Espagne : le grand ménage d'été des locations touristiques !

Dans quelques jours, soit à partir de mi-août, l’Espagne va faire retirer des plateformes comme Airbnb des milliers d’annonces touristiques … En cause, l'absence de numéro d’enregistrement national (NRA) des locations saisonnières concernées. Objectif affiché ? Endiguer, une fois pour toutes, les locations illégales et rendre le marché immobilier plus accessible aux habitants.
Une nouvelle règle nationale qui change la donne
Un petit air de New York (et sa chasse aux meublés touristiques) va souffler sur les destinations espagnoles dans les prochains jours. Après quelques mois d'avertissements et de simple tolérance, l'Espagne s'apprête à faire rayer de la carte des plateformes de réservation des dizaines de milliers de locations de vacances jugées illégales. Depuis juillet 2024, en effet, la loi impose que toute location de courte durée doit disposer d’un NRA (un numéro d'enregistrement national) affiché dans son annonce. Sans ce précieux sésame, la sanction est claire: ce sera le délisting (la radiation) pure et simple. À charge, pour les plateformes, de s'exécuter ... ou de s'exposer à de lourdes sanctions financières. En pratique, dans les tous prochains jours, les propriétaires d'annonces non conformes recevront un préavis de 10 jours pour régulariser ou faire appel. Passé ce délai, elles disparaîtront des plateformes.

Une avalanche de dossiers… et des propriétaires dans le flou
En juillet dernier, anticipant ce serrage de vis inédit, le ministère avait reçu plus de 240 000 demandes de NRA :
- 146 328 ont validées selon les autorités,
- 37 415 ont été rejetées,
- et 57 232 sont toujours en attente d'instruction.
Quant aux retardataires (ceux qui n'auront pas donné suite aux instructions de l'Etat), ils seront purement et simplement rayés des listings, sans autre forme de procès. Conséquence ? Dans une économie bien jusque là peu régulée, beaucoup de propriétaires risquent une suspension temporaire de leurs annonces ... et, parfois, avec des réservations déjà confirmées.
Selon les autorités, les coups de balais risquent d'être sévères et de toucher des dizaines de milliers de propriétaires qui justifient leur absence de réaction par, au moins, trois raisons:
- Des coûts supplémentaires liés à l’obtention du NRA,
- Des procédures "doublon" constatées dans certaines régions déjà dotées de leur propre registre comme en Catalogne,
- De la complexité administrative en raison des nombreux documents à fournir, des démarches notariales à accomplir et de la complexité apparente des portails en ligne de déclaration qui exigeraient des certificats numériques que peu de propriétaires possèderaient ...
Un casse-tête administratif qui inquiète
Face à la menace qui approche à grands pas, les associations de propriétaires dénoncent un "labyrinthe bureaucratique" et regrettent que l’État ne reconnaisse pas directement les registres régionaux existants. Et de reprendre l'exemple catalan qui dispose d'un registre officiel qui semble bien fonctionner déjà depuis plusieurs années. Certaines associations tentent, sur ces bases de gagner du temps, en demandant impérativement d'adapter et d'harmoniser les démarches locales avec celles du national; ce que le "national" ne veut pas entendre et qui justifie qu'il maintienne ses ultimatums. En attendant, donc, certains hôtes craignent de perdre leurs réservations pourtant contractées avant l’entrée en vigueur de la loi.
Airbnb dans un rôle de médiateur
Pour éviter un choc trop brutal, les plus grandes plateformes se sont mobilisées auprès de leurs propriétaires, à l'instar d'Airbnb qui, depuis quelques mois, mène des campagnes d’information auprès des hôtes. La plateforme a également annoncé avoir adapté ses outils pour faciliter l’ajout du NRA et elle annonce avoir signé un accord avec le ministère et plusieurs régions pour soutenir la mise en place du cadre européen des locations courte durée.
Il faut dire que cette sévère régulation survient alors que le marché des locations touristiques a progressé de 7 % en un an selon l'indice Skift et que plusieurs villes espagnoles (Barcelone, Valence, Málaga …) subissent une hausse historique des loyers liée à l’attractivité touristique. Par ailleurs, les débats sur le surtourisme s’intensifient dans les différentes régions dans ke but - inchangé - de rééquilibrer l’offre entre visiteurs et habitants.
Et ce n’est pas fini ! Le Parlement espagnol envisage aussi de doubler la TVA des locations courte durée à 21 %, soit le même taux que les hôtels.
L’Espagne amorce donc un tournant réglementaire majeur pour reprendre la main sur le marché des locations touristiques. Les propriétaires qui s’adapteront vite dans ce contexte d'accélération réglementaire pourront continuer à tirer profit de la saison estivale, tandis que les retardataires risquent une perte sèche de revenus. La situation satisfait, évidemment, les habitants des régions concernées par la pression touristique, mais aussi les syndicats hôteliers. Il est donc fort probable qu'elle serve de catalyseur à un serrage de vis généralisé à l'échelle européenne ...