Ce qui a révolutionné l'hôtellerie française en 2021

Secouée par le Covid en 2020, l’hôtellerie française s’est requinquée en 2021, mais sa convalescence n’est pas homogène. Selon les destinations et les positionnements, il faudra attendre pour renouer avec les résultats de 2019, que certains ont déjà égalés et dépassés. Paris en dépression, la Bretagne et la Nouvelle Aquitaine en franche reprise… la carte du succès n’est pas monocolore.

Les chiffres définitifs de 2021 sont tombés le 14 janvier 2022 : en 2021, le taux d’occupation s’est élevé à 43,7% dans les hébergements français. Il s’agit-là d’une performance, car cette moyenne est supérieure de 11,2% au comptage valant pour la fin 2020, mais inférieure de 25,2 % par rapport à 2019 (Attention, n’imaginons pas que le niveau normal est à 100 %). En moyenne, en effet, le taux d'occupation de l'hôtelerier française flirte régulièrement avec les 62%.

Selon l'étude du spécialiste MKG, la situation de l’hôtellerie est extrêmement disparate : certains segments ou régions sont en dépression, tandis que les autres "pètent" la forme, littéralement ! Parmi les secteurs sinistrés figurent le haut de gamme et l’hôtellerie parisienne (qui sont parfois la même chose). La reprise est cruelle car elle n’est pas égale : il y a Jean qui rit et Jean qui pleure.

Les forts contrastes observés en 2020 se sont reproduits en 2021 : les hébergements classés "super économiques" ont connu un taux d’occupation (TO) de 50,4% (le meilleur de tous), mais le haut de gamme et le luxe, très dépendants de l’international, ont plafonné à 32,5 %.

Le point annuel de conjoncture présenté par le cabinet spécialisé MKG, d'où nous tirons ces premiers chiffres, souligne qu’après une année 2020 "sans précédent", 2021 a "marqué la lente remontée des performances hôtelières vers leurs niveaux d’avant-crise". L’entreprise d’analyses stratégiques relève que *"les dynamiques sont plus hétérogènes que jamais selon les territoires et périodes de l’année"*. Ainsi, les conséquences du couvre-feu et du confinement sont palpables, tandis que la saison estivale – qui empiète, dans le cas étudié, sur le début de l’automne – a été positive sauf pour les grandes agglomérations, principalement Paris.


© MKG / Les Échos 2022

Les lieux qui n’ont pas franchement souri en 2021 sont la région Toulousaine, la Côte d’Azur et Paris. La capitale affiche un taux d’occupation à 34,8%, inférieur de 45,5% à celui de 2019, faute de voyageurs étrangers, notamment (mais pas seulement) attendus dans les hôtels de luxe.

Si les régions ont mieux résisté, la Bretagne a remporté le pompon grâce au simple cocktail "tourisme domestique + proximité directe avec Paris + mer" (qui n’a pas réussi à la Provence). Le Côtes-d'Armor, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine et le Morbihan ont carrément bénéficié de la crise sanitaire, avec, fin 2021, une fréquentation à peine inférieure de 14,2% à celle de 2020.

Pourquoi (comment ?) la France a évité le plongeon de certains pays européens ?

Ce n’est pas une consolation pour les hébergeurs qui n’ont pas performé en 2021, mais c'est un motif de fierté globale… Exactement comme en 2020, l’Hexagone a mieux résisté à la tempête que ses voisins en matière de recette unitaire par chambre disponible (RevPAR).

Ce paramètre de référence accuse un recul de 43% par rapport à 2019 (il était de 61,2% en 2020). Paris a payé un lourd tribut, avec une contre-performance de 62,5 %, tandis que la Bretagne s’en tire bien plus que honorablement, avec un modeste 16,7 %. Ce même critère s’est élevé à 48 % au Royaume-Uni, 63 % en Allemagne, il a dépassé le seuil de 50 % en Espagne, Italie et Grèce, tout en plongeant à 72 % aux Pays-Bas.

On peut réellement parler d’une résilience bleu-blanc-rouge, due à une tradition vacancière nationale plus prononcée, des infrastructures de tourisme fortement présentes et adaptées aux tourisme "domestique". Ce "secteur" a été LE générateur de succès en été, hormis à Paris et dans les capitales régionales. MKG confirme que le tourisme d’affaires n’a pas été négligeable, non plus, notamment dans certaines branches comme le Bâtiment et les Travaux Publics (BTP) et chez les actifs indépendants. En revanche, le déficit de voyageurs étrangers (vacanciers et professionnels) s’est révélé particulièrement dommageable dans la catégorie très supérieure, venue de pays lointains.

