Airbnb collecterait 40% des taxes de séjour françaises ?
Selon les derniers chiffres communiqués par Airbnb, les taxes collectées "à la source" par la plateforme seraient en augmentation de 60% ! En y regardant de près, il semblerait même que Airbnb soit le plus gros collecteur de taxes de séjour parmi toutes les plateformes ... et les acteurs publics locaux.
Comme chaque année, la plateforme d'hébergements dits "alternatifs" communique sur ses bons résultats en matière de collecte (et de reversement) de la taxe de séjour. Pour 2022 (en fait pour la période octobre 2021-novembre 2022), le leader d'origine californienne déclare avoir versé 148 Millions d'euros à plus de 23000 communes fraçaises, soit près de tiers de celles qui composent l'hexagone.
À ce stade, il est important de souligner que le produit total de la taxe de séjour (derniers chiffres connus pour 2020) s'était élevé à 363,7 Millions d'euros (502 Millions en 2019). Vu que la croissance touristique n'a pas été des plus marquées en 2022, peu ou proue donc, on peut estimer qu'Airbnb collecterait au bas mot et à lui seul entre 30% et 40% des taxes de séjour collectées en France ...
Ce "poids" du leader californien dans ce total doit interroger à plus d'un titre :
- premièrement, il démontre le poids irréversiblement dominant des réservations en ligne et donc, l'intérêt pour l'État et les collectivités d'encourager ce phénomène pour mieux canaliser sa génération de taxes de séjour ...
- Deuxièmement, s'il est confirmé qu'Airbnb, a priori à lui seul, a bien "processé" 40% des taxes de séjour françaises, on peut s'interroger sur la tentation qu'auront très vite les législateurs à généraliser ce dispositif de "collecte à la source" aux autres acteurs (de types OTAs) pour simplifier (et amplifier !) la recette générée ... et, accessoirement, de s'interroger sur le rapport qualité-prix de leur système de collecte actuel,
- troisièmement, il permet de mesurer l'importance croissante d'Airbnb (et des hébergements alternatifs) dans les transactions en ligne (et les réservations, tout court) sur le plan national. En effet, en 2022, selon Airbnb, le total des taxes collectées par son système serait en augmentation de 60% ! Cela signifie-t-il que, toute proportion gardée, les hébergements alternatifs ont pris une ascendance irréversible sur le produit touristique intérieur ? Ou que, à volumes équivalents, la collecte a été plus précise ?...
Plus raisonnablement aussi, on peut penser que ces chiffres mettent particulièrement en lumière les volumes de taxes qui "passent à l'As" ... car ce chiffre est à la fois "énooooorme et éclairant" sur le potentiel des taxes à collecter dans tous les territoires et sur tous les types d'hébergements vendus lors des différentes saisons.
En réalité, la réponse est plutôt que Airbnb a été extraordinairement pro-actif dans la collecte de "nouvelles" offres d'hébergements, partout en France (et, quelquefois, avec le soutien des collectivités). Airbnb est allé "convertir" des loueurs déjà existants (présents sur des systèmes plus classiques d'annonces ou sur des sites concurrents comme Abritel) et les a fait "monter" sur ses listings; ce qui a eu pour effet d'augmenter considérablement la taille de son catalogue, le volume de ses réservations et donc, l'importance des taxes collectées (même si, sur ce point, de nombreux soucis persistent, voir plus loin). La plateforme californienne ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : après avoir largement ouvert ses listings aux hôtels, campings et maisons d'hôtes (donc, les "non-alternatifs), Airbnb va aussi stimuler la demande de loueurs "occasionnels" avec son programme "Start" (lire notre article); une stimulation qui sera aidée par l'inflation galopante qui pousse de plus en plus de propriétaires à franchir le pas pour générer un peu plus de revenus additionnels et faire face au surcoût de la vie ...
Toutes ces initiatives devraient donc déboucher sur une nouvelle année record de taxes de séjour en 2023 !
Villes et villages au diapason
Selon Airbnb, un tiers des taxes collectées en 2022 concernent des hébergements situés dans les communes de moins de 3500 habitants, tandis que les grandes villes (avec le retour des touristes internationaux, notamment) ont vu les compteurs exploser; à l'image de Paris, qui passe de 9,4 Millions € à 24,3 Millions € !
Dans les autres grandes villes, l'effet de ruisselement semble aussi jouer à plein: selon Airbnb, "Environ 30% des montants collectés à l’échelle des métropoles de Nice Côte d’Azur, de la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole, du Grand Annecy et de l’agglomération de La Rochelle ont été reversés aux communes voisines de Nice et de Marseille, Annecy et La Rochelle ...".
