A New-York, les hôteliers font la chasse aux hôtes AirBnB
A New York, les hôteliers n'y vont pas de main morte pour entamer la croissance irrépressible de AirBnB: à l'aide de "faux voyageurs", ils traquent les adresses AirBnB qui leur font le plus de concurrence et dénoncent leurs agissements directement aux autorités ... Enquêtes musclées, site de dénonciation pour voisins irrités par les locataires AirBnB ... Voici la revue de détail de méthodes qui ont vocation à s'exporter partout où AirBnB étant son influence.
A New York, comme à Paris et Barcelone, le phénomène AirBnB a pris une ampleur quasi incontrôlable avant que les autorités ne dégainent une première vague de mesures restrictives.
Lire aussi:
Les villes américaines se rebiffent contre AirBnB
AirBnB se limite à 120 jours sur Paris
En dépit de ces premières mesures, manifestement, les résultats attendus ne semblaient pas au rendez-vous et AirBnB a continué de croître partout. Cela n'était pas du goût des hôteliers new yorkais qui ont décidé de muscler encore plus leurs méthodes anti-AirBnB. Il faut dire que, d'après leurs syndicats et les autorités, chiffres à l'appui, 55% du "listing" de AirBnB entrerait directement en concurrence avec les hôtels. On parle de 52% à Paris et près de 72% à Barcelone !
Une loi et des contrôles en série
Comme nous l'avons relaté plusieurs fois, New York, comme d'autres grandes villes et états américains, a commencé à prendre des mesures dissuasives pour contrer la prolifération des logements AirBnB. La plus emblématique est la loi qui déclare illégal le fait de louer une unité entière pour moins de 30 jours si l'hôte n'est pas présent ou s'il est loué à plus de deux personnes. Autant dire qu'il serait donc impossible à New York de louer, comme en France ou ailleurs, un appartement vide de tout occupant pour un weekend ou une semaine ...
Pour s'assurer que les propriétaires jouent le jeu, la ville de New York a constitué un véritable bataillon d'inspecteurs chargés de traquer les loueurs illégaux. Ces équipes ont même été quadruplées en 3 ans ! Et les effets ont commencé à se faire sentir avec la condamnation pécuniaire (+ de 7500$ par infraction) des hôtes récalcitrants. De même, AirBnB a annoncé avoir procédé à sa propre opération de "nettoyage" en retirant de son listing new yorkais plus de 4300 adresses qui ne semblaient pas correspondre aux nouvelles normes légales. Au point que ces nouvelles contraintes qui se sont multipliées ailleurs qu'à New York et aux Etats Unis seraient l'une des raisons de la possible stagnation économique de AirBnB pour les mois à venir.
Lire aussi :
Les analystes prédisent une stagnation de AirBnB à partir de 2018
Les loueurs parisiens lourdement verbalisés
Des escadrons privés
Parmi les méthodes musclées employées par les hôtels (via leur puissante association syndicale), l'une d'entre elles consiste à jouer les "faux clients de AirBnB", de louer un appartement ou une maison censés se conformer à la loi et prendre possession des lieux pour voir si l'occupant est en règle avec la loi. Dans le cas contraire, les hôteliers (qui font appel à une société assermentée pour ce genre de constat; Lemire LLC) dénoncent immédiatement le propriétaire aux autorités municipales pour engagement des poursuites.
Une alliance avec les résidents mécontents
Pour "industrialiser" le procédé, les hôteliers ont passé une alliance avec www.sharebetter.org, une association dont le cri de ralliement est "AirBnB crée des problèmes partout !". Cette association - richement dotée - décline sa profession de foi dès la première page de son site: "Loin d'être un service inoffensif où les résidents peuvent partager leurs maisons avec les touristes, AirBnB permet aux propriétaires d'enfreindre la loi en rendant les propriétés disponibles sur le marché et en supprimant les options de logement des résidents permanents. AirBnB aggrave les crises de logement dans les villes densément peuplées et pose de graves problèmes de sécurité publique pour les clients, les hôtes et les voisins".
En s'alliant à ShareBetter, le puissant syndicat hôtelier a multiplié les actions de contrôle in situ selon des sources internes, en 2018, les hôteliers new yorkais vont dépenser 1 Millon $ pour procéder jusqu'à 5 contrôles par jour avec leurs escadrons privés !
Pour "taper juste", ces équipes font appel à des sociétés informatiques qui croisent les listings AirBnB avec d'autres sources comme les registres de propriété pour mieux cerner celles qui seraient en fait de l'activité para-hôtelière. Ce serait le cas, par exemple, d'un multi-propriétaire qui louerait en même temps plusieurs adresses sur AirBnB: là, clairement, ce dernier ne pourrait pas physiquement loger avec ses "hôtes" dans plusieurs appartements à la fois ...
A la recherche du moindre indice
Dans cette "chasse à la location illégale", les activistes de ShareBetter ne reculent devant aucun effort. Pour ne pas se faire démasquer par les propriétaires, ils créent de faux comptes sur les réseaux sociaux, se font passer pour des locataires étrangers, etc ...
Une fois sur place, ils prennent possession de l'appartement et vérifient qui leur a remis les clés (le propriétaire ou un mandataire ?), si la salle de bains contient des produits de "courtoisie" (shampoing, savon ...), autant d'indices que l'hébergement propose un service para-hôtelier ... Tout est photographié, consigné et transmis aux autorités qui ne se font pas prier pour engager les poursuites.
Appel à dénonciation
L'autre mesure musclée mise en oeuvre par ces "nouveaux alliés" consiste à traquer les voisinnages douteux via un site qui est un véritable appel à dénonciation (www.http://illegalhotels.org/).
Le site n'y va pas de main morte et annonce la couleur dès sa page d'accueil: "Si vous pensez qu'il y a une location illégale à court terme à côté de chez vous, déposez plainte". Et ça marche ! Entre les voisins fatigués des bruits de valise dans les escaliers, des fêtes improvisées par des locataires peu soucieux du voisinnage ou encore quelques jalousies, l'afflux de plaintes et/ou de dénonciations ne tarit pas. Le site propose même une hotline qui fonctionne 24/7 pour recueillir les dénonciations et les relayer aux autorités.
Vers une exportation des méthodes ?
A première vue, les méthodes mises en oeuvre sur NYC semblent faire école dans d'autres villes américaines comme La Nouvelle Orléans où le niveau de concurrence AirBnB vs. hôtels serait de l'ordre de 80%. En Europe, où l'acte de dénonciation rappelle des périodes difficiles de notre histoire, ce genre de méthodes ne devrait pas trop prospérer. D'autant plus que les autorités municipales et législatives semblent plutôt prendre le "taureau par les cornes" en matière de dissuasion. Mais, il est certain que nous n'en sommes qu'à des premières vagues de mesure qui pourraient créer de l'impatience chez les hôteliers ou les maisons d'hôtes qui se sentent victimes de ces situations ... et qui pourraient bien, dans un futur proche, passer de mesures symboliques comme cet été sur la côte catalane à des opérations plus musclées à l'échelle des grandes villes ...