Le covid aura boosté les réservations directes

La crise n'est pas encore terminée mais, parmi les nombreux changements entrainés par le covid et ses conséquences au jour le jour, dans l'univers du voyage, son effet le plus "bénéfique" sera d'avoir dopé les réservations directes à plus de 35 % du total. Qu'il s'agisse, pour les voyageurs, des craintes tenaces qui les poussent à vérifier par eux-mêmes si tout est "OK" dans les hébergements, de l'importance de pouvoir réserver sans intermédiaire pour se garantir les meilleures conditions d'annulation ou encore, de l'affaiblissement momentané des OTAs durant cette période compliquée, jamais comme auparavant la "guerre de la réservation directe" n'a été aussi à l'avantage des producteurs, eux-mêmes, du tourisme et de loisirs ...

On le sait, la "guerre de la réservation directe" n'est pas un luxe: plus de réservations directes, c'est plus de marge et de profits, en fin d'année, entre les mains des producteurs et une meilleure captation de la valeur ajoutée sur une destination tout entière. Selon Cendyn (un des plus gros analystes de données hôtelières), en février dernier, la proportion mondiale de réservations directes était de 35%, une performance qui affirme un "nouveau monde de la réservation directe", observait Grace Azcarate, responsable marketing et génération de leads. Ce taux vous semble bas ? Il faut dire que, dans certains pays, il y a belle lurette que les hôteliers ont abandonné, sans vraiment s'en rendre compte, tous leurs intérêts aux OTAs et certains, n'ont pas vu la part de leur réservations directes progresser au-delà de 20% ... c''est dire si le taux de 35% (une moyenne mondiale) représente quelque chose d'important !

En France et en Europe, le taux moyen oscille aux alentours de 40%; ce qui n'est pas une performance en soi puisque, sur le vieux continent, l'avènement du e-tourisme y est plus récente qu'aux US ou en Asie, par exemple. 40%, c'est donc "haut", mais cela démontre que les hôteliers ont perdu plus rapidement leur souveraineté que leurs confrères outre Atlantique ou asiatiques ...

Pour les différents analystes qui observent ce "retour à la normale", il semble que ce dernier l'ait été à la faveur de nombreux consommateurs qui ont "perdu confiance dans les OTAs" pendant la pandémie, frustrés par les conditions d'annulation rigides, affirme cette spécialiste US. L'an dernier, en effet, l'épisode des annulations intempestives (et des remboursements à géométrie variable) avaient carrémment secoué la (très bonne) réputation d'Expedia, qui domine le marché américain, au coude-à-coude avec Priceline-Booking.

Là-bas, pour les voyageurs, réserver un hôtel passait systématiquement par un de ces champions de la distribution ou via le site d'une chaîne hôtelière; là où la proportion d'hôtels indépendants y est inversement importante à celle que nous avons en France et en Europe. La distribution "intermédiée" y est donc logiquement plus importante que chez nous.

C’est, en effet, au cours des années 2010 que les OTAs ont consacré leur hégémonie dans la réservation, en fondant leur succès sur une comparaison de prix, souple et efficace, à une époque où les hébergeurs manquaient d'expertise digitale.

Le basculement de cette tendance vers une plus grande part de réservation directe est donc énorme au niveau mondial. Il faut dire que le Covid a obligé les OTAs à réduire considérablement les budgets marketing colossaux qui leur avaient permis de dominer l’industrie touristique. Avant la crise sanitaire, en 2019, Expedia et Booking absorbaient 42% des parts de marché sur l'ensemble des visites reçues par les sites hôteliers en France, selon SimilarWeb et dépensaient plus de 8 Milliards $ d'achats de mots clés sur Google !

Merci le Covid et son influence durable !

