Booking veut certifier les hébergements "durables"

Booking veut certifier les hébergements "durables"

Booking vient de lancer le badge "Travel sustainable" qui distingue les hébergements respectant 29 critères de développement durable. L'ambition de Booking est d'imposer un standard mondial, qui ne manquera pas d'être copié par ses concurrents, d’autant plus que Google s’y intéresse aussi. Cette importante certification ne se résume pas à un logo, elle représente une démarche globale et de long terme, extrêmement valorisante pour les hébergements... Afficher sa "verdure" deviendra un "Must Have" en 2022 sous l'impulsion du champion mondial des réservations ...

On n'entend plus parler que de "tourisme durable" ! Le sujet est devenu le thème préféré des colloques et des séminaires (locaux ou internationaux) liés au tourisme. Si le thème n'est pas nouveau (de nombreux pionniers planchent sur le sujet depuis plus de 15 ans), il est devenu la coqueluche d'une armée spontanée d'apôtres du "tourisme vert" ... et un sujet tactique de positionnement pour les plus grands opérateurs de la planète, Booking en tête.

Au point que certains vont même jusqu'à dire "qu'il y a un avant et un après 15 novembre 2021 dans l’affichage du "vert" dans l’industrie hôtelière". Et ce, depuis qu'à cette date, Booking a lancé son badge "Établissement Voyage Durable", appelé "Travel Sustainable" en version originale.

Si, pour certains, il s'agit là d'un nouveau "gadget marketing", le positionnement récent de Booking sur le sujet en démontre l'intérêt stratégique: il ne fait pas de doutes, en effet, que pour le premier vendeur de voyages au monde, le business de demain se fera dans des lieux reconnus pour leur contribution volontaire au respect de l'environnement en général et de leur milieu immédiat, en particulier.


Pour Booking, l'occasion est idéale pour montrer tout le savoir-faire de ses partenaires hébergeurs engagés en faveur de meilleures pratiques environnementales

Face aux labels et certifications locales et nationales (pour la grande majorité, en perte de vitesse), Booking veut imposer un label mondial avec lequel ce dernier compte bien donner plus de lustre à ces adresses et s'imposer face à ses concurrents.

Selon Booking, "l'éligibilité au badge dépend des pratiques suivies par la propriété et elle est évaluée par un modèle de critères qui a été vérifié par des experts indépendants en matière de développement durable". Et de dédier une page spéciale de ses sites pros, destinée aux propriétaires-candidats-au-label pour mesurer les écarts à combler en vue d'obtenir le fameux label.

L’arrivée de cette certification est importante, car elle signifie que le domaine du développement durable est devenu sexy et bankable. Après avoir endossé une image contraignante, militante et gendarmée, le voilà libéré.

La visibilité qui est désormais donnée à cette tendance à la reconnaissance des bonnes pratiques environnementales est d'autant plus importante qu'elle émane de Booking, un des trois sites de voyages les plus visités quotidiennement dans le monde ...

L’éco-responsabilité, les contraintes bio, l’empreinte carbone… toutes ces notions restent d’actualité, et l'ambition de Booking semble aussi de vouloir les rendre plus sympathiques en ôtant leurs liens avec l’écologie punitive.

"Construire une industrie du voyage vraiment durable demandera du temps, de la coordination et des efforts concertés, mais des progrès sont possibles grâce à l'innovation continue, au soutien des partenaires et à la collaboration de l'industrie", déclare Marianne Gybels, directrice de la durabilité chez Booking.com. Celle-ci insiste sur le caractère universel de cette avancée, qu’elle souhaite mettre à la disposition du voyageur, "peu importe où il veut aller". Le roi des OTAs cite un appartement à Amsterdam, une famille d'accueil en Inde et un complexe le long de la Gold Coast en Australie.

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Avec l'affichage généralisé du label sur les adresses déjà référencées, l’objectif visé par le géant de la distribution est aussi d’inciter les hébergements à prendre le train en marche, vers une planète plus responsable.

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Ce n’est pas un catalogue de mesure, c’est un calcul global

Le sujet peut devenir tellement complexe et sujet à polémiques que, pour Booking, pas question d’appliquer un moule identique à chaque hébergement, chaque région ou chaque pays: le standard mondial ambitionné par Booking repose sur un instrument de mesure qui tient compte des enjeux locaux.

