ainsi que certains responsables syndicaux considèrent que "l’hôtellerie pourrait être une victime collatérale du pass si les voyageurs non vaccinés renoncent à voyager par crainte de vacances ternes, faute de pouvoir accéder à des sites touristiques qui auraient composé leur séjour". D'où, peut-être, selon les experts de Booking, l'intérêt d'attirer leur achat par un prix très attractif et des conditions (fermes !) de paiement.