Les marques ont-elles encore de l'intérêt ? L'exemple de Gîtes de France

Avec 70 ans d'existence cette année, le réseau national des Gîtes de France veut afficher une santé et une dynamique à toute épreuve. L'an dernier, selon le réseau, plus de 7000 nouveaux hébergements auraient rejoint le réseau alors même que la marque est de moins en moins recherchée sur internet. Quels sont les secrets de cette "prouesse à la française" ?
Incontestablement, une véritable réussite que ces Gîtes de France ! En 2024, 7000 nouveaux propriétaires auraient même rejoint le réseau selon les déclarations de sa directrice générale Solange Escure ! Au total, ce seraient donc près de 55.000 propriétaires qui seraient réunis partout en France derrière la bannière jaune et verte de la marque désormais septuagénaire (dont 84% en zones rurales).
La prouesse est d'autant plus remarquable que le réseau a dû résister à un début d'hemmoragie de départs, ces dernières années, avec de nombreux propriétaires désireux de s'affranchir pour aller se distribuer en direct avec les principaux OTAs de la planète (Airbnb, en tête, bien sûr, mais aussi Booking et Expedia). En quelques années en effet, de gros gîtes ou d'importantes maisons d'hôtes sont allés voler de leurs propres aîles pour des raisons multiples: s'éviter de payer des commissions au réseau national, profiter de la simplicité des nouvelles solutions digitales pour se vendre par eux-mêmes ou encore, "jouer" avec la distribution multi-canal et se vendre directement, et sans intermédiaire, sur les grands canaux de prédilection comme Airbnb ou Booking, par exemple.
Il faut dire qu'à l'époque, le réseau ne leur offrait pas la même souplesse qu'aujourd'hui en permettant aux propriétaires de s'équiper de la solution de leur choix (par exemple, elloha 😉) et continuer de travailler, par synchronisation avec les centrales régionales, avec le réseau Gîtes de France, tout en obtenant la liberté de gérer leur commercialisation et leur site selon leurs propres envies. D'ailleurs, tous les grands opérateurs de la planète - qui se sont constitués en réseau - ont eu cette "intelligence" et ont pu, de la sorte, garder leurs adhérents en leur permettant de bénéficier du meilleur des deux mondes. À l'inverse, d'autres réseaux, qui ont tenté de "verrouiller" leurs adhérents l'ont généralement payé d'un désengagement progressif et irréversible. Et ce, d'autant plus que la force des marques subit les diktats, souvent cruels, du nouveau monde digital. C'est le cas de la marque "Gîtes de France" dont le réseau (une vraie prouesse !) continue de grossir alors que la marque subit une lente (et irréversible) érosion sur Google, par exemple.

Le graphique ci-dessus marque bien l'évolution de la marque sur internet depuis 20 ans maintenant (les chiffres ci-dessus remontent à 2004). Si ces données concernent l'intérêt des internautes français, on retrouve les mêmes tendances lorsque l'on interroge Google Trends au sujet des internautes belges, par exemple, un marché essentiel pour les Gîtes de France.
Non, ce qui frappe, c'est le rapport entre l'expression (ou la marque) "Gites de France" et le terme - nu ! - de "Gite": si la première s'effondre littéralement (avec une pointe au moment du post-covid), le terme "gite" se maintient à des niveaux élevés et démontre une appétence manifeste des français pour ce type d'hébergement.
Si la banalisation du terme "gite" l'a manifestement emporté sur la marque à proprement paler, la saisie d'un autre terme (Airbnb, par exemple) permet de mieux expliquer le phénomène.
Visitez le site du gîte "Le Mas de Ribard" réalisé par sa propriétaire elle-même.

L'avènement des OTAs n'a donc pas accentué l'effondrement des recherches des français en faveur d'un "gîte" - au contraire, même - puisque le terme continue de se maintenir à des niveaux d'intérêt très élevés chez les français. Les propriétaires de gîtes ont donc encore raison de croire - et pour longtemps - en la force du terme "gite" qui résume si bien leur activité.
Ces courbes démontrent cependant la résilience du réseau Gîtes de France qui, en dépit de la "frigidairisation" de sa marque continue de convaincre des propriétaires de le rejoindre et de bénéficier de sa dynamique commerciale (avec ses centrales locales et ses sites internet qui assurent 43% de ses réservations). Il faut dire que le réseau a probablement plus investi dans le digital pour négocier le virage (compliqué) du voyage en ligne que dans son propre marketing qui, dans tous les cas sur internet, nécessiterait des moyens sans commune mesure avec ceux mobilisés par ses "rivaux" que sont devenus les OTAs.
Il faut dire que la résilience de Gîtes de France impose des choix délicats: c'est, en effet, avec les commissions et les adhésions tirées de ses membres que le réseau fait vivre au quotidien 92 structures départementales, 600 "experts territoriaux" dont le rôle est de labelliser, commercialiser et faire monter en gamme les hébergements adhérents ...
Pour consolider sa place et son succès, en dépit de ces défis dantesques, le réseau a donc mis l'accent sur le grossissement et la montée en puissance de son "catalogue" (d'où les 7000 nouveaux hébergements, même si le réseau a compté des départs importants ces dernières années). Car, sans catalogue ou des références qui se réduiraient comme peau de chagrin, aucun réseau en France ou ailleurs ne pourrait plus tenir à l'avenir. C'est pour cela que les "Gîtes" ont permis (et permettent toujours) à leurs propriétaires de choisir la solution de leur choix pour s'offrir le meilleur des deux mondes : garder un lien fort (et en temps réel, s'agissant des prix et de leur planning) avec leur réseau et s'ouvrir librement à leur propre commercialisation en explorant par eux-mêmes les potentiels offerts par les Google, Airbnb, Booking ... et leur propre site pour tirer un entier bénéfice de l'expression "gite" qui a encore de beaux jours devant elle à en croire les chiffres de Google Trends. En attendant, joyeux 70 ans aux Gîtes de France !