Cette approche est donc universelle dans le sens où elle s’adapte à chaque lieu. Par exemple, les mesures de réduction de l'eau dans une zone sujette à la sécheresse, ou l'approvisionnement en énergies renouvelables dans un pays où elles ne sont pas encore largement disponibles, sont considérées comme ayant plus d'impact. La méthode n’est donc pas une addition de pratiques, dont le score final permettrait de décrocher le badge.

Le calcul général tient compte de l'impact environnemental et social des pratiques, des efforts de durabilité, de l'emplacement de l’hébergement et de sa taille. Chaque calcul individuel est modéré selon les facteurs locaux, pour créer un score global réaliste.

Les hébergements qui atteignent le seuil d'impact requis reçoivent la première version du badge, même ceux qui sont titulaires de labels existants (Label écologique de l’Union européenne, label validé par le Global Sustainable Tourism Council (GSTC), Green Tourism etc).

Pour qui et pour quoi ?

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Ce premier badge de voyage introduit parmi les OTAs s’adresse à toutes sortes d’hébergements : chambres d'hôtes, appartements, maisons de vacances, hôtels, centres de villégiature, insérées dans un écosystème global.

La pertinence et la crédibilité de leurs engagements et de leurs pratiques sont répertoriées, contrôlées avant l’obtention de ce label Travel Sustainable. Malena Gufflet, DG de Booking en France, promet aux clients de pouvoir faire "un choix plus éclairé (...) quelle que soit leur destination". Booking veut aussi "accélérer le parcours vers la durabilité" de l’industrie hôtelière mondiale.

Reste à savoir, pour le futur, comment ce label (et ceux qui l'ont obtenu) sera actualisé pour rester crédible.

Oui, ça compte de plus en plus pour les voyageurs

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Le calcul de Booking est simple:estampiller son établissement en "Voyage Durable" s’imposera de plus en plus. Certains clients seront même prêts à payer plus cher leur séjour dans des établissements "bons élèves". Une bascule sociologique et économique s’est donc produite, car, si le leader de la distribution s'y met, c'est qu'il se passe vraiment quelque chose de profond dans les attentes des consommateurs en général et des voyageurs en particulier.

De toute évidence, la poussée de la demande est devenue tellement forte que les opportunités de business sont maintenant confirmées dans le domaine durable. Avec cette labellisation, incluse dans son programme "Pioneering Travel Sustainable", Booking ambitionne de devenir "leader du secteur en présentant une plus grande variété de séjours durables", précise son communiqué du 15 novembre.

Les 29 points pour obtenir le badge

Booking affirme que son indicateur d’identification et de classement des séjours responsables est un outil "fiable, transparent, crédible et facile". Le cabinet de conseil spécialisé Sustainalize (Pays-Bas), spécialisé dans le développement durable, lui a prêté main forte pour affiner sa méthodologie de sélection.

La plateforme vise les hébergements dont les pratiques "répondent au seuil d'impact requis pour leur destination" et confirme donc pouvoir s'adapter au contexte local. Les bonnes pratiques environnementales et sociales s’ajoutent à l’emplacement et la taille des établissements.

Economies d’eau

  • L’hébergement utilise uniquement des toilettes économes en eau (par exemple, des toilettes à faible débit et/ou à double chasse)
  • L’hébergement n'utilise que des douches économes en eau (douches intelligentes, pommes de douche à faible débit)
  • Les clients ont la possibilité de réutiliser les serviettes
  • Les clients peuvent choisir ou pas le service de nettoyage quotidien

Réduction des déchets

  • L’hébergement a mis en place une politique de gaspillage alimentaire qui comprend l'éducation et la prévention du gaspillage alimentaire, la réduction, le recyclage et l'élimination
  • Des bacs de recyclage sont à la disposition des clients et les déchets sont recyclés

