Un an après son vote, quels impacts pour la loi "Le Meur" ?
En raison d'un excès de langage, on l'appelle aussi la loi "Anti-Airbnb" ... Un an après son vote (le 7 novembre 2024), la loi "Echaniz-Le Meur" (du nom des deux députés qui en sont les auteurs) est déjà en train de redessiner le paysage français du logement ... Croisée aux autres dispositions européennes et locales, elle devrait aussi marquer profondément la manière dont le marché touristique va évoluer ... Si des premiers résultats sont bien visibles de-ci, de-là, la perspective des prochaines élections municipales devrait accélérer sa mise en œuvre ...
Premier effet particulièrement visible, selon le bilan d’activité du premier semestre 2025 du réseau d’agences immobilières Century 21, un an après la promulgation (le 19 novembre 2024) de la loi "Echaniz-Le Meur" sur les meublés de tourisme, les ventes de résidences secondaires auraient particulièrement chuté, avec -20 % au national et -43 % à Paris ! Selon les auteurs de ce bilan, les investisseurs auraient été pris d'hésitation à acquérir un bien destiné à la location touristique ... En cause? D'un côté, la hausse des taxes (habitation, foncière) et les nouvelles contraintes (quotas, diagnostics énergétiques, fiscalité amoindrie). Mais aussi, et surtout, le fait que louer sur Airbnb (ou un autre de ses concurrents) serait devenu moins rentable et plus risqué pour un investisseur qui espérait dégager de précieux revenus locatifs pour financer (souvent) l’achat immobilier.
En clair, la loi "Echaniz-Le Meur" et les différents dispositifs mis en place au plan local (applications municipales plus ou moins radicales, surtaxes foncières, risques liés à la notion de LMNP, etc) auraient particulièrement refroidi les ardeurs d'un grand nombre de propriétaires ou d'impétrants à l'activité de loueurs saisonniers.
Selon les témoignages de nombreux maires (pour lesquels le sujet du logement "permanent" va devenir central durant la prochaine élection municipale), l'un des effets visibles (quand la commune a appuyé sur le bouton de la règlementation) serait que "les primo-accédants reviennent sur le marché", sans oublier de mentionner que ce retour en grâce est également porté par la baisse des taux et des prix. En résumé, l’investissement locatif touristique serait donc en train de perdre de son attrait; ce qui laisserait présager un véritable tournant pour l’hébergement en zones touristiques.
Des mesures qui vont crescendo
Il faut dire que, désormais, les maires peuvent imposer des quotas de locations de courte durée dans leur commune ou exiger une compensation : ainsi, pour chaque logement transformé en meublé touristique, un autre doit être remis sur le marché locatif classique.



En quelques mois, donc, la Loi "Echaniz-Le Meur" s'est imposée comme le pilier des politiques de logement (et de régulation touristique) pour les maires les plus actifs. Car, tous les édiles n'appliquent pas la loi, en effet, avec la même détermination. Certes, la dynamique est lancée, mais encore inégalement appliquée car certains élus redoutent les retours de bâtons des propriétaires de "meublés" ... à l'approche des prochaines élections municipales. Certains propriétaires de "résidences secondaires" menaçant, même, de s'inscrire sur les listes électorales avant la fin de cette année pour faire pression sur les équipes sortantes. Voire, comme c'est le cas à Argeles-sur-Mer, en se constituant carrément en liste d'opposants pour peser sur les choix municipaux ...
Les grandes villes en pionnières
Si beaucoup d’élus sont encore dans une phase d’observation, il semblerait donc qu'avec les (prochaines) élections municipales de mars 2026, le sujet du logement et donc de la régulation des meublés touristiques devienne vite un sujet brûlant de campagne !
Et pour cause, de nombreuses communes (qui ont pris fait et cause pour la ferme application de la loi) font figure de pionnière et d'exemples à suivre pour de nombreux candidats locaux. À Montpellier, par exemple, la capitale héraultaise affirme avoir atteint ses "quotas" de logements "de courte durée" et donc, à avoir bloqué net toute nouvelle autorisation. La 7ème ville de France se veut l’une des strictes en la matière avec Paris. Selon son premier magistrat, dans son centre-ville (qui pèse 7,3 % du territoire héraultais, mais 52 % des meublés touristiques !), l'instauration d'u quota de 767 logements "touristiques" a été instauré et ne devrait pas être débloqué de sitôt puisque le maire a clairement annoncé qu'aucune autre nouvelle autorisation ne sera délivrée. D'autres mesures ont été adoptées par la municipalité pour "prévenir la suite et les tentations de détournements des textes par les propriétaires". Au menu: interdiction de changer l’usage d’un logement soutenu par des aides publiques pour le convertir en meublé touristique et, comme ailleurs, réduction de la limite de nuitées autorisées de 120 à 90 jours par an dès 2026, comme à Paris.
À Nice, son maire, Christian Estrosi affiche carrément l'ambition de viser une réduction de moitié - pas moins ! - des meublés de tourisme dans les quartiers du littoral. Pour cela, avec sa majorité, le maire a instauré des quotas par secteurs et, comme à Montpellier, la limitation à 90 jours par an pour les résidences principales.
Lyon reste, cependant, la pionnière. La capitale des Gaules a, en effet, été l'une des premières à délibérer, dès 2017 (et à mettre en en œuvre dès 2018), l’enregistrement des meublés en mairie. Toutefois, l'actuelle municipalité reconnaît que l’application de ces dispositifs reste complexe : entre zones hyper‑tendues, petites annonces, plateformes, et la distinction entre usage de résidence principale ou non ... il n'est pas toujours évident de faire le tri entre locations "régulières" et irrégulières. La Ville et la Métropole ont cependant annoncé un effort de contrôle accru ces derniers mois avec des milliers d’adresses vérifiées et de nombreuses mises en demeure annoncées aux propriétaires en infraction. En cas de non‑respect (absence de déclaration, dépassement des jours, etc.), de nombreuses amendes ont même été appliquées.
Les "municipales" devraient accélérer le rythme des mesures plus strictes
À l'image de Paris, Montpellier, Nice et Lyon, d'autres communes très touristiques mais de plus petite taille, à la mer comme à la montagne, ont d'ores et déjà "dégainé" leur arsenal (non pas "anti-Airbnb" ou "anti-meublés" mais "pro-logement-permanent" selon les nombreuses déclarations d'élus) en vue de n'avoir pas à rendre de sérieux comptes lors des prochaines campagnes électorales. Car la pression des populations "permanentes" enfle sérieusement.
Par exemple, à Chamonix ou Bourg-Saint-Maurice, la priorité "au logement local" se veut clairement affichée non sans accorder une certaine souplesse en ce qui concerne le logement des "saisonniers". Ainsi, dans certaines de ces communes, les limitations sont même devenues très strictes pour chaque foyer fiscal qui ne pourra louer qu’un seul meublé touristique, en dehors de sa résidence principale ... à l'exception des biens qui seront loués à des saisonniers ou intégrés à une résidence touristique.
Pour beaucoup d'élus, la "ligne de crête" reste cependant très sensible et la définir se résume souvent à "freiner la spéculation et garder des logements accessibles pour les locaux" sans aller vers une interdiction radicale des locations pour les particuliers. Dit autrement, les élus entendent plutôt stopper les dérives "quasi-professionnelles" plutôt que les propriétaires "particuliers", car dans certaines stations de montagne un T2 acheté par un investisseur peut rapporter jusqu'à 30 000 euros par an en mode "meublé touristique" contre 10 000 euros en mode "location classique" ...
Le phénomène des dérives "quasi-professionnelles" ou "professionnelles" est pris très au sérieux car, dans les grandes villes comme Paris par exemple, la part des locations reposant sur des investisseurs "professionnels" (versus des propriétaires individuels) pèserait au moins pour 38% des annonces publiées sur Airbnb en 2024, selon l’Institut Paris Région. En Seine-et-Marne, où le secteur est moins régulé que dans la capitale, ce ratio dépasserait allègrement les 50%.

