Les locations de vacances chez les particuliers sont-elles menacées pour cet été ?
Si personne, à l'heure où nous écrivons ces lignes, ne sait encore si la saison estivale aura lieu et dans quelles conditions elle se fera, quelques interrogations lourdes rôdent autour des locations de vacances chez les particuliers*. Plusieurs indices et quelques signes indiquent une interrogation croissante sur ce "marché" en pleine croissance que le covid-19 pourrait contrarier, du moins, pour la prochaine saison estivale. Explications ...
- Nota : quand nous parlons des locations de vacances "chez les particuliers", il faut exclure les locations de vacances gérées par des professionnels de la location de meublés, les centrales de réservation et les "conciergeries" ou agences immobilières spécialisées dans ce domaine. Notre propos ne concerne donc que les locations passées de particulier à particulier.
Une recherche de sécurité absolue avant de réserver
Sans savoir - encore une fois - si la saison estivale aura lieu et comment, les marchés en reprise, notamment en Asie, indiquent une tendance lourde des "premiers voyageurs" à privilégier d'abord la sécurité ... sanitaire. En Asie, comme nous l'indiquions il y a déjà deux semaines, 97% des guests interrogés par AirBnB placent ce point au-dessus de tous les autres (prix promotionnels compris) ! Pour 84% des voyageurs, connaître l'ampleur et la qualité des protocoles de nettoyage mis en place dans les hébergements (et les attractions) est, de même, considéré comme un élément déterminant de leur choix de réserver ou non tel ou tel hébergement.
La sécurité sanitaire est donc au coeur des préoccupations des (futurs) voyageus puisque, selon une enquête menée par l'agence de publicité BVK (USA), environ la moitié des personnes interrogées (52%) déclarent ne vouloir voir que de la publicité pour les voyages qui apporte des réponses concrètes sur les mesures prises (après le) COVID-19.
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Les voyageurs iront d'abord dans les lieux sûrs
Sur ce plan-là, on peut donc se demander, en effet, quelles garanties les locations de vacances (majoritairement gérées par des particuliers) pourront apporter aux voyageurs. Jusqu'à présent, ce secteur s'est développé sur une logique "d'uberisation" a-minima: un état des lieux, un ménage fait par le propriétaire, ou son sous-traitant, une clé déposée dans un boîtier disponible pour les occupants suivants. Pas sûr, dès lors, que le voyageur trouve dans ces process une garantie absolue.
Des voisins "résidents" qui risquent de tousser
Autre aspect de cette location, la réaction des résidents ou des voisins de ces mêmes locations. Dans les immeubles de front de mer et de montagne, des résidents permanents sont confinés dans des conditions de protection qu'ils jugent acceptables. L'arrivée, durant ces vacances de Pâques, de vacanciers ou de propriétaires non-résidents, on l'a vu, a suscité de nombreuses réactions hostiles et méfiantes. Qu'en sera-t-il, cet été, si les résidents "permanents" (notamment les plus âgés) voient débarquer des vagues successives de nouveaux locataires (avec des rotations hebdomadaires) qui feraient peser de sérieux risques sur leur santé ? Ce sujet commence à agiter certaines communes où les associations de résidents permanents, les copropriétés et les syndics commencent à émettre de sérieuses inquiétudes sur ce sujet, du moins pour cet été 2020. Dans un contexte où la reprise "estivale" se ferait avec une hypothèque sérieuse de réplique épidémique, il est plus-que-probable que certaines communes prennent des dispositions drastiques en la matière en ne limitant l'arrivée, probablement, qu'aux propriétaires des résidences secondaires et, encore, en fonction de leur région de déconfinement. En tout état de cause, tous les scenarii sont à l'étude.
Booking et AirBnB vont accentuer l'identification des pros et "non-pros"
Signe des temps ou stricte application des réglements européens, Booking et AirBnB sont en train d'accentuer leur travail de "tri" en demandant à leurs hosts (pour AirBnB) et partenaires (pour Booking) s'ils exploitent leur bien en tant que professionnel ou en tant que particulier.
Ces investigations avaient été, dans un premier temps, motivées par les instructions de l'Union Européenne qui demandait aux plateformes d'indiquer aux consommateurs (pour une meilleure protection de ces derniers) si le service d'hébergement était fourni par un "pro" ou par un particulier. Si les deux plateformes avaient timidement commencé par collecter et diffuser cette information, il semble qu'un coup d'accélération ait été mis depuis l'émergence de l'actuelle crise sanitaire.