Protection de la nature

  • Un choix de menus végétariens est proposé
  • Les animaux sauvages (non domestiqués) ne sont pas en captivité, ou consommés ou vendus dans le périmètre de l'hébergement
  • Des espaces verts tels que des jardins sur les toits sont présents
  • Au moins 80% de la nourriture fournie par l'hébergement est bio
  • L’hébergement n’utilise pas de plastique à usage unique
  • Les pailles en plastique à usage unique ne sont pas proposées
  • Les agitateurs en plastique à usage unique ne sont pas proposés
  • Les couverts et la vaisselle en plastique à usage unique ne sont pas proposés
  • Les bouteilles d'eau en plastique à usage unique ne sont pas offertes
  • Les bouteilles de soda en plastique à usage unique ne sont pas proposées
  • Les gobelets en plastique à usage unique ne sont pas offerts
  • Les flacons de shampoing, produits revitalisant et gel douche en plastique à usage unique sont remplacés par un distributeur en vrac.

Réduction de l'énergie et des gaz à effet de serre

  • Toutes les fenêtres sont à double vitrage
  • Au moins 80% de la nourriture provient de la région
  • Au moins 80 % de l'éclairage de L'hébergement utilise des ampoules LED écoénergétiques
  • Les chambres disposent d'interrupteurs à économie d'énergie (par exemple : électricité contrôlée par carte-clé)
  • L’hébergement est alimenté à 100% par de l’énergie renouvelable
  • L'hébergement compense au moins 10 % des émissions annuelles totales de carbone en achetant des compensations de carbone certifiées
  • Une carte-clé ou de l'électricité à commande de mouvement est prévue pour les clients

Soutien à la communauté locale

  • L'établissement propose des visites et des activités organisées par des guides locaux et des entreprises locales
  • L'hébergement réinvestit un pourcentage de ses revenus dans des projets communautaires ou de développement durable
  • L'établissement fournit aux clients des informations sur les écosystèmes, le patrimoine et la culture locaux
  • Les artistes locaux se voient offrir une plateforme pour présenter leurs talents
Photo by Boxed Water Is Better / Unsplash

Bientôt, un filtre "Travel Sustainable"

Au cours de cette première phase de lancement, le badge Travel Sustainable est visible par les voyageurs sur les pages des hébergements de l'appli et du site Booking.com dans le monde entier.

L'icône "Travel Sustainable" apparaît aussi sur les annonces de logements de vacances dédiés. Dans quelques semaines, un filtre "Travel Sustainable" permettra aux voyageurs d’identifier des options plus durables dès le début de leur recherche.

Cette sélectivité augmentée, parmi les plus de 28 millions d'annonces sur Booking, va certainement inviter les propriétaires à s’aligner, car l’enjeu est fort. Ceux qui n’auront pas été validés risqueront tout simplement de perdre des clients parmi les plus sensibles à la durabilité.


Une partie des initiatives inspirée par le Prince Harry

Ça va évoluer car Google va s’y mettre

Booking espère faire école, jusqu’à imposer un standard : cette "mesure universelle et transparente pour l'information sur l'hébergement durable, dans l'ensemble du secteur", s'appuie sur un ensemble d’exigences validé par le Travalyst Independent Advisory Group (ONG fondée à Londres par Booking, TripAdvisor et Visa en 2019, sur l’initiative du prince Harry).

Cette première version du badge va donc évoluer, sa liste de pratiques de durabilité mesurables sera élargir dans les prochains mois pour devenir "de plus en plus pertinentes localement". Au-delà, le but est de généraliser aux partenaires Travalyst, afin d’atteindre un niveau de cohérence important.

L’arrivée de Google parmi ce groupe, en septembre, est déterminante.
L'idée d'un standard mondial se traduit déjà par une bataille entre concurrents : Expedia vient de lancer son “UNESCO sustainability badge”, qui apparaît comme moins incisif. Pour le tourisme durable, "l’industrie va devoir trouver un standard", affirme Ariane Gorin, la présidente d’Expedia For Business (division B to B de cet OTA).

Mais visiblement, le standard défini par Booking s’accompagne d’une force de communication supérieure, accompagnées par des partenaires qui détiennent le pouvoir du web. Son application massive semble incontournable sur du moyen terme, en remplacement d'une autorité régulatrice mondiale qui n'existe pas.

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