Sans provocation gratuite, par simple évocation de faits, on ne peut pas nier le rôle "positif" du virus. Depuis que les clients ont eu besoin d’apprivoiser cette maladie inconnue, la sécurité est devenue capitale. Ils ont donc consulté la source d'origine, c’est-à-dire les sites Internet des hébergeurs, pour obtenir des garanties sanitaires, car les OTAs ne disposaient pas forcément des informations détaillées et d'un service client personnalisé, comportant notamment des plans d'annulation flexibles négociés directement. La réservation directe est aussi avantagée par le boom du tourisme de proximité, avec des voyageurs qui parlent la langue et connaissent la région (passer par Booking pour séjourner dans un établissement que l’on connaît ou qui se situe à moins de trois heures de chez soi est absurde et incongru). Sans compter que, pendant ce temps, de nombreux professionnels ont aussi appris à faire leurs gammes sur le plan de la distribution digitale, des réseaux sociaux, du revenue management, de la multi-distribution ... y compris, en utilisant des plateformes comme elloha !

Le besoin d’être rassurés favorise la résa directe, et ça va durer

Selon les divers analystes, le sentiment d’un besoin de protection est à l’origine de ce succès grandissant de la réservation directe. La sécurité et la tranquillité sont la condition n°1 dans le cadre d’un voyage, selon le récent rapport "The Journey Reshaped" du centre de ressources Think With Google.

Oui mais... Cette préoccupation, qui profite à la réservation directe, est-elle éphémère ? Si l’inquiétude persiste après le Covid, comme un réflexe acquis par l’expérience, les résultats seront garantis (ou en tout cas aidés) par ce sentiment de crainte, accompagné de comportements de vérification par soi-même, un peu comme un produit alimentaire que l’on goûte soi-même avant achat, pour vérifier sa qualité.

"Les clients cherchent toujours à être rassurés et protégés", assure Google à propos des nouveaux comportements des clients. Donner des garanties fait (et fera) partie du pack ordinaire des hébergeurs, après le Covid. Évidemment, il n’est pas question de jouer sur la peur, mais de considérer que le sentiment de prudence va persister. Tout porte à croire que le Covid-19 va laisser des traces dans les comportements, qui vont entrer dans l’ADN de la consommation hôtelière.

Non seulement il existe un désir de protection, mais en plus il progresse de 22 % entre le Covid et le post-Covid. Cette hausse importante du "Oui" va donc continuer de profiter à la réservation directe.

...En attendant un nouvel assaut des OTAs

Entre cette redistribution des cartes qui encourage les voyageurs à se renseigner et à réserver "à la source" et la "maturation digitale" des pros du tourisme, le match "hôteliers vs. OTAs" semble se dérouler avec un avantage certain pour les premiers qui, pour certains, rêvent même à renverser la tendance (du moins, au niveau de leur hôtel).

Si les grandes chaînes (Marriott, Hilton, Accor ...) ont engagé ce challenge avec une immense motivation, elles n'ont pas tardé à être suivie par les hôteliers indépendants les plus intrépides.

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Depuis le début de la pandémie, de nombreux hôteliers ont amélioré leur arsenal digital pour soutenir leurs stratégies de réservation directe et profiter du "coup de mou" des OTAs. Beaucoup ont rattrapé leur retard, certains ont pris carrément un temps d’avance. Ce rattrapage face aux mastodontes de la réservation est salutaire pour produire un mix de distribution plus favorable aux hébergeurs.

Cependant, il s'agit d’un acquis précaire, car "les OTAs ne manqueront pas de consacrer des sommes d'argent record pour récupérer leur activité", envisage Grace Azcarate. En attendant le passage à l’action des géants, c’est en consolidant la situation que les indépendants (et les grands groupes) peuvent profiter de ce moment important pour l'industrie, probablement décisif pour le reste de la décennie et même déterminer les tendances de la prochaine, prédit Grace Azcarate.

