Niche fiscale: le Conseil d'Etat sanctionne le gouvernement
Finalement, ce sera non ! Le Conseil d'Etat a rendu une sévère décision, hier soir, au sujet de la niche fiscale relative aux locations saisonnières. Comme nous l'avions relaté plusieurs fois, le chaos dominait dans cette affaire ... jusqu'à ce qu'un groupe de parlementaires ne saisisse les sages du Conseil d'Etat.
Selon le Conseil d'Etat, qui a rendu sa décision hier, Bercy (l'administration fiscale, en d'autres termes) a "incomplètement ajouté à la loi, en publiant, le 14 février dernier, un commentaire au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) visant à ne pas restreindre la niche fiscale dite "Airbnb" comme le prévoyait la loi de finances pour 2024".
Contre la décision des sénateurs et des députés (lors de la loi de programmation budgétaire), l'administration fiscale avait pretexté une "bourde" du gouvernement (dans la rédaction de la loi) pour se justifier de ne pas prendre en compte les dispositions d'un amendement sénatorial (embarqué dans le texte de loi, adopté après recours au 49.3) qui rabottait violemment les abattements fiscaux dont bénéficiaient les propriétaires de meublés de tourisme (hors, chambres d'hôtes). Selon l'administration fiscale, cette "bourde" ne devait donc pas entrainer de coup de rabot et, selon ce qu'elle écrivait dans le fameux Bofip, il n'y avait donc pas lieu de tenir compte de cette révision fiscale qui effrayait un grand nombre de propriétaires. Les élus, à l'origine de ces dispositions, (mais aussi les hôteliers qui les ont relayés) ne l'ont pas entendu de cette oreille et ont donc déposé un recours devant le Conseil d'Etat ... qui vient de leur donner raison !"
Quid en 2024 ?
Au départ, le texte voté par les parlementaires de tous bords et donc, intégré dans le projet de loi de finances 2024 (PLF) modifiait en profondeur les avantages fiscaux des locations saisonnières en ramenant l'abattement fiscal à 30 %, dans la limite de 15.000 euros, soit au même niveau que pour la location non meublée.
Le texte, longtemps discuté et au Sénat et à l'Assemblée dans un très large consensus politique (à l'exception du Rassemblement National) avait donc été intégré dans le PLF ... donc, applicable sans autre forme de commentaire par l'administration.
Cependant, une suprenante volte-face émanant de Bercy et du gouvernement avait abouti à des déclarations surprenantes selon lesquelles l'intégration de ce dispositif relevait bien d'un "couac" et que, dès lors, les contribuables concernés devaient se rassurer en intégrant bien "que cette nouvelle limite ne s'appliquerait pas" à leur déclaration de revenus. En d'autres termes, Bercy indiquait que concernant la déclaration des revenus de 2023, ces derniers pouvaient continuer, sans rien craindre, à profiter de la niche complète de plus de 70%.
Emmenés par les sénateurs Ian Brossat (communiste) et Max Brisson (LR), les parlementaires des deux chambres et de tous bords se sont offusqués que leur travail (et leurs décisions) parlementaire soient "baffoués" par l'administration et, accompagnés par les organisations syndicales hôtelières, ont porté le contentieux jusque devant le Conseil d'Etat.
Pour les sages de la place du Palais Royal, ce qui a été fait par loi doit être défait par la loi ... et que par la loi ! La niche fiscale est donc belle et bien rabotée et, si le prochain gouvernement souhaite la rétablir, il devra en passer par une loi rectificative. Pas certain que cela arrive en cas de gouvernement de gauche puisque la plupart des parlementaires à l'origine de ce coup de rabot ont été réélus et militent activement en faveur non seulement de son maintien mais, probablement d'un coup de rabot supplémentaire.La proposition de loi en ce sens, portée par la députée Renaissance Annaïg Le Meur (réélue ce dimanche et faisant consensus avec les autres familles politiquesà), était encore en discussion au Parlement au printemps, mais elle visait à restreindre encore davantage les avantages fiscaux de la location meublée de courte durée.
Une année "blanche" ?
Cette décision du Conseil d'Etat intervient après la fin de la campagne de déclaration des revenus de 2023 et, de ce fait, elle n'a pas d'effet retroactif. En clair, les contribuables concernés bénéficieront bien de la niche fiscale pleine et entière, au titre des revenus locatifs de 2023.
En revanche, le coup de rabot (sauf annulation par la loi dans les prochains mois ou son accentuation) s'appliquera bien aux revenus de 2024 ...