Tomberez-vous sous le coup de la "persuasion algorithmique" de Booking ?

Tomberez-vous sous le coup de la "persuasion algorithmique" de Booking ?

Depuis 2015, en France par la loi Macron, et depuis ce 1er juillet, par une décision de l'entreprise qui concerne toute l'Europe, Booking a libéré les hôteliers (et plus généralement, tous les hébergeurs qui travaillent avec lui) des obligations de parité tarifaire. Cependant, l'entreprise reste vigilante et assume ses propres garde-fous ...

Est-ce qu'avec la dernière décision de Booking sur le Vieux Continent, la (dis)parité tarifaire (ou comment garantir sur son site les meilleurs prix versus ceux que vous accordez aux OTAs) serait sur le point de s'imposer définitivement sur toute l'Europe ? Pas vraiment ... pour au moins les raisons suivantes:

  • d'une part, loi ou "liberté rendue par Booking", les hébergeurs ne pratiquent, en réalité, que dans une faible proportion la disparité tarifaire: selon le dernier rapport annuel de l'HOTREC (qui rassemble toutes les représentations hôtelières de chaque pays): 43% des hôteliers continuent de n'afficher aucune différence de prix entre leur site et les OTAs ! 27% affirment ne le faire qu'occasionnellement tandis que 16% des hôteliers revendiquent de le faire très souvent, sinon tout au long de l'année. Les raisons sont multiples (et nous les avions détaillées) et laissent donc à penser que Booking peut encore dormir sur ces deux oreilles sur ce sujet ultra-sensible ... même en rendant cette liberté aux hébergeurs,
  • ensuite, il est évident que la notion de parité ne joue pas que sur le prix: certes, Booking ne sanctionnera pas un hôtel qui affiche ses meilleurs prix sur son site, mais il peut cependant le "mettre à l'amende" s'il ne respecte pas les autres clauses de parité qui - elles - sont restées valides comme la parité d'inventaire où tout semble se jouer désormais ...
Le Blog elloha: Booking pèse 71% des réservations des hôtels européens
Selon le blog du channel manager elloha, le dernier rapport de l’HOTREC sur la distribution des hôtels européens démontre le poids ultra-dominant de Booking par rapport à ses concurrents et alors même que la part des réservations directes remonte bien.
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À juste titre, les dirigeants de Booking ont toujours justifié leurs clauses de parité au motif suivant: "Notre compagnie investit du savoir-faire et des sommes astronomiques pour attirer du trafic, il est donc normal que les hébergeurs qui veulent se vendre chez nous et en profiter respectent des règles de loyauté à notre égard et ne vendent pas à des conditions prohibitives qui ne leur serviraient qu'à profiter de l'exposition de Booking pour, ensuite, récupérer les réservations en direct sans nous rémunérer de notre travail".

Certes, la parité tarifaire n'a pas résisté longtemps aux arguments des hôtemiers et des pouvoirs publics (arguments que nous soutenons depuis toujours, bien sûr !) selon lesquels une entreprise doit rester libre d'afficher les prix qu'elle veut et, surtout, de pouvoir proposer un meilleur prix "en direct" sans que personne ne puisse lui reprocher dans tous les cas. D'où, en France, la loi Macron, première du genre suivie par d'autres pays, et, ce mois-ci, la décision unilatérale de Booking qui se range à cet argument.

Pour autant, il n'en est pas terminé des questions de parité et si, certains hébergeurs pensent jouer les bons élèves en ne pratiquant aucune différence de prix depuis des années, il se pourrait qu'ils n'échappent pas à des sanctions de Booking en raison d'un comportement "dis-paritaire" sur les inventaires qu'ils mettent en vente sur Booking.

Car, comme l'a révélé le ZEW (déjà en 2019), qui avait analysé (de manière rétroprocessionnelle et approximative) les algorithmes de Booking, ce dernier n'a jamais vraiment sanctionné les disparités de prix tant que les hébergeurs restaient raisonnables (de 8 à 12% de différence de prix maximum).

En revanche, il est encore constant (et cela va le devenir de plus en plus ces prochains mois) qu'un hébergeur qui "s'amuse" à envoyer du stock à Booking (pendant les vaches maigres) et lui retirer dès que la demande devient plus forte et qu'il peut s'accaparer les ventes en direct ... cet hébergeur risque de subir les fourches caudines de la persuasion algorithmique de Booking ! En clair, il ne sera pas exclu de la plateforme, mais il risque une violente dégringolade dans les pages de résultats du premier portail mondial de voyages. Une chute d'autant plus violente qu'il lui sera donc très long (et très coûteux) de remonter petit à petit ...

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Vous l'avez compris, la "persuasion algorithmique" est une réalité (pas que chez Booking d'ailleurs ...) qui doit aider les mastodontes de la distribution à compenser le retour complet à la dis-parité tarifaire: *"Je veux bien accepter de fermer les yeux sur le fait que tu vendras toujours moins cher que moi, mais nos relations risquent de se compliquer si tu n'exposes du stock chez moi que dans les périodes où tu ne parviens pas à vendre par toi-même ...".

En clair, si vous vous amusez à ouvrir et fermer vos inventaires sur Booking sur plusieurs périodes de l'année et à faire en sorte que ce dernier ne dispose pas d'opportunités de vendre vos nuitées aux meilleurs moments (ou en aval des investissements publicitaires qu'il a consentis sur votre nom), vous risquez de "prendre cher" ... en toute légalité !" Car, sur ce point, les pouvoirs publics sont au clair: oui, une relation commerciale loyale doit garantir à un distributeur de disposer des stocks nécessaires pour tirer profit du partenariat commercial qu'il a scellé avec un hébergeur et donc, des investissements marketing et publicitaires qu'il a consenti pour vendre les produits de cet hébergeur ...

Un conseil ? Ne retirez pas vos disponibilités ou votre bien une fois la haute saison passée car, lorsque vous reviendrez sur Booking (ou sur un autre OTA comme Airbnb) à la veille de la prochaine saison, vous risquez de devoir repartir depuis les fonds de cale de ses listes de résultat ! Et, dans ce cas, pour remonter, il vous faudra soit beaucoup de patience (et beaucoup de réservations ratées) ou dépenser beaucoup d'argent en acceptant de payer des commissions très au-dessus de la moyenne (entre 30 et 50% par réservation) afin de voir vos offres mieux exposées.

La persuasion algorithmique n'est pas une fable ou une légende urbaine: elle est un moyen de protection (désormais renforcé avec la fin de la parité tarifaire) que les OTAs se sont créés pour protéger un inventaire constant qui traduise, aussi, la loyauté des relations établies avec les hébergeurs.

Avec la masse de nouvelles offres qui affluent chaque mois sur les pages de votre destination présentées par les OTAs, ce procédé n'a que plus d'avenir et ses conséquences sur votre activité que plus d'effets nocifs ...