La stratégie de Marriott pour développer les réservations directes !

La stratégie de Marriott pour développer les réservations directes !

Organiser un jeu, avec des repas à gagner pour ne pas se faire oublier… La formule instaurée par Marriott au pire de la crise du Covid est payante. Les clients sont là, les réservations directes pleuvent, grâce à un procédé alliant le plaisir du jeu, la stimulation de l’esprit et l’engagement. Cette stratégie de maintien du lien et de la promesse de voyage est applicable en France… surtout par les indépendants.

Marriott, la première chaîne mondiale d'hôtels n'a ménagé aucun effort depuis le début de la pandémie pour revoir de fond en comble sa stratégie commerciale avec un objectif #1 en ligne de mire : reprendre la main sur ses réservations ... directes. Pour le leader de l'industrie (et son rival, Hilton), l'enjeu est de taille: chaque pourcentage de réservation gagné sur les OTAs se traduit par des gains de plusieurs millions de dollars en fin d'année !

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La présidente du surpuissant groupe, Stephanie Linnartz, a même révèlé lors d'une rencontre à la New York University que: "Les réservations directes ont carrément "explosé" dans nos établissements !"

Pour atteindre ce résultat, Marriott a joué sur deux stratégies :

  • profiter de la mise en retrait des OTAs lors des premières vagues épidémiques pour reprendre un "discours" direct avec ses clients,
  • multiplier les initiatives marketing pour que ces efforts continuent de porter leurs effets bien après la fin (on l'espère, prochaine) de la pandémie ...
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Le marché du loisir désormais prioritaire

Sur le plan marketing, deux leviers essentiels :

  • "reprendre la parole" sous sa propre marque à l'occasion de nombreuses publicités télé et digitales sur le thème de "Venez chez nous en direct !" et, dans l'optique-covid, sur-communiquer sur les conditions extrêmement souples que le groupe a imposé à tous ses hôtels et qui a permis une reprise finalement plus rapide des réservations,
  • accentuer le rôle de son programme de fidélité appelé "Bonvoy" (157 Millions de membres) pour leur faire profiter d'avantages réguliers même si ces derniers, pour les raisons liées au covid, se tenaient (très) éloignés des hôtels durant cette période (voir plus loin).

Mais, pour Marriott, le jeu en vaut la chandelle : "Les voyages d'agrément (loisirs) sont quatre fois plus importants que les voyages d'affaires !" affirme Stéphanie Linnartz. Et pour la présidente du numéro 1 mondial, la famille, les couples, les "tribusé sont les cibles les plus évidentes pour orchester la reprise hôtelière !

Pour cela, le groupe a multiplié les initiatives, ces derniers mois, et certaines idées sont tout à fait adaptables à des réseaux bien plus petits que Marriott ou, carrémment, au niveau-même de l'hôtel pris isolément:

  • la stratégie de réservation directe est à la portée de tous à condition d'accomplir le BA-Ba selon les spécialistes de Marriott: Meilleur Prix Garanti sur le site de l'hôtel, flexibilité accrue des conditions de réservation en direct, promotions permanentes sur la Dernière Minute ou le Surclassement et, bien sûr, présence directe sur Google Hôtel Direct, pour moins dépendre des seuls OTAs.
  • En terme de fidélisation, si Bonvoy est un programme parfaitement rodé (comme Favorite Guest chez Accor ou le programme Hilton), le numéro 1 sait que sa puissance réside dans la capacité à y faire adhérer un maximum de porteurs de cartes et pas seulement des clients fréquents de ses hôtels ...

Pour preuve, alors que le covid frappait de plein fouet l'industrie hôtelière, Marriott n'a finalement déploré que 20% de pertes de revenus (par rapport à 2019) alors que son activité avait chuté du jour au lendemain de 90% avec 25% d'hôtels fermés !

Parmi les dispositifs ayant eu le plus de succès : la mise en place d’un jeu ! La patronne de la marque hôtelière mondiale rappelle que "Dès que la pandémie de Covid-19 s’est déclenchée, les stratèges de Marriott ont compris qu’il ne fallait surtout pas perdre contact avec les clients"... même si ces derniers ne comptaient revenir de sitôt à l'hôtel. Le plongeon a été vertigineux (voir plus haut), mais qu’importe... ou justement ! "Nous voulions nous assurer tout au long de la pandémie que nous restions en contact avec les gens, dans leur vie de tous les jours, avant qu'ils ne voyagent". Or, dans la mesure où l'on a inventé le télétravail mais pas encore le "téléséjour" (!) – à moins d'une invention Metavers, qui sait ? – , Marriot a vu tout de suite plus loin, en incitant les voyageurs "à gagner des points, utilisables dès leur retour sur la route", précise la présidente. Ainsi, Bonvoy pouvait continuer de gratifier ses clients (un peu par avance) même quand ces derniers dépensaient leur argent ailleurs que chez Marriott. Avec des points cumulés (et donc, des remises à la clé sur leurs prochains séjours), ces voyageurs allaient à coup sûr les employer, en priorité, chez Marriott dès la reprise des voyages ... et c'est bien ce qui est arrivé !

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Stephanie Linnartz, présidente de Marriott International © Marriott International

À l'échelle d'un établissement indépendant - qui ne possède donc pas de programme de fidélité - cette stratégie peut prendre une forme différente mais tout aussi efficace comme la vente (avec des remises hyper-attractives) de cartes-cadeaux (suite à des campagnes e-mailing ou via les réseaux sociaux). On vous l'assure, ça marche du tonnerre ! Et le principe est le même : en quelques sorte, mettre un pied dans la porte du client.

