Locations saisonnières au-delà de 90 jours: de nouvelles exceptions ?

La réglementation des locations touristiques continue d'évoluer sous le coup de décisions judiciaires qui viennent d'élargir les motifs dérogatoires au plafond des "fameux" 90 jours, imposé aux résidences principales. Une récente jurisprudence vient même d'établir un nouveau précédent qui intéresse particulièrement les propriétaires de meublés touristiques ...
Depuis janvier 2025, Paris a réduit de 120 à 90 jours par an la durée maximale autorisée pour louer sa résidence principale en meublé touristique. Pour rappel, cette mesure, rendue possible par la loi Le Meur adoptée en novembre 2024, vise à lutter contre la prolifération des locations saisonnières et à récupérer des milliers de logements pour l'habitation permanente.
Cette restriction s'accompagne de sanctions considérablement renforcées: les propriétaires contrevenant s'exposent désormais à 15 000 euros d'amende par année de dépassement, contre 10 000 euros précédemment. L'amende peut même atteindre 100 000 euros en cas de changement d'usage non autorisé.
Cependant, une récente décision du Tribunal judiciaire de Paris, en date du 12 mai dernier, est venue établir une nouvelle jurisprudence. Même si le cas est assez particulier ...
Dans cette affaire, la Ville de Paris réclamait 20 000 euros d'amende à un étudiant ayant dépassé la limite légale durant deux années consécutives (2020 et 2021). Cependant, le défendeur a pu justifier qu'en 2020, il avait obtenu un contrat de VIE aux États-Unis et qu'en 2021, il avait obtenu un contrat de travail et une mission à l'étranger.
Le tribunal a considéré que "dans ces conditions, l'étudiant justifiait bien d'un "motif professionnel" pour les deux années concernées". Cette décision créerait donc, de l'avis des spécialistes, un précédent juridique solide.
Selon eux, on peut en déduire que le volontariat international en entreprise (VIE) est désormais reconnu comme un motif professionnel dérogatoire qui justifierait le dépassement du plafond de 90 jours. Cette nouvelle décision ajoute une jurisprudence en matière de dépassement professionnel aux affaires précédentes de 2021 (un jugement reconnaissait l'obligation professionnelle justifiée par 246 déplacements professionnels et donc, la possibilité de déroger à la règle des 90 jours). En 2023, une autre décision reconnaissait le statut d'artiste en représentation à l'étranger comme motif dérogatoire valable pour pouvoir mettre son bien en location au-delà des délais votés. En 2024, un tribunal validait aussi le cas d'un expatrié en Asie pour motif professionnel pour valider son "permis" de louer au-delà des volumes maximum de journées. Enfin, une autre décision a également admis qu'un étudiant réalisant un stage en entreprise et poursuivant un cursus universitaire constituait un motif professionnel de dépassement ... un jugement confirmé par la Cour d'appel mais contre lequel la Mairie de Paris s'est pourvue en cassation.

Des catégories distinctes de motifs dérogatoires
La multiplication de ces décisions n'est pas surprenante car, si l'étau s'est rapidement resseré (avec la loi Le Meur), certains "loueurs" (notamment, dans les grandes villes) ne peuvent pas faire autrement (en fonction de leurs revenus) que de continuer à louer même s'ils sont conscients de mordre la ligne blanche. Cependant, la réglementation prévoit bien trois types de motifs permettant légalement de dépasser la limite de 90 jours :
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Les obligations professionnelles qui se justifient par des déplacements professionnels "documentés" (en clair, prouvés), les missions à l'étranger (y compris VIE, comme on vient de le voir plus haut), les stages en entreprise dans le cadre d'un cursus universitaire et les activités artistiques nécessitant des déplacements.
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Les raisons de santé comme les ospitalisations prolongées ou encore les soins médicaux nécessitant une absence du domicile
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Enfin, les cas de force majeure comme les "situations exceptionnelles indépendantes de la volonté du propriétaire" ou encore, les catastrophes naturelles ou sinistres ...
Toutefois, même si les tribunaux appliquent des critères très rigoureux pour valider les motifs dérogatoires, le propriétaire (ou le loueur) doit pouvoir démontrer la correspondance exacte entre chaque jour de location et les déplacements professionnels. Et pour cela, il doit apporter les éléments probants devant les juges: contrats de travail ou de mission authentifiés, factures de péage et d'hôtel pour chaque déplacement, justificatifs détaillés des motifs de déplacement, calendrier précis des absences du domicile, etc.
Attention, cependant, les "sauts de puces" en avion ou les séjours de télétravail de courte durée ne sont généralement pas reconnus par les juges au titre des déplacements bénéficiant au régime dérogatoire.
Un conseil ? Ne jouez pas trop au "chat et à la souris" sur votre exploitation locative avec les pouvoirs publics qui, selon les tensions immobilières constatées dans leurs villes peuvent être très actives sur la traque aux excités de la dérogation. La Ville de Paris a considérablement intensifié ses contrôles grâce au système d'enregistrement obligatoire qui oblige les plateformes comme Airbnb à transmettre automatiquement les données de location aux autorités municipales. Avec ces données, les services municipaux peuvent détecter automatiquement les dépassements de plafond, identifier les multipropriétaires louant illégalement et, bien sûr, systématiser les poursuites contre les contrevenants.
