Dans la capitale de Booking, les hôteliers font de la résistance

Dans la capitale de Booking, les hôteliers font de la résistance

A Amsterdam, 46% des hôteliers suivis par la principale association de consommateurs pratiquent de meilleurs prix sur leur site que sur celui de l'OTA. Dans la ville qui a vu naître Booking, ce n'est pas une fronde mais un nouveau rapport de force qui s'instaure dicté par la réalité du marché ...

Selon Consumentenbond, la principale association de consomamateurs hollandais (l'équivalent des 60 Millions de consommateurs français ou de Que Choisir ?), à Amsterdanm, près d'un hôtel sur deux (46%) offrirait désormais un prix meilleur marché sur leur propre site que sur Booking.com ! Dans certains cas, la différence de prix peut même aller jusqu'à 21% (soit à peu près le niveau moyen de commission payé par les hôteliers sur Amsterdam, ville extrêmement concurrentielle en matière d'hotellerie).

L'info n'est pas neutre car Amsterdam est la ville qui a vu naître Booking et qui y accueille aussi son siège social "mondial". C'est dire si cette vague de résistance à la "parité tarifaire" est plus-que-symbolique. Et, d'un certain point de vue, encourageante ... (voir plus loin)

Comme en France, en Italie et en Allemagne, les Pays-Bas ont réglementé la possibilité pour un hôtelier (ou un propriétaire de maisons d'hôtes) de proposer des prix meilleur marché sur leur propre site versus ceux qu'ils diffusent sur Booking ou sur les autres OTAs. Si la dispostion existe en France depuis 2015 - avec la fameuse Loi Macron - les récentes études ont démontré que peu d'hôteliers, en définitive, profitaient de cet "avantage", souvent pour des raisons peu avouables...

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Selon l'HOTREC (qui est le regroupement européen des associations et syndicats de toute l'Europe), moins de 25% des hôteliers européens profitent des lois leur permettant de proposer de meilleurs prix sur leur propre site. Pire, dans 42% à 52% des 28.000 hôtels interrogés, les prix sont équivalents à ceux des OTAs, voire même supérieurs ! Une politique tarifaire qui va plaire à plus d'un client sans nul doute ...

Parmi les raisons évoquées par les hôteliers pour ne pas faire de leur site "le meilleur endroit au monde pour réserver leur hôtel", la première se résume par :"Je ne sais pas comment faire ... je n'ai pas les outils techniques qui me permettent de le faire ...".

Un peu court comme explication car, comme on le sait, les outils existent d'une part (elloha en est un qui fait ça !) et, d'autre part, quand on veut gagner des parts de marché et ou maintenir sa part de "business direct" (clairement, la plus rentable), mieux vaut avoir le réflexe d'investir plutôt que de se lamenter. Cette explication n'est donc pas convaincante.

Non, à vrai dire, la première raison invoquée est ... la peur ! Pour 33% des hôteliers, la crainte de représailles est réelle et nombreux - à tort - pensent que s'ils diffusent de meilleurs prix sur leur site, Booking les sanctionnera aussitôt.

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Autant le dire de suite, cette peur relève de "la légende urbaine". Ni Booking, ni Expedia, ni d'autres OTAs n'agissent, en réalité, de la sorte ... sauf, si vous dépassez certaines limites. C'est ce qu'a démontré, à juste titre, un laboratoire en recherches économiques allemands - le ZEW (prononcez Ziou !) - en décortiquant de l'extérieur les algorithmes de classements de Booking et d'Expedia.


Selon l'HOTREC, la peur des représailles expliquerait aussi pourquoi les hôteliers ne veulent pas afficher de meilleurs prix sur leur site par rapport aux OTAs.

Selon le Zew - le Leibniz-Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung ou Centre Européen pour la Recherche Economique - un hôtel prend le risque d'être "déclassé" dans les pages de résultat des OTAs si ce dernier manque vraiment de fairplay dans sa façon de différencier ses prix de ceux qu'ils diffusent sur les OTAs.

Pour les chercheurs allemands, la limite à ne pas franchir se situerait - selon les saisons - entre 8% et 12% d'écart (sur le prix). Au-delà, les calculateurs qui scrutent en permanence vos prix "en direct" avec ceux diffusés chez eux, émettent une alerte, voire un déclassement automatique de votre hôtel ou de votre maison d'hôtes.

Cette "sanction" reste compréhensible : en effet, l'OTA est un partenaire commercial qui déploie des moyens colossaux pour gagner des clients et en faire profiter ses "partenaires" hôteliers. Comme le prix est la variable finale de choix du consommateur (pour 77% d'entre eux), des écarts trop importants sont considérés, à juste titre, comme "unfair" (déloyal).

Mais cette "faute" n'est pas la pire aux yeux des OTAs. Toujours selon le ZEW, le fait de ne pas donner de disponibilités à un OTA alors que vous en avez encore chez vous est une faute irréparable ... du moins, si elle se produit sur une longue période (plusieurs jours d'affilée ou sur une saison haute). Attention, dès lors, à rester très "correct" de ce point de vue-là. En clair, à ne pas donner de disponibilité aux OTAs seulement en saison basse ...

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Certains diront que si les hôteliers d'Amsterdam tirent sur la corde (jusqu'à 21% d'écart !), c'est peut-être qu'ils bénéficient d'une "clémence locale" due à leur proximité avec le siège social de Booking... Non, plus sérieusement, cette "fronde" est aussi dictée par une réalité économique : Amsterdam est une grande ville touristique où affluent des millions de visiteurs chaque année. C'est donc un marché colossal pour les OTAs qui, pour y faire du business, ont besoin d'y réunir le "catalogue" le plus large ... quitte à accepter des hôteliers qui poussent à fond la logique de la (dis)parité tarifaire car ces derniers savent très bien qu'ils trouveront toujours un client en direct, compte tenu de la pression touristique qui s'abat sur leur ville. Donc, l'OTA n'a pas le choix : maintenir le maximum d'hôteliers dans son catalogue même si ces derniers ne jouent pas toujours forcément le jeu (de la parité).

Ce qui se fait à Amsterdam n'est pas donc reproductible dans toutes les villes et sur toutes les saisons ... mais cela montre que l'hôtelier peut toujours "reprendre la main" sur son business s'il le veut et quand il le veut.

Pour le patron de Booking d'ailleurs, Glenn Fogel, le site de l'hôtelier est et restera toujours ... le premier concurrent de Booking lui-même ! De nombreuses études confirment, année après année, que 89% des internautes préfèrent réserver sur le site de l'hôtel si ce dernier fait l'effort de proposer de meilleurs prix que sur les OTAs; ce qui semble évident pour le consommateur. Et Booking a mesuré, lui-même, que 27% des réservations directes d'un hôtel étaient faites après qu'un internaute ait vu ce même hôtel dans les listings de Booking !

Normal, dès lors, que les hôteliers les plus à la pointe usent (voire abusent) du levier de la "dis-parité tarifaire" ...