Des repas à gagner, en partenariats avec les restaurants

Pour réussir, une autre partie du plan de Marriott visant à conserver l’engagement des clients, le groupe a mis en jeu des repas à remporter dans 11 000 restaurants, spécifiquement indépendants==. Ces établissements ont été transformés en partenaires de la carte de fidélité, cumul de nouveaux points à l'appui. Si besoin, des intermédiaires (également devenus partenaires) assuraient aussi la livraison de déjeuners et de dîners dans les hôtels. Cette collaboration induit des tarifs préférentiels pour le groupe, qui s'assurait ainsi une part des dépenses alimentaires de ses clients.

Pour réussir, Marriott a même sollicité l’univers du jeu, en créant un procédé d’accumulation de points : so exciting ! Cette façon d’amuser les voyageurs en panne de voyages a tenu un rôle de stimulateur qui a de quoi faire des jaloux. Pour susciter vraiment l’attention, le groupe a donc associé les repas à de futurs séjours, comme une manière de remplir son planning de réservations.

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Une opération spéciale ne fait pas tout

A son échelle macro, Marriott a pu tabler sur les 157 millions de membres de son programme de fidélité "Bonvoy" pour s'assurer qu'il restait en contact avec eux, même s'ils ne voyageaient pas.

Tout est là : rester "scotché" chez soi, dans sa ville ou dans sa région, en raison d’un virus, n’empêche pas de se projeter. Cela peut même développer une usine personnelle à phantasmes ! Pour le groupe, qui gère 30 enseignes et 8 000 hôtels dans 140 pays différents, le défi était de ne pas perdre de vue ses clients et se rappeler à leur bon souvenir.

Ce pari sur le réseau préexistant, et l’envie de repartir, fondent le succès de cette opération. Le jeu avec les clients est une recette qui marche, mais il doit être accompagné : une fois que la mobilité a été retrouvée, Marriott a proposé des promotions pour accueillir les clients dans ses hôtels. Les protocoles de propreté impeccables et fortement communiqués ont renforcé le sentiment de sécurité des clients. Marriott a notamment investi dans une appli assurant le check-in, le check-out et les commandes de repas. "Garantir l'accès des clients à toutes les commodités de nos hôtels, pour qu'ils puissent vraiment profiter de leur séjour, est une priorité. Le digital est un levier essentiel pour offrir ces expériences aux clients", déclare Stéphanie Linnartz.

Ces derniers jours, Marriott et Allianz ont même annoncé le lancement d'une assurance-annulation d'un nouveau genre qui peut "couvrir toutes les personnes séjournant dans la ou les chambres, y compris les amis ou la famille, et peuvent rembourser les dépenses prépayées et non remboursables telles que les billets d'avion, les dépenses engagées pendant les retards de voyage couverts, et les urgences médicales ...". Une façon de conforter le dispositif de réassurance et de felxibilité qui est la marotte de Marriott pour conserver son leadership.

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Pas de copié-collé en France, mais une adaptation

Si les moyens de Marriott sont incomparables avec ceux dont dispose un hébergeur français (en pariculier, un indépendant), l’approche est judicieusement réplicable.

Le concept du repas à remporter à condition de répondre correctement à un quizz ou à un jeu de piste virtuel est à explorer. Les partenariats avec les bonnes tables d’un quartier ou d’une vallée, même distantes de 20 ou 30 mn d’un hébergement, ne sont pas sorciers à créer, pour peu que le restaurateur y perçoive un intérêt en matière de notoriété. Le partenariat peut tout aussi être noué avec tout artisan ou prestataire de services : fabricant de bijoux locaux, objets, soins, esthétique, coiffure, sorties en quad, équitation, canyoning etc.

==Enfin, ne l'oubliez pas, la carte-cadeau (payant tout ou partie du séjour chez vous de la personne à qui elle est offerte) reste, de loin, l'outil marketing le plus efficace pendant ces périodes compliquées.

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La clé: continuer d'exister et de garder le contact

Les crises sont toujours une occasion de se remettre en question et même d’avancer plus vite, en testant des formules.

Cette opération "repas + séjours", née du Covid, même si elle peut sembler anecdotique, illustre une stratégie plus profonde : dans ces périodes troublées, ne lâchez rien, gardez le contact avec vos (futurs) clients et entretenez l'envie de venir chez vous en offrant, si possible, un coup de pouce (cartes-cadeaux, remises, surclassement ...) juste pour forcer le destin ...

L'expérience marketing de Marriott est parfaitement valable en dehors du contexte de crise sanitaire==. Elle repose sur le maintien du contact avec les clients, sous le prétexte d’un jeu, qui est toujours une formidable occasion d'achats... sans oublier le bonus, pour les hôtels, de transformer la participation au jeu en réservations effectives.

Le résultat se porte aussi sur le moyen terme : "Nous pouvons le voir dans nos chiffres, nos réservations de groupes et de réunions pour 2022, 2023, 2024 sont très, très fortes", assure la présidente de Marriott.

Non contente de son solide rebond pendant la pandémie, pour enfoncer le clou, la chaîne hôtelière en profite pour gagner encore du temps en R&D. Au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas, du 5 au 8 janvier, elle a lancé le Marriott Design Lab, un laboratoire qui va façonner l'avenir de ses hôtels, en mixant des valeurs de priorité à l'humain, d’adaptation aux changements, et d’environnement. Ne pas se reposer sur ses lauriers fait définitivement partie de l'ADN des pros qui veulent durer dans le temps !

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