Dans un récent post sur Linkedin, Airbnb encourage les élus locaux à consulter son portail "PANDA" qui (Portail d’Accès National aux Données Airbnb), "qui donne aux communes un accès simple et gratuit à ses données et tendances touristiques locales".
Taxe d'habitation sur les résidences secondaires et CFE : les nouvelles règles
Vous le savez si vous lisez régulièrement notre blog, le paysage fiscal de la location saisonnière connaît une transformation significative depuis la loi de finances pour 2025. Cette réforme clarifie, en effet, l'application de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) aux logements meublés destinés à la location touristique.
Un changement majeur concerne le cumul possible de ces deux taxes. Désormais, les propriétaires de locations saisonnières peuvent être redevables à la fois de la THRS et de la CFE et cette double imposition dépend essentiellement de la façon dont le logement est exploité.
Par exemple, lorsque le logement est proposé à la location pour l'année entière, le propriétaire perd sa jouissance du bien. Dans ce cas, l'application de la taxe d'habitation s'analyse au niveau du locataire : le logement constitue-t-il sa résidence principale ou secondaire ? Dans ce cas, le propriétaire n'est alors pas concerné par la THRS.
La situation devient plus complexe pour les locations saisonnières. Lorsque le logement est proposé à la location pour de courtes durées et que le propriétaire conserve la possibilité d'accepter ou de refuser une location, ce dernier est considéré comme ayant conservé la disposition du bien. Dans ce cas, le logement demeure passible, à la fois, de la THRS (taxe d'habitation sur les résidences secondaires) et de la CFE (cotisation foncière des entreprises). Dans cec cas, cette double imposition s'applique même si le bien est effectivement loué pendant la majeure partie de l'année.
En effet, la location meublée constitue, par nature, une activité commerciale professionnelle et donc, à ce titre, elle est imposable à la CFE. Cette règle s'applique même aux particuliers qui ne sont pas des entreprises au sens strict.
Plusieurs exonérations demeurent, toutefois, applicables :
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Les exonérations générales : pour un chiffre d'affaires ou des recettes inférieures à 5 000 €, la location occasionnelle d'une partie de l'habitation personnelle ou encore, la location d'une partie de la résidence principale à un "prix raisonnable" ...
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Les exonérations soumises à délibération locale, essentiellement, la location de meublés de tourisme classés dans l'habitation personnelle ou encore, location de tout ou partie de l'habitation personnelle (résidence principale ou secondaire).
Dans ce cas, le montant de la CFE varie selon les communes, avec une fourchette généralement comprise entre 200 € et 600 € par an et par bien. Et, effectivement, la CFE est due pour chaque adresse placée en location meublée.
Depuis 2023, les propriétaires doivent utiliser l'application "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI)pour déclarer :
- La nature de l'occupation (résidence principale, secondaire, logement vacant)
- L'identité des occupants
- Les montants des loyers
Cette déclaration doit être effectuée avant le 1er juillet de chaque année en cas de changement de situation et, l'absence de déclaration est sanctionnée par une amende de 150 € par local.
Cependant, la réforme de 2025 introduit plusieurs modifications importantes:
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Pour commencer, de nouveaux taux d'abattement fiscal, soit 50% pour les biens classés et les chambres d'hôtes (plafond 77 700 € de revenus) et 30% pour les biens non classés (avec un plafond 15 000 € de revenus).
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Ensuite, un DPE obligatoire pour tous les nouveaux logements en location touristique et l'interdiction de louer les logements classés G.
Cette année, les professionnels de la location saisonnière drevont désormais intégrer dans leurs calculs :
- La THRS, qui est variable selon la commune et qui peut atteindre des montants significatifs en raison des majorations en zone tendue,
- La CFE** : entre 200 € et 600 € par bien et par an,
- Les nouvelles obligations déclaratives avec un risque important de sanctions en cas de défaut.
Face à cette double imposition, plusieurs stratégies peuvent être envisagées comme la vérification des exonérations locales qui passe forcément par le contrôle des délibérations communales sur les exonérations CFE ou encore, si ce n'est pas le cas, l'évaluation de l'opportunité du classement de votre bien immobilier en meublé de tourisme.
En anticipation de votre fin de saison, voici quelques conseils précieux:
- Vérifiez immédiatement les délibérations locales concernant les exonérations CFE,
- Effectuez les déclarations GMBI dans les délais pour éviter les sanctions,
- Calculez l'impact fiscal de la double imposition sur la rentabilité,
- Envisagez le classement de votre (vos) meublés de tourisme si cela est économiquement justifié
Car, cette réforme marque un tournant dans la fiscalité de la location saisonnière, et elle nécessite une adaptation rapide des stratégies professionnelles pour maintenir la rentabilité des investissements tout en respectant les nouvelles obligations légales.