AirBnB: MorganStanley prédit un nouveau ralentissement
L'année dernière, à la même époque, nous rapportions la synthèse d'une récente étude de la banque d'affaires Morgan Stanley qui prédisait un tassement de l'activité du géant californien de la location entre "particuliers". Cette année encore, pour les analystes de Morgan Stanley, le tassement d'AirBnB est bien avéré ...
Presque, jour pour jour, un an plus tard, Morgan Stanley enfonce le clou et annonce un nouveau coup de tassement pour AirBnB sur les marchés US et européens, ses marchés historiques; les plus rémunérateurs aussi ...
Cette analyse s'appuie sur les conclusions de l'enquête AlphaWise (octobre 2018) menée auprès de 4000 voyageurs et qui relevait que, si la croissance des séjours via AirBnB était passée de 14% à 22% en 2016, elle n'avait cru que de 3% entre 2016 et 2017 (25% des voyageurs) et, seulement, de 2% de 2017 à 2018, soit 27% des voyageurs ...
Autre tendance révélée dans cette étude, les voyageurs fréquents (c'est-à-dire, ceux qui utilisent les services d'AirBnB en moyenne 3 fois par an) sont devenus moins fidèles en 2018: alors que ce segment de clientèle connaissait une croissance régulière, les analystes ont observé une baisse de 10% de ce type de voyageurs dans le portefeuille d'AirBnB ...
Toutefois, comme le souligne l'enquête, cette tendance au tassement ne concernerait que les marchés US et l'Europe où AirBnB a atteint un taux de notoriété de 86% tandis que les marchés asiatiques semblent toujours plus dynamiques et continuent de lui générer de la croissance.
Une concurrence de plus en plus frontale
La principale raison de ce "tassement chronique" tiendrait à la rivalité exacerbée que les deux autres géants, Booking et Expedia (via HomeAway), manifestent à l'égard de AirBnB et qui parviendraient à séduire à eux deux plus de 59% des consommateurs. Comme nous l'avons rapporté à plusieurs reprises, les deux agences "historiques" un moment déstabilisées par l'arrivée d'AirBnB ont repris du poil de la bête et ont réagi plutôt efficacement si l'on en croit l'étude de Morgan Stanley :
- Booking a musclé son inventaire de locations de vacances comme jamais ... au point qu'elles représenteraient désormais plus de 60% de son catalogue réservable,
- Expedia-HomeAway, de son côté, a boosté sa grande mutation en passant progressivement d'un modèle de simples annonces de loueurs à un moteur de réservation instantanée que le géant entend bien généraliser à toutes ses offres d'ici la fin de l'année 2019,
Selon les analystes, le marché des locations de vacances sur les OTAs concurrentes de AirBnB aurait cru 1,3 fois plus vite que l'activité du géant californien ces deux dernières années ...
Un indice, selon eux: en Europe, Booking produit l'application mobile la plus téléchargée (130 Millions) contre 82 Millions pour l'application AirBnB.
Ainsi, selon l'étude, AirBnB se retrouve pris en étau entre ces deux géants qui sont parvenus assez rapidement à proposer la même offre que le géant californien: des locations de vacances en villas ou en appartements, à la mer, en ville, à la montagne ... en conclusion, un catalogue plus ou moins similaire. D'où, aussi, la réaction d'AirBnB d'aller chercher ses concurrents sur le terrain des hôteliers avec une offre de commissions à 3% qui aurait déjà séduit 24.000 établissements à travers le monde.
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Des voyageurs encore peu rassurés
Toujours selon les analystes de Morgan Stanley, le fait que AirBnB ne parvienne pas à "exploser le plafond de verre" et à gagner plus de parts de marché sur les secteurs les plus matures tiendrait aussi à la crainte des clients à l'égard des locations de vacances.
L'enquête (4000 répondants) démontre que 50% des voyageurs ne choisissent pas AirBnb (et la location chez le particulier en général) d'abord pour des raisons de sécurité, de respect de la vie privée (cas des locations avec le particulier à proximité ou de caméras laissées dans les lieux ...) ou encore de légalité.
Ce dernier point est l'un des plus relevés par l'enquête : il faut dire que l'Europe a fait le buzz en matière de réglementation et de mise à l'index des locations de vacances. Certains voyageurs y sont sensibles et le message consistant à privilégier les hébergeurs professionnels semble s'instiller petit à petit dans la tête d'une majorité de consommateurs.
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Selon les analystes, un retour en grâce des modes plus traditionnels d'hébergements (hôtels, maisons d'hôtes ...) est à prévoir. D'ailleurs, toujours selon l'étude de Morgan Stanley, le monde de l'hôtellerie a plutôt bien réagi face à la montée d'AirBnB: entre attaques juridiques frontales et remise en cause de certains modèles d'offres, les analystes prédisent 7% de croissance des séjours en hôtels ou en maisons d'hôtes contre 6% pour les locations de vacances.
AirBnB en désaccord avec les résultats
Cette deuxième salve de prédictions négatives n'a pas été du goût d'AirBnB qui a déclaré que, contrairement à ce qui est écrit, la plateforme de locations aurait déjà dépassé ses objectifs sur les marchés US et Europe. Pour son porte-parole: "AirBnB reste en ligne avec l'objectif d'atteindre 1 Milliard de voyageurs d'ici à 2028 ..."
Les chercheurs de Morgan Stanley maintiennent leurs prévisions: selon eux, AirBnB ne devrait pas dépasser les 150 Millions de nuitées en 2019 sur les marchés américains et européens (France, UK, Allemagne) soit 6% de croissance. En 2017, leurs estimations pour 2018 portaient sur 155 Millions de nuitées; estimations qu'ils avaient revu à la baisse en les portant à 140 Millions ... Le désaccord semble donc des plus profonds.
Une menace continue pour les hôteliers
Même s'ils livrent des prévisions contraires à celles de AirBnB, les chercheurs de Morgan Stanley continuent de penser que la plateforme constitue une menace constante pour le monde de l'hôtellerie avec 47% des répondants de son étude qui déclarent avoir remplacé, en 2018, un séjour en hôtel par un séjour dans une adresse AirBnB ... Ce qui fait dire aux chercheurs que, dans certaines villes, AirBnB représente une menace réelle sur 10% d'occupation de chaque hôtel. Une des raisons serait liée au fait que les clients AirBnB auraient, en moyenne, prolongé leur séjour de 4,3 nuits à 4,5 nuits.
Autre motif de satisfaction pour AirBnB: 46% de ses clients européens ont réservé une "expérience" AirBnB (nouvelle source de revenus) contre 67% aux US. Et 80% des clients envisagent de réserver prochainement une adresse listée AirBnB Plus : de quoi voir ses revenus monter en gamme compte tenu de la valeur commerciale plus élevée de ces locations.
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En conclusion
La vérité est certainement entre les deux positions (AirBnB n'étant pas encore entrée en bourse, il est difficile d'avoir des chiffres "officiels") mais il va de soi que la guerre entre AirBnB et les deux autres OTAs va s'intensifier ...
L'axe principal de ce combat portera sur la capacité de chacun à conquérir de plus en plus d'offres et d'inventaires et, si possible, des adresses le plus souvent exclusives; ce que les propriétaires ne sont pas prêts de consentir.
A ce jeu-là, les propriétaires peuvent tirer leur épingle du jeu en obtenant des conditions de vente plus avantageuses (comme des commissions réduites): il est fort probable que le front se déplace sur ce plan d'ici quelques mois.