Une saison 2026 impactée par les mutations du parc locatif saisonnier ?
Dans d'autres stations touristiques, les annonces des édiles commencent à produire leurs effets: que ce soient des quotas locaux (et donc, le risque de se faire pénaliser si l'on exploite hors des autorisations comme à Concarneau) ou encore des interdictions massives de nouvelles construction de résidences secondaires comme à Cancale, des obligations de compensations ou de locations prioritaires aux étudiants comme sur Biarritz et la Côte Basque, depuis 2023 ... des signaux forts sont d'ores et déjà adressés pour préserver l’équilibre résidentiel face à la pression touristique.
Des effets jugés "délétères" sont, cependant, constatés comme à Hendaye, par exemple, où la ville est carrément passée de 995 à 119 meublés touristiques, non sans "freiner le tourisme" selon les commerçants locaux qui déplorent une baisse de 30 % de leur dernier chiffre d’affaires ou encore la baisse de 2000 visiteurs de moins par jour en saison, selon les statistiques locales; une baisse qui occasionnerait 169 000 euros de perte en taxe de séjour prévue pour 2025.

Pour le maire de la commune littorale, surtout, ces mesures n'auraient, pour l'instant, provoqué aucune hausse visible du logement accessible pour les habitants. D'où, probablement, une prudence renouvelée sur les prochaines régulations.
Ainsi, dans bien des stations touristiques, "on attend (encore) de voir..." car plusieurs maires redoutent qu'un frein trop brutal aux locations saisonnières ne vienne nuire à l’attractivité de leur commune. Cependant, là aussi, les postures risquent de changer radicalement à l'approche des élections prochaines de mars 2026 ...
D'autres contraintes à l'œuvre
En parallèle, les exigences environnementales continuent aussi de se durcir: désormais, tout nouveau meublé doit présenter un diagnostic de performance énergétique satisfaisant, et les logements considérés comme des "passoires thermiques" sont exclus de la location. À cela s’ajoute un coup de rabot sur les avantages fiscaux puisque les abattements sur les revenus issus de ces locations ont été réduits de manière significative lors de l'actuelle discussion budgétaire (voir ci-dessous). Résultat ? Les charges augmentent pendant que les revenus diminuent.



Au final, pour beaucoup de propriétaires (et d'investisseurs), il devient plus difficile de rentabiliser la mise en location d’une résidence secondaire ou d'un bien destiné à la location "courte durée". Or, c'est justement cette rentabilité "débridée" (pour certains opposants) qui a provoqué cette levée "champignonesque" de locations de courte durée qui a conduit à cette levée de boucliers 'locaux" et aux mesures radicales votées au Parlement. Pour beaucoup d'investisseurs et de propriétaires, ces revenus désormais plus contraints faisaient partie intégrante du plan de financement de leur achat ... sans ces perspectives, à l'image de ce qui est survenu à Hendaye (voir plus haut), il est plus-que-certain que le marché de la "courte-durée" sera amputé d'un très grand nombre d'offres d'ici la saison prochaine.






