Plaidoyer pour une plage "fainéante"

Plaidoyer pour une plage "fainéante"

On le sait tous, la saison d'été ne saura sauver ce qu'elle peut que si les plages sont ouvertes ... et pourtant, à 6 semaines du lancement estival, règnent encore de nombreuses inconnues sur la façon dont les plages seront ouvertes, partiellement ouvertes, actives ou "fainéantes". C'est dans ce contexte, qu'avec mon équipe, nous avons formulé la proposition dont les medias se sont faits l'écho ces derniers jours: réserver sa "plage-horaire" pour être certain d'avoir une place dans un périmètre sécure où l'on peut (vraiment) faire ce que l'on veut. Voici ce qui a nourri notre réflexion ... et notre action.

Par Bruno DELMAS, fondateur de elloha

On aime la plage "libre" mais personne n'y croit plus trop !

Avant toute chose, rappelons qu'en bons méditerranéens, mon équipe et moi-même sommes des amoureux de la mer, de la plage et cela, toute l'année. Nous avons la chance de vivre et de travailler à quelques minutes de plages magnifiques qui, pour nous, sont des espaces de liberté absolu. C'est pour cela que, paradoxalement, rien ne nous rendrait plus heureux que notre application n'y soit pas utile cet été car cela voudrait dire que la plage est accessible à tous, car totalement sûre d'un point de vue sanitaire. Mais, ne rêvons pas trop ... Cet été, avant de marcher sur le sable, nous marcherons "sur des oeufs" en matière de sécurité sanitaire et ceux qui devront signer l'ouverture des plages (en l'occurrence, les préfets) ne s'engageront jamais à la légère tant les plages peuvent devenir des zones de grand brassage, à la régulation très difficile, voire impossible compte tenu des conditions ... et du poids de la tradition.

L'alternative du "tout-ou-rien" ou la plage "active"

Passons sur les idées les plus saugrenues comme celle qui consiste à désinfecter la plage à la javel ou avec un autre principe actif: non seulement, cela ne sert à rien (une cuillière à soupe d'eau de mer contient 250 virus et plusieurs millions de bacteries très utiles) mais, de plus, c'est anti-écologique. La plage est un écosystème au même titre de la mer ou de l'océan dont elle est partie-prenante. Elle doit, à ce titre, être protégée de toute "agression" (commençons déjà par y interdire la cigarette et on fera déjà un grand pas pour l'humanité).

Passons aussi sur la plage jonchée de caissons en plexiglas comme cela fut proposé en Italie: non seulement, c'est l'anti-thèse de la plage, ce doit être invivable de se protéger dans une case en plastique et, dans mon pays de tramontane, je ne donne pas cher de ces cloisons légères qui finiront toutes en mer après seulement 30 mn de bourrasque ...

Passons, enfin, sur le drone avec haut-parleur, un gadget-aboyeur qui de son bruit de super-mouche vient vitupèrer au-dessus de nos têtes pour inciter les récalcitrants à tenir leurs distances d'avec leurs voisins de serviette. La plage, ce n'est pas ça, c'en est même l'antithèse !

Une fois que l'on a écarté le "tout-ou-rien" (ouvrir la plage à tous les vents ou les fermer à tout le monde car on ne saurait pas y gérer les flux), reste donc le concept de "plage active" dont on parle beaucoup ces derniers temps.

La "plage active" (celle que l'on ne fait que traverser pour aller faire du paddle ou nager en pleine mer), on connaît ... et on adore ! Personnellement, j'y suis presque dix mois sur douze avec mes deux fils et mon border collie; certainement le seul à pratiquer le paddle sans tomber (et nous faire tomber) à l'eau même en plein hiver avec un peu de houle. Quand on pratique la mer sans modération comme dans ma famille, on ne ressent aucune gêne avec le concept de "plage active". Mais, ce serait bien égoïste ...

Ce 8 mars, aucun mouton sur la mer, c'est donc jour de vacances pour Paddy, mon border collie.

