Sobriété énergétique : qu'allez-vous devoir faire cet hiver ?
Le plan de marche vers une plus grande "sobriété énergétique" s'accélère ... Un peu comme pour le plan sanitaire de l'ère-covid, les hébergeurs touristiques sont appelés, dès cet hiver, à appliquer les bonnes pratiques et, pourquoi pas, à en faire un argument marketing différenciant ...
Là, ça ne plaisante plus ... après les derniers rebonds de chaleur qui touchent encore le sud de la France, nous serons tous rentrés dans le "dur" de cet hiver 2023 si particulier. Pour présever nos nerfs et notre santé mentale, nous passerons sur la "menace d'apocalypse nucléaire" dénoncée par Joe Biden lui-même ce weekend pour nous concentrer sur la menace immédiate : la facture d'énergie qui s'envole et les obligations de sobriété énergétique à adopter sans délai. Bonjour le programme !
Si, ces dernières semaines, les stations de ski ont brandi la menace (qui ne devrait pas se réaliser ...) de ne pas ouvrir leurs remontées mécaniques l'hiver prochain, en raison de factures d'énergie himalayesques, en Italie, déjà, un groupe hôtelier, a annoncé fermer ses portes pour cause d'électricité "trop salée". Le groupe Cairoli, un groupement de quatre hotels et de 275 salariés, vient d'annoncer leur fermeture et des licenciements massifs car ces derniers ne se voient pas faire face à l'augmentation de leur facture de gaz et d'électricité: par mois, selon le groupe, l'inflation représente un passage de 100.000 euros à 600.000 euros. Soit, un passage de 5% de leur part de chiffre d'affaires à 20% ! Du jamais vu ... surtout qu'il y aussi le personnel à payer, les commissions aux OTAs, les frais variables d'exploitation des établissements ... Donc, fermeture "jusqu'à nouvel ordre".
19 degrés, pas un de plus !
En France, les organisations professionnelles et le gouvernement ont annoncé, cette semaine, quelques pistes concrètes pour les professionnels du tourisme et les hébergeurs, en particulier.
Une température de 19 degrés dans les chambres, et de 17 degrés ailleurs, devra s'appliquer à tous les établissements. Bien sûr, les clients frileux (... ou sourds aux appels à la sobriété) pourront monter la température à un niveau supérieur une fois arrivés dans leur chambre. Mais, les hébergeurs devront multiplier les messages de prévention et d'encouragement à respecter la limite des 19 degrés. Mieux ! Ils devront revoir la présence de couvertures supplémentaires et de plaids pour convaincre les clients de dormir dans une chambre à moins de 20 degrés (ce qui, au demeurant a toujours été recommandé pour mieux dormir).
Cette semaine, de grands groupes comme IGH ou Accor ont annoncé la mise en place immédiate de telles mesures : il faut dire que le chauffage et la climatisation représentent, en moyenne, 30% des coûts d'énergie de leurs établissements ...
1 degré de moins pour l'eau chaude
Dans les autres espaces (cuisine, salle à manager, réserves, etc), la règle sera de veiller à ne pas dépasser 17 degrés et donc, au besoin, à prévoir des vêtements supplémentaires pour vous-même et vos collaborateurs (doudounes sans manches, sweats à vos couleurs ...) pour ne pas donner l'image d'un hébergement de l'ex-Allemagne de l'Est dans les années 60 ... Les concours d'inventivité sur "comment créer une ambiance chaleureuse à 17 degrés" risquent d'être légion ...
Côté piscines, la température de l'eau des bassins (intérieurs comme extérieurs) devra être abaissée de 1 degré et dans une limite de 33 degrés pour les bassins de soins dans les thalassos. Chez Accor, toutefois, 70 piscines extérieures seront carrémment fermées dès cette semaine, certainement jusqu'aux beaux jours ...
Autre source d'économie, les enseignes commerciales : celles des restaurants devront être éteintes a minima après le départ des derniers employés et, dans la mesure du possible après celui des derniers clients alors que, pour les hôtels et autres hébergements marchands, l'enseigne devra passer au noir de minuit à six heures du matin.
51.000 minibars débranchés
Autre source d'économie d'énergie: tous les appareils électriques qui fonctionnent ou sont en veille dans les chambres (un téléviseur en veille, par exemple, peut générer entre 1 et 3% de la consommation ...) ou encore les minibars. Chez Accor, pas de détail, 51.000 minibars seront débranchés dans les prochaines heures à l'exception de ceux, à la demande des clients, qui permettent par exemple de conserver des médicaments à une certaine température.
D'autres chasses aux dépenses sont mises en place partout dans le monde (où le froid et les factures salées menacent) comme la consommation des congélateurs et des machines à laver ...
Des draps changés "sur demande"
Dans cette chasse aux dépenses énergétiques, de gros consommateurs d'électricité sont scrutés de près dans les hébergements ... c'est aussi le cas des machines à laver qui sont voraces en la matière. Accor, de fait, a annoncé la mesure consistant à ne changer les draps des chambres que "sur demande" et non pas de les laver systématiquement à chaque "recouche". Cette mesure n'est, au fond, pas si extrême que cela : depuis plusieurs mois, en effet, de grands groupes hôteliers (notamment, américains) ont mis en place cette mesure sous le couvert d'une meilleure "durabilité" de leur empreinte environnementale ...
