Cet avocat français qui part à l'assaut de Booking

Marc Barennes, avocat aux barreaux de Paris et New York, lance une action collective (class action) contre Booking. Son but ? Faire condamner le géant européen à rembourser des millions d'euros aux hébergeurs mobilisés autour de son nouveau combat ...
Référendaire à la Cour européenne de Justice pendant 12 ans et Case Policy Officer auprès de la Commission Européenne pendant près de 3 ans, Marc Barennes n'est pas du genre débutant ou "avocat spécialisé en généralités".
Dans ses deux précédentes et successives missions (voir ci-dessus), il préparait les dossiers techniquement complexes liés à la concurrence auprès des commissaires européens chargés de veiller au respect des politiques publiques. Tandis qu'en tant que référendaire, ce dernier œuvrait comme juriste hautement qualifié chargé d'assister un juge ou un avocat général de la cour européenne de justice dans l’ensemble de ses missions. Si l'on rajoute à cela son intégration récente au sein du cabinet Geradin Partners, spécialisé sur les questions de concurrence en Europe, et ses cours donnés à Sciences Po Paris sur les questions du même sujet, Marc Barennes fait donc figure de redoutable combattant sur la question qui principale qui va l'opposer à Booking et, par extension, aux autres OTAs.
Car, ce dernier a décidé de partir en guerre contre "les pratiques anticoncurrentielles (de l'OTA ...) qui lui permettraient d’imposer aux hôteliers des commissions excessives par rapport à celles qui auraient dû prévaloir si la concurrence n’avait pas été faussée et,d’autre part, d’entraîner pour les hôteliers une baisse de réservations de leurs chambres". Pour l'avocat: "De récentes décisions de justice ont confirmé l’illégalité de clauses déguisées, imposées en France notamment, via les programmes BSB, Préféré et Genius..." Et d'estimer que les réparations financières demandées pourraient dépasser plusieurs centaines de millions d'euros.
Pour parvenir à ses fins, Marc Barennes a lancé une action collective (appelée class action de l'autre côté de l'Atlantique) qui consiste à regrouper plusieurs dizaines ou centaines de plaignants afin de les représenter dans une action qui aura forcément plus de poids que plusieurs plaintes déposées isolément.

Plusieurs centaines de millions en jeu
Pour l'avocat français (associé au cabinet espagnol Eskariam pour les plaignants de la péninsule), les hôteliers "sont en droit de réclamer une indemnisation pour avoir payé (à Booking) des commissions excessives, notamment en raison des clauses de parité tarifaire déguisées ou encore d'avoir payé des commissions sans réelle contrepartie afin de participer aux programmes tels que le Programme Préféré ou Genius.
Les hébergeurs sont invités à estimer la valeur de leur préjudice en vue d'en réclamer la réparation en justice tout en sachant que "le montant d’indemnisation lié à leur préjudice peut varier selon plusieurs paramètres tels que le chiffre d’affaires réalisé (avec l'OTA), les taux de commission versés, le recours aux programmes de partenariat, la durée pendant laquelle l'hebergeur aura eu recours aux services" de la plateforme de réservation.
Et de préciser, "à titre d'illustration" qu'en Espagne, "les hôteliers demandent l’équivalent d’environ 2% de leur chiffre d’affaires annuel à titre d’indemnisation" ou encore, qu'en Allemagne, "2 600 hôteliers demandent une indemnisation totale de plus de 300 millions d’euros". En France, selon l'avocat, "le montant total des préjudices subis par les hôteliers français a été chiffré, à titre provisoire par les économistes que nous avons mandatés, à près de 1,5 milliards d’euros".
Si, à ce stade, la direction de Booking dément avoir reçu la moindre "notification formelle d'une action collective". Les dirigeants en profitent pour réaffirmer leur position; à savoir que "chez Booking, nous sommes fiers de la relation professionnelle que nous entretenons avec nos partenaires, et nous continuons de nous consacrer à une collaboration vertueuse axée sur une croissance mutuelle".
À ce stade, l'avocat français doit encore obtenir le "mandat" de nombreux hébergeurs et hôteliers afin de pouvoir lancer son action collective, largement encadrée par la réforme de 2025.
Pour cela, le site spécialement créé pour les besoins de la cause précise bien que les hôteliers volontaires n'auront "aucun frais à avancer" pour lancer l'action. Et qu'ils ne s'acquitteront de frais qu'en cas de succès de la procédure, soit entre 25 à 30 % des réparations financières obtenues.

Des rétorsions contre les belligérants ?
Si les montants des honoraires de succès ne les arrête pas, les hôteliers pourraient cependant redouter d'être mal traités par Booking, sur sa plateforme et dans les mois à venir, en étant identifiés comme belligérants fondateurs de cette class action inédite en France.
Le cabinet d'avocats prévoit le coup en précisant que l'OTA "n’aura aucun intérêt à adopter des mesures de rétorsion", tout d'abord, selon lui, parce que "la participation à notre action collective, aux côtés de milliers d’autres hôteliers indépendants français et chaînes d’hôtellerie, vous permet d’être noyé dans une masse très importante de plaignants" et que cette action n'est qu'une partie d'un ensemble d'actions plus important mené ailleurs en Europe, soit en Espagne, Allemagne, Grèce et aux Pays-Bas (le pays où Booking est né) ... Enfin, en précisant "que ce n’est pas (l'hôtel en propre), mais une société regroupant tous les plaignants, qui agira formellement en justice".
À noter, toutefois, qu'avant de saisir la justice, l’association (ou la structure collective) doit adresser une mise en demeure à Booking en vue de faire cesser le manquement. Et l’action ne pourra être engagée que si cette mise en demeure reste sans effet pendant quatre mois. Une fois déposée l'action collective, le juge (de la juridiction déterminée) vérifiera la recevabilité de l’action; c'est-à-dire, l'existence d’un groupe de personnes concernées, la similarité de leurs situations, la qualité de l’association ou du syndicat, le respect de la procédure de mise en demeure, etc. Enfin, une fois l’action jugée recevable, le juge fixera un délai pendant lequel les personnes concernées pourront encore se rattacher à l’action pour bénéficier de la décision. C'est ce que l'on appelle le système d’opt-in propre à la class action à la française. L'affaire risque donc de mettre encore un peu de temps avant de prendre une forme plus agressive, mais elle démontre (voir plus bas) une irritation croissante des hôteliers face au phénomène - plus général - des OTAs. Ces derniers ne sont, cependant, pas en reste puisque leurs bataillons d'avocats ne chôment pas sur le sujet depuis des années. Des dizaines (voire des centainesà d'actions) ont déjà atteri devant les tribunaux européens depuis bientôt plus de 10 ans...