Airbnb fait le ménage dans ses chambres !
Pour celles et ceux qui en doutaient, petit à petit, Airbnb (et, à sa suite, ses concurrents directs) se mettent de plus en plus vite à "rentrer dans le cadre", à appeler un chat, un chat ... dans un univers - les locations de vacances - qui s'est longtemps plutôt présenté comme une jungle à part entière. À partir du 1er mai, les "chambres privées" devront correspondre précisément à cette définition, au risque de se voir reléguées dans une catégorie "sans catégorie" ...
La "chambre privée" est, on peut dire, la cellule primaire du business d'Airbnb. C'est, en effet, en louant leur propre chambre équipée d'un matelas gonflable, lors d'un important congrès à San Francisco, que le trio de fondateur a eu l'idée d'en faire son business. Autant dire que la "chambre privée" n'est pas anecdotique dans l'ADN d'Airbnb. C'est aussi, par cette appellation, que de nombreux hébergeurs ont saisi l'occasion de se faufiler dans les listings d'Airbnb: un hôtel qui exposait une chambre présentée comme "privée", un camping qui y publiait une caravane présentée comme une "chambre privée", etc ... Les exemples sont nombreux.
Ce sera donc a priori terminé dès le 1er mai prochain, suite au "ménage de printemps" annoncé par Airbnb, cette semaine. Dès lors, pour continuer de s'afficher en "chambre privée", "la chambre devra être équipée d'une porte et elle devra être destinée à l'usage exclusif du voyageur pendant son séjour". Selon Airbnb, "le voyageur pourra partager l'accès à au moins une des pièces communes suivantes : salle de bain, cuisine ou salon."
Par ailleurs, Airbnb impose aussi de nouvelle règles de transparence aux "propriétaires" et aux "loueurs" :"Étant donné que les voyageurs partagent votre logement, il est important qu'ils sachent qui vous êtes. Vous devez donc utiliser votre propre nom. Les noms commerciaux et autres noms ne sont pas autorisés".
À compter de début mai, enfin, ne seront plus considérées (et affichées) des chambres "privées" qui ne le sont pas vraiment comme :
- Un loft, une pièce ou un autre espace ne disposant d'aucune porte de séparation avec les autres pièces du logement,
- Une chambre partagée, c'est-à-dire une chambre à coucher que le voyageur peut partager avec quelqu'un d'autre,
- Une tente, une caravane, une caravane Airstream, un bus, une voiture ou un camping-car,
- Un hôtel, un boutique-hôtel, un appart'hôtel, une pension, une auberge de jeunesse, un appartement en coliving, une résidence de tourisme, une maison d'hôtes, un gîte, un centre de bien-être ou un complexe hôtelier,
- "Une chambre d'hôtes peut parfois ne pas être considérée comme une chambre privée. C'est notamment le cas si elle s'apparente à un boutique-hôtel ou à une auberge de jeunesse, ou si elle ne répond pas aux critères décrits ci-dessus" soutient Airbnb.
L'Europe en pôle position
Cette évolution n'est pas anodine car elle entend répondre à deux exigences désormais très fortes pour Airbnb:
- d'abord, l'exigence de ses guests de ne pas être "trompés sur la marchandise": un voyageur Airbnb qui veut "vivre chez l'habitant" ne veut plus se retrouver de facto dans une location "sans âme" gérée par un concierge ou un loueur professionnel (voir plus loin),
- ensuite, il y a la volonté d'Airbnb de se conformer, en Europe, aux nouvelles exigences de la communauté européenne sur la transaparence et la "mise au pli" du marché de la location de courte durée: laisser prospérer des annonces sous le couvert de "chambres privées" pouvait laisser penser à certains loueurs qu'ils étaient, à tort, dispensés des nouvelles obligations de déclaration et de transparence.
Et ce, d'autant que ces obligations sont, pour partie, à la charge des plateformes elles-mêmes depuis que l'Europe (voir les articles à ce sujet, ci-desosus) s'est mise d'accord sur la manière de "cadrer" ce marché aux allures trop sauvage pour son goût (et celui des hébergeurs professionnels comme les hôteliers, par exemple).
Cette semaine, d'ailleurs, la responsable de la politique UE au sein d'Airbnb rappelait que : "Nous saluons les progrès réalisés sur les règles de location à court terme à l'échelle de l'UE, ce qui est une bonne nouvelle pour l'économie du voyage dans l'UE et pour de nombreux Hôtes de tous les jours qui partagent leur logement pour augmenter leurs revenus et faire face à l'augmentation du coût de la vie ...".
En Europe, Airbnb regroupe déjà d'un million d'hôtes, soit plus que dans n'importe quelle autre région du globe, US compris ! Et, selon ses propres déclarations, "près des trois quarts d'entre eux partagent un seul logement" qui rapporte un revenu moyen de 3 000 € à chaque propriétaire, "ce qui équivaut à deux mois de salaire supplémentaire pour le foyer médian de l'UE. Plus de 40 % déclarent que ce revenu supplémentaire les aide à faire face à l'augmentation du coût de la vie" souligne même Airbnb. C'est dire si la question de la location de "chambres privées" n'est pas anecdotique pour le champion mondial.
Encore plus de demande et pas assez d'offres
Le marché de la location de courte durée ne cesse, en effet, de bouger et de grossir. Selon les observations du spécialiste AirDNA, en ce début de printemps, l'offre serait même - pour la première fois de son histoire - inférieure à la demande ! Selon ce spécialiste, il faut donc que les plateformes "recrutent" de nouveaux (et nombreux) propriétaires pour faire face à cet afflux de demandes.
Autre phénomène : les prix des nuitées ont augmenté (y compris chez les particuliers) et, en dépit de cela, les durées de séjour augmentent pour cette belle saison (+71%) ! En 2023, ces séjours longs représenteraient déjà 20% des réservations, soit une croissance de 14% par rapport à la période pré-pandémique.
Selon le spécialiste KeyData, "à l'échelle mondiale, les tarifs journaliers moyens ont augmenté de 3,4% par an et le taux d'occupation de 17,6%, tandis que le revenu par chambre disponible est supérieur de 21,6% à l'année dernière". Pour continuer, par conséquent, à prospérer sur ce marché, Airbnb a donc intégré qu'il fallait aussi veiller à ce qu'il évolue selon les voeux de "contrôle" des autorités publiques.
Il faut dire que le marché potentiel est hallucinant: l'Europe recense 7 millions de locations de vacances de courte durée (3,7 millions en Amérique du Nord) et, sur ce nombre, seulement 6% sont répertoriées sur les trois principales agences de voyages en ligne (Booking, Expedia et Airbnb). Pour l'heure, seules 1% des locations de vacances sont présentes sur Booking et Vrbo (Abritel, en France). Avec la prise en compte d'une réglementation plus claire (et commune à toute l'Europe), ce marché devrait progressivement sortir du "souterrain" pour devenir une branche plus "officielle" du tourisme. Ce déferlement annoncé (même s'il comportera un lot d'abandon des propriétaires n'appréciant que peu les contraintes) doit inciter les hébergeurs "marchands" à muscler leur présence commerciale et digitale dans les meilleurs délais.