Et de préciser que : "La taxe de séjour reversée par Airbnb devient une source croissante de revenus pour les communes voisines bien desservies par les réseaux de transports, qui offrent des opportunités de séjours moins coûteux, au calme et permettant de rejoindre facilement le centre de l’agglomération". La campagne ... mais, à la ville, par conséquent ... comme à Varrains (Maine-et-Loire), Saint-Laurent-Sur-Saône (Ain), Cairon (Calvados), Mosnes (Indre-et-Loire) ou encore Bretteville Sur Ay (Marne) qui figurent dans le Top10 des communes rurales où la taxe de séjour a connu la plus forte progression de reversement par Airbnb.
Des progrès restent à faire
Disons-le clairement, la gestion de la taxe de séjour est un véritable casse-tête en France: chaque territoire fixe ses propres règles, ses propres dispenses à ces mêmes règles, ordonne différemment sa manière de collecter, son "timing", etc ... il est donc très difficile d'en optimiser la collecte (qui finit par coûter très cher si l'on y regarde de près).
La collecte "à la source" - imposée par l'État et qui se généralise partout en Europe - par les plateformes a clairement montré ses avantages. Dans cet environnement, de nombreux progrès restent à faire. Techniquement, par exemple aujourd'hui, les taxes collectées le sont avec un système un quelque peu "massif" puisque des taxes sont même collectées sur des voyageurs "enfants", en principe exonérés de taxes ... Les calculs sont également souvent faits "à la louche" compte tenu de l'imbroglio des taux et des assiettes votés d'une année sur l'autre par les collectivités. Pas étonnant, dès lors, que les plateformes aient du mal à restituer un produit fiscal exact au "centime près" ... Mais, il y a fort à parier que tout ira en s'améliorant; à commencer par le mode de taxation mis en place par les collectivités. En France, par exemple, 90% des taxes votées par les collectivités sont fixées non pas au forfait (un pourcentage du total du séjour payé), mais au "réel", avec des montants inférieurs à 2,30€ par nuit (et par adulte) pour la majorité des territoires; ce qui ne rend pas le calcul des plus aisés au plan national ...
L'objectif est clairement de parvenir à har-mo-niser ... Et pour cela, on peut penser que les données collectées par les plateformes au plan national et européen permettront de viser sérieusement cet objectif. Depuis la mise en place de cette collecte, et "conformément à la réglementation française, Airbnb a également partagé avec les municipalités des données détaillées sur les séjours effectués avec Airbnb depuis novembre 2021". Selon la plateforme, "ces données comprennent le nombre de voyageurs, les montants totaux pour chaque réservation et les adresses des annonces. Ces informations précises permettent aux communes d’analyser l’activité touristique générée par les hôtes Airbnb sur leur territoire afin de mieux informer leurs stratégies de développement touristique local". De sérieux stocks de données que les collectivités (et l'État) devraient pouvoir rapidement analyser pour élaborer un système fiscal plus harmonieux et, surtout, plus simple à collecter. C'est leur intérêt : selon des études convergentes, en effet, seulement 10% de la taxe de séjour réellement due serait collectée ... Au vu des chiffres 2020, cela représente un potentiel de 5 Milliards € versus les 500 Millions € actuellement collectés, toutes catégories et destinations confondues ...
Et Google dans tout cela ?
Par ailleurs, toujours selon la direction France, "Airbnb communique par ailleurs les revenus des hôtes à l’administration fiscale une fois par an depuis 2020" et ce, dans le cadre des obligations d'échanges de données mises au point par l'Europe pour l'ensemble de toutes les plateformes. Toutes ? Pas vraiment ... selon Airbnb !
Dans un récent échange de courriers avec la Commission européenne,Airbnb n'a pas hésité à montrer du doigt le géant de Mountain View, accusé d'échapper aux obligations de déclarations. Selon Airbnb, alors qu'il propose des dispositifs puissants comme Google Rentals (pour les locations de vacances) ou Google Hotels, Google ne serait pas du tout soumis à ces obligations de communication et de transparence ... Ce à quoi Google répond que, à la différence d'Airbnb et des autres OTAs, son système ne fait que mettre en relation ses utilisateurs avec les moteurs de réservations des hébergeurs via des plateformes comme elloha et que, par conséquent, Google ne se mêle ni de près ni de loin à cette relation; ce qui le dispenserait de communiquer quoi que ce soit. À suivre ...
L'année 2023 sera une particulièrement riche d'évènements sur le front de la réservation en ligne, en général, et des locations de vacances en particulier. Nul doute que les positions d'Airbnb seront suivies de près par de nombreux acteurs (gouvernements et concurrents) car la plateforme, en jouant massivement le jeu de la transparence, concourt efficacement à une mise au clair d'un marché qui, jusque là, échappait à tout contrôle et toute régulation...