Mais qui sont les "airbnbistes" ?
À la suite de notre article sur l'étude (publiée en début de semaine) de la Fondation Terram, conduite par le sociologue Jérôme Fourquet, approfondissons ce qu'il ressort de cette analyse au sujet de ceux que les chercheurs ont qualifié "d'airbnbistes" ...
On l’imagine ouverte à tous, accessible, horizontale … Pourtant, la pratique d’Airbnb en France révèle des lignes de fracture sociologique très nettes. En clair, selon l'étude de Jérôme Fourquet pour la fondation Terram, non, Airbnb ce n'est pas "vraiment tout le monde ..."
Phénomène de masse, certes … du point de vue des statisticiens et des sociologues qui se sont penchés sur le cas, il ne s'agit pas cependant d'une population "uniforme". Car seuls 30 % des Français utilisent régulièrement la plateforme, et moins d’un sur dix y a déjà loué son propre logement. Ce n'est donc clairement pas "tout le monde".

Pour les auteurs de l'étude, les "airbnbistes" sont essentiellement jeunes, urbains, et très connectés. En clair, ils appartiennent majoritairement à un profil "socio-numérique" bien distinct. Les utilisateurs réguliers d’Airbnb ne seraient donc pas forcément un reflet fidèle de la population française. Ils se distinguent nettement par :
- Une forte représentation masculine : 53 % d’hommes (contre 47 % dans la population globale).
- Une majorité plutôt jeune : 39 % ont moins de 35 ans. Seuls 30 % ont plus de 50 ans.
- Une ultra‑activité professionnelle : 74 % sont actifs, souvent parents (40 % ont des enfants au foyer).
- Un niveau d’étude élevé : 44 % sont diplômés du supérieur, avec 23 % de CSP+.
Autrement dit, le "airbnbiste-type serait un homme actif, diplômé, jeune, connecté, urbain … et plutôt francilien (24 % vivent en Île‑de‑France, contre 18 % pour la population globale).
Airbnb , nouvelle "frontière sociale" ?
Il faut dire que, selon l'étude sociologique, les pratiques des "airbnbistes" en diraient beaucoup eux. D'ailleurs, Airbnb ne se vivrait pas, non plus, partout de la même manière:
- 48 % des Français l’utilisent pour un séjour personnel (vacances, week-end),
- 11 % s’en servent pour un déplacement pro ou une double raison (pro + perso),
- 10 % y recourent faute de mieux (logement introuvable ailleurs).
Autre indicateur, 7 % y ont recours plus de trois fois par an. Ce qui est relativement peu pour les auteurs. D'ailleurs, selon ces derniers, cela confirmerait une chose importante : Airbnb resterait un usage "de niche", concentré sur des profils bien particuliers.
Ainsi, en dépit de son image inclusive, la plateforme ne gommerait pas toutes les inégalités :
- Accès inégal selon l’âge, les revenus, le territoire,
- Discriminations persistantes sur l’origine, le nom, l’apparence,
- Refus de location parfois injustifiés, malgré les efforts d’Airbnb (charte éthique, sanctions…) de la part des propriétaires (les hosts).
Pour les chercheurs, Airbnb reflèterait donc les biais de notre société française. La plateforme ouvre des portes, mais toutes ne s’ouvrent pas pour tout le monde ...

Loueurs Airbnb : étudiants et propriétaires secondaires
Côté hôtes, deux profils dominent. D'un côté, les étudiants et les jeunes actifs qui louent leur résidence principale pendant les vacances. De l'autre, les propriétaires de résidences secondaires ou de biens locatifs puisque, selon l'étude, 10 % d’entre eux utiliseraient Airbnb pour rentabiliser leur patrimoine. En clair, entre "économie de la débrouille" et la logique patrimoniale, les motivations varient, mais l’outil reste le même.
En conclusion, l'étude souligne que derrière le logo d’Airbnb (et son image très ouverte), il demeure des pratiques sociales très marquées. Le "airbnbiste" n’est pas "tout le monde"; ce qui ferait dire aux chercheurs que cette différence tendrait à les identifier comme une classe en soi, avec ses codes, ses habitudes et ses attentes.
En clair, si partir en vacances est devenu un véritable marqueur social, chez les "airbnbistes", près d’un Français sur deux déclare voyager plus que ses parents au même âge. Mais derrière cette aspiration collective, les inégalités resteraient criantes : plus d’un tiers partent moins, faute de moyens. Ainsi, pour préserver ces départs, nombreux sont ceux qui adaptent leurs dépenses (sorties, habillement, épargne … tout y passe) pour pouvoir voyager. Cette "économie de la débrouille" a donc trouvé son pivot avec Airbnb ... qui joue un rôle clé en permettant de voyager à moindre coût. Mais, cet essor révèle aussi une autre réalité : des logements en tension, une réelle gentrification touristique, un accès inégal aux séjours. Selon les auteurs de l'étude, Airbnb incarnerait donc une contradiction : la plateforme serait à la fois un outil d’émancipation et un facteur de fracture ...