Car, avouons-le, la "plage active", ou encore la "plage dynamique" ou, enfin, "la plage à l'australienne" ... ce n'est pas fait pour tout le monde !

La plage "active" - celle que prônent de nombreuses mairies ces jours derniers - c'est un peu le "service minimum de la plage": on y vient, on s'y promène, on va faire trempette ou on nage le temps que l'on veut ... et on repart, sans se poser, sans s'asseoir sans étendre sa serviette, sans profiter du soleil, sans se régaler d'une bonne lecture sur fond de jeux d'enfants, sans le livre qui vous réveille en vous tombant sur le nez pour vous tirer d'une sieste, couché sur le sable ...

La "plage dynamique", c'est tout le contraire de l'esprit de la plage qui est certainement, dans l'imaginaire des générations entières de vacanciers qui sont allés à la mer, l'espace absolu - que dis-je le symbole-même - du "ne rien faire" ou comme disent les italiens avec cette pointe d'élégance et de distance le "far niente" ...

La "plage dynamique", c'est le concept de "l'ultra-local" ... comme nous: on vit sur place, on peut s'y rendre (presque) quand on veut. Allez, un beau jour de juin, entre midi et deux, vite une tête dans la Méditerranée et retour au boulot !

Mais ce n'est vraiment pas le concept des vacances, des retraités en petits groupes, des lève-tôt, des papas et mamans soucieux d'atterir sur un sable ratissé quelques heures auparavant et débarrassé des scories de la veille ... c'est la plage de ceux qui adorent se poser sur le sable, le matin, face à un soleil qui pousse vers son zénith, une eau claire, des vagues légères et ce sentiment que la plage vous appartient, dans un moment immobile, presque figé, comme si vous etiez là depuis des générations ...

La plage, cet été, en mode "Drive" - on vient, on se baigne et on "se casse" - ça n'est vraiment pas la plage. A ce prix-là, qui ferait des kilomètres pour venir y passer ses vacances ?.. Et qui peut croire que l'on ne peut pas proposer autre chose de plus sympa ? En tous cas, pas nous, chez elloha !

On peut proposer une "expérience" de plage qui ressemble à de la vraie plage !

Pour les décideurs (élus et préfets en tête), l'équation n'est pas évidente par temps de "covid" : la plage est un espace de grande liberté ... et de grand brassage. Et aucune plage ne se ressemble vraiment: de la crique bretonne à la grande plage sablonneuse de la Côte Vermeille, en passant par les marées qui modifient plusieurs fois par jour la configuration des lieux ... définir un cadre sécurisant pour accueillir tous les amoureux des plages n'est pas une mince affaire.

Pourtant, le cahier des charges est clair: on doit venir sur la plage et y vivre une "expérience" la plus semblable possible à celle des années précédentes. Y venir au moment que l'on préfère (matin clair, en plein zenith pour les lézards, l'après-midi pour les lève-tard ou en fin de journée pour celles et ceux qui aiment le calme se poser sur le sable chaud ...), on doit pouvoir y passer un temps suffisant et compatible avec les maximas d'exposition au soleil, on doit pouvoir y faire ce que l'on veut : poser sa serviette, lire, s'endormir en écoutant sa musique préférée, retomber en enfance en aidant ses enfants à faire des châteaux de sable, se baigner, discuter l'eau jusqu'à la taille ou nager frénétiquement "jusqu'aux bouées" ... Bref, tout doit être possible sur la plage ... à condition d'y être suffisamment espacés les uns les autres.

Car l'enjeu #1 est bien celui de la "régulation des flux"

Puisque la clé est la "distanciation sociale", cela suppose de ne pas concentrer sur un lieu donné (un périmètre) et un temps donné un nombre trop important de personnes. D'où, cette idée évidente de numerus clausus qui limite sur un temps donné et un espace donné un nombre limité de personnes.

Mais le numerus clausus ne règle qu'une partie du problème: celui qui consiste à limiter l'accès à un nombre de personnes sur la plage: ça ne règle ni les conditions de leur arrivée, ni leurs conditions de départ.

