Une reprise sans les OTAs ?

Une reprise sans les OTAs ?

Du côté des OTAs, la situation se complique de jour en jour. Avec des baisses de réservations qui plongent jusqu'à -85%, les nouvelles en provenance des OTAs illustrent une inquiétude grandissante chez ces géants... et un retour à la normale, pas avant 2022. De quoi se réorganiser différemment d'ici là ...

La semaine dernière, les trois principaux acteurs mondiaux ont pris des mesures drastiques :

  • AirBnB a supprimé plus de 800 Millions $ dans son budget marketing et a levé, dans le même temps, 1 Milliards $ de capitaux frais et 1 Milliards $ supplémentaires de dette financière (à près de 11% d'intérêt). La plateforme mondiale doit faire face, dans le même temps, à la colère de nombreux propriétaires qui n'ont pas du tout apprécié sa façon d'annuler unilatéralement les réservations en cours et de rembourser les guests sans en demander leur avis. Enfin, avec un modèle où le guest est facturé 12% de frais de dossiers, AirBnB craint que les clients ne s'organisent pour réserver en direct et faire cette économie (bienvenue) en ces temps de revenus réduits.

  • Booking, le champion mondial, a levé 4 Milliards $ de fonds supplémentaires la semaine dernière et a réuni 500 de ses cadres cette fin de semaine pour leur demander de préparer un plan massif de réduction des coûts ... et des personnels. De fait, Booking disposerait d'un "matelas" financier de 8,5 Milliards $ pour passer le "mauvais cap" de l'ère post-covid 19 qui devraient lui permettre de retrouver une dimension équivalente à celle de 2019 ... pas avant 2022. Autant dire que la reprise sera longue (voir plus bas) et compliquée.

  • Expedia, de son côté, a annoncé de nouvelles suppressions de postes et son fondateur, Barry Diller a affirmé qu'il serait même innatendu que sa société dépense 1 Milliards $ en marketing dans les prochains douze mois (là où la société en dépense jusqu'à 5 fois plus, en moyenne) ! Comme pour Booking, ses filiales de comparateurs et de locations de vacances (HomeAway) pourraient aussi faire les frais de cette crise car leur marché est encore plus sérieusement menacé que celui des hôtels et des hébergements marchands.

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Ces annonces - qui semblent n'être que des préliminaires - en disent long sur la situation extrêmement compliquée qu'ont à gérer les OTAs :

  • comme leur dimension, la crise est mondiale et cela pose aux OTAs un souci d'adaptation aux contextes "locaux"; notamment en matière de marketing. Ces grandes compagnies sont gérées depuis des quartiers généraux mondiaux (les bureaux "locaux" sont circonscrits aux équipes commerciales) et il leur est donc compliqué de rouvrir leurs actions publicitaires marché par marché ... c'est pour cette raison que les OTAs risquent d'attendre une reprise mondiale pour reprendre leurs activités en plein régime dans chaque pays. En clair, si l'on prend l'exemple de la France, il est assez peu probable que Booking reprenne cet été ses campagnes publicitaires dans un contexte d'ouverture progressive, exclusivement "domestique" (puisque le marché d'été sera fermé aux étrangers), etc ... Cette situation peut , cependant, avoir un effet "positif" sur la baisse du prix des mots-clés chez Google où les indépendants pourraient acheter des espaces publicitaires à meilleur prix (puisque les OTAs vont y investir beaucoup moins d'argent cet été).

  • autre facteur aggravant selon l'OTA, la nature de son "catalogue": avec l'arrivée de AirBnB, ses deux rivaux que sont Booking et Expedia ont misé gros ces derniers temps pour "conquérir" des inventaires en provenance des locations de vacances (notamment, chez les particuliers). Chez Booking, cet inventaire est désormais supérieur à celui des hôtels et des maisons d'hôtes (plus de 51%) et chez Expedia, ce dernier est principalement constitué du catalogue de sa filiale HomeAway (Abritel en France). Or, une grande inconnue pèse sur ce segment du tourisme; à savoir si les autorités (ou les clients, tout simplement) priviligieront le logement dans des adresses gérées par des non-professionnels (avec les risques de sécurité sanitaire qui risquent de peser dessus). Si des restrictions fortes sont décidées sur ces locations, une grande partie des revenus prévisionnels des OTAs en seront amputés; ce qui devrait donc les inciter à une plus grande prudence en matière d'investissements publicitaires.

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Il est donc fort probable que les OTAs considèrent la saison à venir comme une saison morte et que leurs actions pour occuper l'espace (notamment sur les moteurs de recherche et les comparateurs) ne se limitent au strict minimum.

Les OTAs redoutent, en effet, une reprise a-minima de l'activité estivale et, donc, annulent tous les investissements publicitaires qu'ils devaient programmer en prévision. Dans cette reprise, les OTAs redoutent aussi qu'une partie de leur inventaire (les locations chez les particuliers) ne soit gelée cet été.

Toutefois, les OTAs adoptent une attitude de "dos rond" pour laisser passer la vague - qui sera exceptionnellement longue pour des entreprises dont le modèle économique repose sur un marché "global" - et devraient se donner les moyens de revenir en force dans l'ecosystème dans plusieurs trimestres.

Enfin, compte tenu de la situation économique des acteurs "marchands" (hôtels, maisons d'hôtes, campings, etc ...), certains dirigeants d'OTAs redoutent - sous le sceau de l'anonymat - une fronde croissante des professionnels vis-à-vis des commissions prélevées.

Une idée se fait jour, en effet, chez certains représentants du secteur de demander - via le prochain comité interministériel au tourisme de mai prochain - une suppression des commissions ou une baisse drastique de leur taux pour au moins deux raisons : participer à l'effort de guerre des producteurs de tourisme à passer le cap de l'été et, d'autre part, ramener les taux de commissions à des niveaux relatifs à la baisse des investissements publicitaires réalisés par les OTAs. Pas sûr que ces propositions l'emportent ...