Dans ses réglements et ses remarques, l'UE avait déjà durci le ton et pourrait le durcir encore plus ces prochains jours dans la perspective d'une reprise des activités touristiques - même a minima - en vue de la prochaine saison estivale.
Dans ces déclarations à l'adresse des plateformes, l'UE affirme "(qu') il convient de noter qu'en vertu des articles 6, paragraphe 1, point f), et 7, paragraphe 1, paragraphe 2, paragraphe 4, point b), de l'UCPD6, une pratique commerciale est trompeuse si elle est susceptible de tromper les consommateurs sur la nature et l'identité du professionnel ou s'il omet ce type de caractérisation".
Dans ce même rapport, l'UE se demande quelle "assurance-qualité Airbnb et Booking.com offrent aux consommateurs s'ils n'exigent pas que les hôtes professionnels se qualifient de «commerçants»".
Qui plus est dans le contexte actuel "d'hyper-sécurité-sanitaire", l'UE considère que "la distinction entre les prestataires professionnels et les hôtes privés peut influencer les décisions des consommateurs utilisant la plate-forme pour réserver un hébergement" et de considérer que "l'exclusion de ces informations pouvait être trompeuse pour les voyageurs et constituer une violation flagrante des réglementations anti-fraude de l'UE".
AirBnB semble se replier sur la location longue durée
Autre signe des temps, ces jours derniers, AirBnB a pris des dispositions qui peuvent être considérées comme autant de signaux d'inquiétudes pour les locations chez les "particuliers".
- en premier lieu, une contraction prévisible du marché de la location de vacances : après avoir "levé" coup-sur-coup 1 Milliards $ (levée de fonds) et 1 Milliards $ de dette, la semaine dernière, AirBnB manifeste la crainte de voir le marché de la location de vacances chez le particulier se contracter. Pour des raisons de sécurité sanitaire évidente (voir plus haut) mais aussi en raison d'une demande qui sera forcément limitée cet été (pouvoir d'achat en baisse, restrictions géographiques liées au dé-confinement, etc),
- en se ré-orientant clairement sur la location longue durée; soit, un minimum un mois et jusqu'à neuf ou douze mois (même si ces périodes sont en contradiction avec les règlements français; ce que les agences immobilières vont dénoncer très prochainement), AirBnB s'adapte à une situation économique nouvelle où, clairement, la location de vacances chez le particulier ne semble pas porteuse de business pour les prochains mois;
- à la clé, AirBnB vient d'ailleurs d'annoncer l'annulation pure et simple de plus de 800 Millions $ d'engagements marketing et publicitaires tandis que, en son sein, des actionnaires militent pour l'arrêt pur et simple de "AirBnB Expériences", la commercialisation d'activités et de loisirs propres à AirBnB et que les actionnaires jugent non rentables et non stratégiques compte tenu des perspectives offertes par le marché.
Le malheur des uns ...
Dans ce contexte, et sous réserve que les dates et les conditions du dé-confinement permettent une reprise avant l'été, il semble que la situation tourne plutôt à l'avantage des professionnels du tourisme plutôt qu'aux particuliers. Dans le domaine de l'hébergements, hôtels, campings, gîtes et maisons d'hôtes seraient privilégiés (sous réserve de montrer "patte blanche" en matière sanitaire) au détriment des locations chez les particuliers qui risquent de déserter, par force, les listings de plateformes comme AirBnB, HomeAway, LeBonCoin ou encore Booking (chez qui les locations chez les particuliers représent déjà plus de la moitié de l'inventaire).
Cela n'est, bien sûr, qu'une analyse "à chaud" dans un contexte où la visibilité, y compris à court terme, est plus-que-réduite mais il semble, toutefois, que la tendance soit bien confirmée dans les prochains jours en fonction des scenarii de dé-confinement proposés d'un pays à l'autre.
Cette situation - si elle s'avérait - ne concernerait que la saison estivale (hiverbale ?) 2020; c'est-à-dire, une période post-traumatique où les voyageurs seraient très vigilants sur les conditions de sécurité sanitaire. Selon les spécialistes de l'univers de l'hospitalité, le retour à la normale des locations de vacances devraient toutefois se faire sous un délai de 12 à 18 mois; une période propice, peut-être, pour aider les "pros" à se reconstruire hors de cette nouvelle concurrence.