La résa directe à 48% dans le Sud de l’Europe

Selon le "BenchDirect Insights”, dévoilé le 13 août, une autre étude mondiale de The Hotels Network sur le canal direct hôtelier, même tendance de signes positifs de reprise du secteur au deuxième trimestre 2021 par rapport au premier... et toujours, une belle dynamique sur le canal "direct".

On constate des opportunités d'améliorer les réservations directes, car les taux de conversion depuis les sites web ont globalement augmenté, surtout aux US et en Asie du Sud-Est. En décomposant l'entonnoir de réservation, au deuxième trimestre, l'Amérique du Nord avait le taux de conversion de visiteurs en moteur de réservation le plus élevé (55,6 %), contre 48,4 en Europe du Sud (qui inclut la France). Le trafic sur les sites web des hôtels a augmenté au 2e trimestre, mais environ 97% des visiteurs ont quitté ces sites sans réservation : les hôtels ont une "énorme opportunité d'augmenter leurs réservations directes", affirme The Hotels Network.


© The Hotels Network

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Rendre la résa directe plus sexy

A vrai dire, la progression de la réservation directe s’est faite un peu toute seule pour certains hôteliers, car la conjoncture est favorable. Pour maximiser cette tendance, les hébergeurs qui souhaitent donner les bonnes raisons de réserver directement chez eux disposent de l‘argument, classique et efficace, des avantages, remises, tarifs spéciaux et programmes de fidélité. Ils peuvent annoncer une "garantie du meilleur tarif", ce qui signifie, par défaut, que les OTAs sont plus chers ... ou au même prix mais avec des garanties liées à l'annulation moins avantageuses, par exemple (ce qui n'est pas toujours le cas, tout de même ...). Il leur est aussi possible de créer des offres exclusives uniquement disponibles sur leur site.


La pêche miraculeuse, Pierre Paul Rubens

Le meilleur taux sur la métarecherche peut tripler les réservations

Cette situation, selon certains spécalistes, tiendrait même de la pêche miraculeuse ! "Avoir le meilleur tarif disponible sur votre canal direct pourrait tripler le taux de conversion de votre moteur de réservation. En d'autres termes, cela peut tripler vos chances de convertir les visiteurs en clients". Des dizaines de milliers de recherches effectuées entre juillet et août sur la métarecherche des hôtels fondent cette équation presque magique. "Savez-vous combien de réservations directes vous manquez actuellement en laissant les OTAs battre votre prix sur metasearch ? Avec la croissance rapide des méta-recherches entraînée par Google Travel ces dernières années, c'est désormais le principal champ de bataille de la parité des prix où les hôtels doivent gagner. Vous n'avez que quelques secondes pour attirer l'attention de votre client potentiel", lance l’auteur.

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Afficher le bon prix sur la métarecherche est essentiel, c’est une tâche quasi-quotidienne, sur le mode des enchères. "Lorsqu'un hôtel a le meilleur prix dans l'enchère de métarecherche, son taux de clics est de 265 % supérieur à celui des hôtels sous-cotés par les OTAs. Lorsqu'un visiteur arrive sur votre moteur de réservation, il est 123% plus susceptible de se convertir si vous avez obtenu le meilleur taux de l'enchère".

En conclusion :

Que l'on parle de match, de bataille ou de combat, la concurrence complémentaire entre vente directe et OTAs reste un subtil équilibre entre partenaires qui se respectent. La manche remportée cette année par les hébergeurs indépendants par rapport aux OTAs est une victoire fragile, car les unités de R&D des plateformes planétaires préparent un arsenal probablement redoutable. Ce ne sera pas la première fois qu'elles mettent en oeuvre une offensive, qui pourrait bien modifier leur modèle économique, une nouvelle fois. Les hébergeurs n'ont pas le pouvoir de rendre irréversible leur succès actuel, mais ils peuvent profiter de l'actuelle fenêtre de tir en maximisant leurs taux de conversion, pour conquérir et fidéliser des clients dont la sécurité et le calme sont deux valeurs majeures.