L'Europe scanne les relations entre les hébergeurs et les OTAs

L'Europe scanne les relations entre les hébergeurs et les OTAs

La dernière (longue) étude menée pour le compte de l'Europe sur les relations entre hôteliers et OTAs vient de sortir. Elle démontre que sur cette (longue) période, de 2016 à 2021, le rapport de force entre les grandes plateformes et les hôteliers n'a pas considérablement évolué en cinq ans. D'un pays à l'autre (même si la France n'a pas fait partie de cette étude, mais semble a priori être dans la moyenne), la relation entre hôteliers (et maisons d'hôtes) et OTAs n'a pas connu de grands à-coups; réglementations locales spécifiques ou pas ... Mais les choses sont en train de changer en raison de l'arrivée de nouveaux "joueurs" comme Google et les changements d'usages des consommateurs ...

La direction générale de la concurrence de la Commission européenne voulait en avoir le coeur net : oui ou non, les relations entre hôteliers et OTAs méritaient-elles une attention, voire une réaction particulière de la part des régulateurs européens ? Les pratiques en place (et souvent dénoncées par les hébergeurs) d'un pays à l'autre illustraient-elles un déséquilibre patent entre "producteurs" et "distributeurs" qu'il était urgent de corriger ? Pour cela, l'Europe s'est donné un "temps long d'observation", soit 5 ans d'observation des relations (sur la période 2016 à 2021). Cette étude devait aussi faire la jointure avec la première étude du genre conduite avant 2016 et qui avait débouché sur l'accélération de lois nationales un peu plus coercitives; notamment sur les clauses dites de "parité tarifaire".

Si la France - exceptionnellement - n'a pas fait partie des pays étudiés, les conclusions de la "surveillance" (selon les conclusions des auteurs de l'étude) pourraient s'appliquer à notre pays tant les écarts de pratiques constatés d'un pays à l'autre (la Belgique en fait partie et ressemble comme deux gouttes d'eau à ce qui se passe chez nous ...) sont minimes.

Indépendants versus chaînes

L'étude met, toutefois, en lumière l'existence de différences importantes entre les hôtels indépendants et les chaînes hôtelières en ce qui concerne leur distribution en ligne: " Alors que les réservations directes (en ligne et hors ligne) représentent toujours la part la plus importante du chiffre d'affaires des hôtels indépendants (48%), les OTAs peuvent représenter jusqu'à un minimum de 44% des ventes. Chez Les micros et petits hôtels (mesurés par le nombre d'employés), cette part est encore plus importante que dans les hôtels de taille moyenne..." qui disposent souvent d'un "staff" plus épais en matière de distribution, yield ou revenue management...

Selon cette étude, donc, en Europe :

  • La majorité des hôtels indépendants (72%) utilise plus d'une OTA: Booking, Airbnb et Expedia arrivent dans le trio de tête,
  • Pour une grande majorité d'hôtels indépendants (80%), le fait d’utiliser des OTAs augmente sans aucun doute le volume total de leurs réservations,
  • 63% des hôtels indépendants considèrent même que l'utilisation des OTA augmente également le volume des réservations sur leurs canaux de vente directe, le "fameux effet Billboard" !

Du côté des hotels affiliés (ou succursales) d'une chaîne, il semblerait que (selon la chaîne) la part de dépendance aux OTAs soit plus réduite, soit 24%; même si, en France, ce taux est, pour le coup, largement supérieur.

Pour les chaînes, la part des OTAs "cannibaliserait (selon l'expression employée dans le rapport) leurs ventes globales ..."; un phénomène qui s'expliquerait plutôt par le "flou artistique" entretenu par certaines chaînes qui fusionnent les réservations qu'elles génèrent depuis leur centrale avec celles qu'elles négocient en direct avec les OTAs pour le compte de leurs adhérents ...

De 12 à plus de 20% de commission

Si les pays directement étudiés (Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Pologne et Suède) déclarent un taux moyen de commission payé aux OTAs de l'ordre de 12% sur la période observée, le reste de l'UE s'acquitterait plutôt d'un taux proche des 20%. Ce taux de 20% serait le niveau "commun" des hôteliers indépendants tandis que les chaînes, du fait de leurs négociations, revendiquerait un taux moyen légèrement plus bas. Mais comme le précise le rapport, "les taux de commission de base et effectifs des OTAs déclarés par les chaînes d'hôtels se sont avérés difficiles à comparer, en raison des différences dans les méthodes de
déclaration... L'étude a aussi montré qu'il est difficile de comparer les coûts des différents canaux de vente, notamment parce que chaque canal de vente n'a pas un élément de coût qui peut être directement attribué à chaque chambre vendue"
.