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La crise ? Pas pour tout le monde.

La Nouvelle Aquitaine est la grande gagnante de l’année, selon les critères de Logis Hôtels, qui figurentn chez les hébergeurs, parmi les entreprises qui ne connaissent pas la crise. Ce groupement français d'hôteliers-restaurateurs indépendants (premier de France, et 2e réseau du pays après Accor) a limité les dégâts à 12,4% en 2021, en s’assurant 132,1 millions d'euros de chiffre d'affaires. Il fait partie des rares qui peuvent se vanter d’avoir rattrapé et dépassé leur niveau de 2019.

Selon sa centrale de réservations, son propre Top 3 est composé de la région Nouvelle-Aquitaine (avec une croissance de 17 % par rapport à 2019), suivie d’Auvergne-Rhône-Alpes (6 %) et de la région Occitanie (5 %). A l’inverse, le recul a représenté 35 % en Île-de-France).

Logis Hôtels a réussi son année 2 du Covid, marquée par l’attrait du tourisme vert. Tout comme les Gîtes de France, dans un autre registre ... et plus globalement, tous les hébergements situés "à la campagne". Après une année 2020 marquée par une reprise de 32,2%, ce réseau a réussi son redécollage en reformulant son marketing sur la base d’une identité qui brusquement colle davantage à l’époque : fondé sur des fondamentaux de proximité, de convivialité et d’absence de superflu.

Globalement, le succès sociétal et commercial de Logis Hôtels illustre celui, plus large, qui touche globalement tous les hébergements dont le format se résume à la "petite taille" et au non-standardisés.

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Des fonds de commerce qui gardent leur valeur

La lecture de cette sorte de bulletin de santé de l’hôtellerie française en 2021, en termes de fréquentation, n’est pas aisée pour les pouvoirs publics.

A quelques exceptions, l’absence d’homogénéité du parc hôtelier complique la gestion globale de la problématique, puisqu’il s’agit bien davantage de problématiques (au pluriel). Au-delà des analyses et de la prospective statistique nourrie de pourcentages et d’interprétations, il faut bien y voir, encore plus prosaïquement, un banal facteur de malchance : l'hôtellerie parisienne n’a pas réussi son année en raison de ce qu’elle est, tout comme les destinations aérées et côtières ont tiré leur épingle du jeu en raison de ce qu’elles sont.

Ce n’est qu’à la marge que les acteurs du tourisme ont pu redresser leurs chiffres, en attendant l’accomplissement d’une année 2022 promise à voir vraiment s’éloigner le Covid, qui reste, décidément, la source de tous les chiffres désobligeants.

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2021 a également vu une émergence "champignonesque" des concepts "Lifestyle" comme, ici, Les Piaules, les auberges de jeunesse des temps modernes.

Autre facteur objectif de cette situation inclinée vers une reprise (totale et prévue pour 2024), selon CBRE, "la valeur des actifs (c'est-à-dire, les murs et les fonds de commerce) ne s'est pas dégradée". Selon ces spécialistes de la transaction hôtelière, les seuls fonds de commerce hôteliers (70 % du marché versus les "murs") se vendent toujours 4,26 fois le chiffre d'affaires annuel tandis que les les murs et les fonds (en mode package) se sont négociés jusqu'à 10 fois la valeur du CA annuel, en 2021.

Autre phénomène de cette année 2021, avec le changement de mode de consommation des voyageurs enclenché avant la pandémie et renforcé durant ces deux dernières années, les spécialistes constatent que l'hôtellerie économique et milieu de gamme est celle qui a le plus évolué et s'est le plus remise en question.

Cette "nouvelle vague" identifiée sous la bannière Lifestyle a connun un essor inédit durant cette période, à l'image de chaînes comme Mama Shelter (depuis, intégralement rachetée par Accor) ou encore CitizenM, ou les parisiens et indépendants La Folie Douce, Les Piaules ou encore et les Hôtels Très Particulier.

Au plus mondial, selon la gérante du fonds hôtelier Keys: "Entre 2014 et 2019, le nombre de chambres a plus que doublé. Il est passé de 115.000 à 240.000 dans le monde et les prévisions 2023 tablent sur 480.000 chambres, soit huit fois plus qu'il y a onze ans". Le Lifestyle pourrait ainsi passer de 5% du CA des grands groupes hôteliers à près d'un quart d'ici à deux ans. Grosse tendance à suivre, par conséquent ...