Ces questions en disent long sur les enjeux:

  • les jours de grande affluence, cela signifie une longue file d'attente à l'entrée de la plage où les vacanciers (et les habitués) attendront de pouvoir rentrer ? Des files d'attente sur les promenades ? N'est-ce pas là déjà un "foyer de grand brassage" et quid des enfants qui s'impatienteront avant d'entrer sur la plage ?..
  • quand la plage sera pleine, à quel moment un vacancier pourra entrer, à son tour, sur la plage ? À heure fixe ou lorsque quelqu'un sera sorti de la plage ? Ou bien lorsque des employés de mairies battront le rappel pour que le groupe précédent quitte la plage ? Un peu comme à la fin de journée chez Disneyland ?..

La zone de "confort" sur la plage

Et puis, attention aux définitions de périmètres "à l'emporte-pièce": en effet, certains se disent que la plage s'utilise sur toute sa profondeur; c'est-à-dire, de la promenade jusqu'au rivage.

C'est vrai pour la Côte d'Azur qui a des plages peu profondes. C'est beaucoup moins vrai sur d'autres plages sablonneuses de la Méditerranée ou de l'Atlantique qui sont, pour le coup, très profondes. == En réalité, la zone dite de "confort" est une bande large de 30 mètres entre le rivage et la dernière "ligne" de visiteurs sur une plage ...==

Vouloir entasser des vacanciers au-delà de cette bance représente une proportion de risques supplémentaires très importants.

En effet, doit-on, pour se justifier que la distanciation sociale est acquise car les surfaces des plages sont grandes, accepter d'installer des familles à 150 mètres du rivage ? Comment surveiller ses enfants de cette distance ? Et, en entassant des personnes et des familles sur plusieurs "lignes" n'encourage-t-on pas d'autant à se déplacer sur des dizaines de mètres pour aller à l'eau, au risque d'augmenter les brassages sur le sable ?

La réservation et des règles du jeu claires nous semblent plus évidentes

Simulation des points d'accueil et de contrôle d'accès des plages. On entre d'un côté et on y sort de l'autre pour que les groupes ne s'y croisent pas de trop près.

Si le numerus clausus constitue la colonne vertebrale de la solution, la réservation en ligne est La solution qui règle le tout :

  • sur le principe du "premier arrivé, premier servi", chacun a la possibilité de réserver sa place et de savoir - dès sa réservation confirmée - qu'il peut aller à la plage en étant sûr(e) d'y pénétrer, seul ou avec sa famille,
  • on évite d'avoir des files d'attente qui se créent et grossissent à l'entrée des plages avec des personnes qui attendent que les "prédecesseurs" quittent la plage,
  • en précisant des "règles du jeu claires dès le départ" (numerus clausus et obligation de réserver), on évite toute frustration ou toute contestation avec les "usagers" de la plage,
  • en créant plusieurs créneaux horaires de durée et de contingents variables, on garantit un accès à tous à ses moments préférés,
  • en gérant la réservation par type de public, on peut aussi réserver certains créneaux à des publics spéciaux (personnes vulnérables, personnes âgées, familles, etc ...),
  • et bien d'autres avantages que nous avons listé, notamment sur la sécurité des personnes en ayant la possibilité de les prévenir par sms en cas de souci sur la plage.


En Californie et en Australie, les plages ont été fermées aussitôt après avoir été ré-ouvertes sans règles fixes ...

La décision d'une commune (du moins, ce qu'elle soumettra à l'accord de son Préfet) conditionnera considérablement le déroulement (et le succès) de sa saison.

Si 77% des français veulent partir à la mer, un récent sondage de VVF montre que 66% des français ont peur de se retrouver dans des situations dangereuses du point de vue sanitaire. La plage est un plaisir, un espace où l'insouciance doit régner ... L'agilité des équipes municipales combinée à l'innovation "à la française" (portée par elloha, dans l'univers du tourisme) doit aider les stations littorales à offrir aux français des vacances à la mer qui ressemblent à de vraies vacances.