Durant cette même période (2016-2021), en Europe, 4 hôtels sur 10 (41%) affirmaient recourir aux services des métamoteurs et des comparateurs de prix comme Trivago ou TripAdvisor ou, depuis peu, Google Hotel Direct Link qui a pu attirer jusqu'à 59,8% des hôteliers en 2019 ! L'étude démontre même que "Google Hotel est devenu le métamoteur de recherche le plus utilisé par les hôtels, suivi par Tripadvisor, Trivago et Kayak..."

Toutefois, attention, ces métamoteurs étant accessible aux OTAs (qui en sont les propriétaires ...), bien souvent la course à la comparaison profite à l'OTA qui dispose de plus grandes facilités pour s'y afficher ... Sauf, si en hôtel indépendant malin et ambitieux, vous utilisez la facilité de elloha pour cela !

1 hôtel sur 2 joue le "meilleur prix"

Question parité tarifaire, selon l'observation (et selon les lois en vigueur dans les pays observés), plus de 50 % des hôtels indépendants pratiquent la différenciation des prix entre les canaux de vente. "La forme de différenciation des prix la plus fréquemment utilisée consiste à offrir des prix plus bas sur le site web de l’hôtel que sur les sites des OTAs pour 31% des hôtels). En ce qui concerne la différenciation des canaux de vente pour les types de chambres et la
disponibilité des chambres, seuls 38% des hôtels indépendants le font.
"

Là aussi, la raison semble être une "difficulté technique" à gérer cette différenciation facilement ... Cependant, comme le souligne l'étude, "les chaînes hôtelières ont déclaré qu'elles ne différencient généralement pas les prix ou la disponibilité des chambres qu'elles proposent entre les canaux de vente, bien que dans certains cas elles laissent une certaine marge de manœuvre à leurs hôtels membres à cet égard". La liberté des "indépendants" semble, de ce point de vue, un avantage concurrentiel incontestable selon l'étude ...

Autre point, la fi-dé-li-té ! Il ne fait aucun doute que c'est là plutôt l'apanage des hôtels de chaînes pour lesquels l'effet réseau (et donc la possibilité de cumuler plus facilement des points) joue à plein. Les chaînes d'hôtels ont déclaré à la Commission qu'elles offrent, en général, des réductions sur le prix des chambres de 5 % à 10 % aux clients qui adhèrent à ces programmes, et que
ces prix réduits sont généralement exclus du champ d'application des clauses de parité des OTAs. "Les chaînes hôtelières ont déclaré que la part des clients qui utilisent des programmes de fidélité a augmenté depuis 2017" et notent que, toutefois, les OTAs - aussi - proposent également aux clients fidèles des remises de plus en plus importante. La réponse du berger à la bergère certainement !

Si l'étude n'apprend rien de nouveau sur ces rapports que nous décryptons chaque semaine dans ce même blog, elle vient confirmer une tendance à la normalisation sur plusieurs fronts :

  • la distribution d'un hébergement sans recourrir aux OTAs est quasi-impossible de nos jours,
  • les relations contractuelles ou commerciales, après un temps de "normalisation", sont en train de changer de forme sous l'effet de deux tendances : les OTAs veulent aussi (et s'en donnent les moyens) fidéliser leurs propres "clients" et, secundo, Google et son service Hotel Direct commence à redistribuer les cartes dans la chaîne de valeur ...
  • Enfin, l'impact perturbateur de la pandémie de COVID-19 sur l'industrie hôtelière a mis en évidence que les hôtels et les OTAs ont connu une forte
    réduction des réservations brutes, des nuitées, des revenus totaux, du revenu net et des flux de trésorerie d'exploitation ... avec, dans le même temps et toujours en raison des conséquences du covid, "la demande accrue des voyageurs pour des options de réservation flexibles de la part des hôtels et des OTAs".

En conclusion, après des années de "normalisation", le covid a précipité l'arrivée d'un nouvel acteur appelé à bouleverser l'équilibre (Google) et a accentué des usages nouveaux de la part des voyageurs (plutôt Loisirs qu'Affaires) qui imposent aux hôteliers de s'adapter à la nouvelle donne ...

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