Même sort pour les congélateurs: l'idée de certains hôteliers est de limiter le recours (voire de supprimer quand c'est possible) les produits congelés pour consommer moins d'énergie à maintenir des températures "négatives". Certains hôteliers envisagent même d'acheter des congélateurs d'appoint pour n'y conserver que des volumes plus petits de produits incontournables comme les viennoiseries surgelées du petit-déjeuner, par exemple ...
Certes, la course aux économies d'énergie (et donc, d'argent) ne fait que commencer et elle va bien s'installer dans la durée ... cette période compliquée devrait donc faciliter la "jointure" avec une ère plus vertueuse en matière de comportements "environnementalistes": Accor, par exemple, envisage même de proposer, à terme, des tarifs meilleur marché aux clients qui viendraient dans ses hôtels au moyen de train plutôt que de voiture ou d'avion, qui accepteraient des pratiques régulières d'économie d'énergie et de réduction de l'empreinte carbone, etc ... autant de comportements bons pour la planète et bons, aussi, pour le portefeuille des propriétaires.
Des saunas et des hammans sur réservation
Autre mesure phare de ces plans de sobriété (en mode "urgence"): la fermeture des saunas et des hammans qui sont de gros consommateurs d'énergie. Dans de grandes chaînes, cette option n'est pourtant pas envisageable car ces services font partie à la fois de leur ADN et des attentes de leurs clients. C'est pour cela que ces équipements ne seront ouverts que sur certains créneaux et, pour éviter la cohue, seront uniquement accessibles que sur réservation ...
Créneaux, réservation préalable, mesures phares à partager avec les clients ... ces réflexes nous rappelent la traversée de la période covid où les plans sanitaires devaient être mis en branle sans délais et où chaque hébergeur devait aussi avoir le reflexe de les "positiver" pour enrichir sa communication du moment. C'est une nouvelle période compliquée qui s'ouvre à nous, mais une opportunité aussi de manifester la formidable résilience des entreprises du tourisme.
8 français sur 10 près à adopter les bons gestes
Dans la même veine, la semaine dernière, le groupe Maeva, a publié les résultats d'une enquête menée auprès de 1000 français entre le 20 et le 21 septembre de laquelle il ressort que 77% des personnes interrogées sont prêtes à être hébergées dans des lieux chauffés à 19 degrés maximum... Donc, pas de souci pour convertir vos clients de l'automne-hiver au "plaid-chocolat chaud-température tonique dans la chambre" ... Et comme le souligne l'étude BVA, pour cet hiver, les français privilégieront "une réduction de leur consommation d’énergie plutôt qu’un renoncement à leurs vacances de ski".
La position "durable" des français ne concerne pas que l'hiver puisque, selon cette étude, 68% des sondés déclarent être d'accord pour se passer complètement de climatisation l'été prochain, voire même à renoncer à visiter certains lieux pour mieux les préserver (84%) et, en attendant les beaux jours, 81% affirment être prêts à se baigner dans une piscine moins bien chauffée que d'habitude ...
Cette position vient, en tous les cas, conforter la tendance des français vers un tourisme "plus responsable" puisque 40% d'entre eux déclarent - toujours dans cette même enquête - être prêts à changer leurs projets de vacances pour 2023 suite aux évènements climatiques survenus cet été:
- 33% sont prêts à partir moins loin pour réduire leurs émissions carbone; ce qui est très bon, toujours, pour le tourisme "domestique",
- 54% cherchent des alternatives pour "limiter l’impact environnemental de leurs prochaines vacances" comme le fait d'utiliser un mode de transport moins polluant (19%) ou se rendre dans un hébergement éco-responsable (15%),
- pour d'autres, le changement de destination s'impose aussi pour éviter l'usage abusif de la climatisation (72%) comme se rendre l'été prochain à la montagne plutôt que dans les zones chaudes (37%), partir près d'un lac ou d'un point d'eau (26%) ou encore attendre de réserver à la dernière minute (26%) en fonction de la météo qu'il fera (et donc de la canicule) sur le lieu de vacances de première intention,
En tous les cas, si vous envisagez d'appliquer les bonnes mesures de sobriété énergétique cet hiver (comme la réduction de la température), n'oubliez pas que cette étude démontre que 70% des touristes, globalement, considèrent que la réduction de consommation d'énergie est bien le levier numéro 1 pour se prémunir de la pénurie de gaz ou d'électricité et pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique.
Vous devriez donc vous retrouver rapidement sur la même longueur d'ondes que vos clients (même si, dans votre cas et à court terme, l'impératif de la dépense inflationniste domine plus que leurs préoccupations environnementales). Face à ces situations, en effet, l'étude BVA-Maëva démontre que les français valident les options suivantes pour lutter contre la consommation d'énergie : en premier lieu, décréter la fermeture des piscines extérieures chauffées (40%), l’arrêt des canons à neige (22%) ou encore l’augmentation des offres privilégiant le train ou le bus pour se rendre sur les lieux de vacances; des résultats dont Accor semble s'être bien inspiré pour présenter ses mesures vertueuses cette semaine.
Attention, cependant, pour 41% des français, les conséquences financières de ces changements ne doivent pas se ressentir sur le prix de leurs vacances: pour eux, tous ces efforts vers une consommation moins forte d'énergie devrait (à terme) se traduire par des prix plus abordables compte tenu des économies réalisées. Cet argument, comme nous le soulignons, n'est pas "court terme" car, pour l'heure, si la vertu environnementale l'emporte de force, ce sera surtout pour limiter l'augmentation des factures (et donc, des prix) plus que pour baisser le prix des nuitées ...