Booking lance son propre classement des locations de vacances !
Cette semaine, Booking a jeté un véritable pavé dans la mare en introduisant son propre système de classement pour les "meublés", appellation traditionnellement employée en France sous le terme plus standard de "locations de vacances". Les conséquences d'une telle initiative risquent de sonner le glas d'un certain nombre de pratiques, notamment en France, et de donner un avantage concurrentiel extrêmement puissant au champion du monde des OTAs ...
Désormais, donc, il sera possible de trier sa liste de résultats Booking en partant, par exemple, des locations de vacances affichant le plus grand nombre d'étoiles jusqu'à celles qui n'en comptent aucune; un système, en somme, similaire à celui des hôtels. Sauf que l'on ne parle pas des mêmes étoiles ...
Si les étoiles affichées par un hôtel (sur Booking) résultent de son classement "administratif" (appelé ainsi car acquis, par le passé, auprès de sa préfecture, mais désormais auprès d'Atout France) - et après avoir passé au crible d'une liste de près de 300 critères - les étoiles affichées sur Booking pour les locations de vacances ne résultent que du classement établi par Booking lui-même (et non par la préfecture).
Bref, une véritable révolution, avec des conséquences importantes pour le futur (voir plus bas)!
Même si nous ne sommes pas en mesure d'en révéler tous les détails (voir plus bas), le nouveau système de notation de Booking répond à un besoin majeur: avec des millions de locations de vacances intégrées dans son "catalogue" initialement composé d'hôtels (pouvant, eux, se prévaloir d'un classement "administratif"), Booking avait besoin de créer son propre modèle d'étoiles car, au plan mondial, un tel classement n'existe pas.
Et même si les avis (et les notes détaillées et globales), mais aussi, les photos sont devenus un facteur majeur dans la décision de réserver (plus de 77% de la décision), pouvoir faire le tri dans les centaines de locations proposées avec un système comparable aux étoiles hôtelières devenait plus qu'indispensable pour le premier vendeur mondial.
POur Olivier Gremillon, le frenchie de Booking en charge du segment des marchés globaux, :"Auparavant, lorsque quelqu'un cherchait dans Booking, trois, quatre ou cinq étoiles, aucune location de vacances ne se présentait. Maintenant, quand nos clients cherchent, les locations de vacances apparaissent, les conversions augmentent et tout le monde en profite".
Un système différent des notes attribuées par les clients
Car, ce qu'il est important de noter, c'est que ce système vient en complément (et non en substitution) de la note globale affichée en vis-à-vis de l'établissement et qui, elle, découle des notes et des avis attribués à une adresse donnée par ses clients (dont Booking a la preuve qu'ils ont bien séjourné sur place). Ainsi donc, il est désormais possible, pour une location de vacances d'avoir une note supérieure à 8 et d'être seulement classée 2 étoiles ...
Pour classer ses locations de vacances et traduire leur qualité en étoiles, Booking a fait appel à l'intelligence artificielle en retraitant les millions de données de réservation et d'avis contenues dans sa plateforme. Pour arriver à fixer de 1 à 5 étoiles, Booking prend en considération plusieurs critères (la liste n'est pas exhaustive) dont:
- l'emplacement,
- la taille de la location de vacances,
- les avis déjà recueillis bien sûr,
- les "commodités" de vie : par exemple, un petit appartement à Hong-Kong (où tout est petit) pourrait être considéré comme "commode" alors que la même surface à Royan pourrait être considérée comme "incommode",
- la présence ou non d'éléments de confort comme la présence d'une machine à café, si possible avec des capsules pour un meilleur accueil (ce qui fait monter la note...), etc ...
Un conseil, veillez bien à donner toutes ces infos précieuses à Booking car il en va, désormais, de votre bon classement sur le premier OTA au monde ...
Lire aussi:
Booking revoit son système de notation
Les voyageurs recherchent plus la "valeur" que le prix
Cette (r)évolution lancée par Booking n'est pas sans inquiéter à la fois ses rivaux et certaines organisations "locales".
En créant son propre système de classement des locations de vacances, Booking peut clairement se distinguer de ses rivaux sur le marché et imposer une "norme" au plan mondial.
S'il y réussissait, Booking obtiendrait un avantage certain sur AirBnB ou Google (qui nourrit de grandes ambitions dans le secteur) en imposant une référence mondiale.
Il est vrai que, sur les autres sites, un tel système d'étoiles n'existe pas: AirBnB a préféré, par exemple, créer AirBnB Plus pour ses logements haut-de-gamme; une expérience qui ne semble pas trop porter de fruit auprès des consommateurs car l'offre reste trop déconnectée du reste de son catalogue. Quant à Google, il ne reprend que ses propres étoiles (issues des avis) ou celles que lui communiquent les seules compagnies hôtelières ... Si le classement des locations de vacances s'impose via Booking, Google devra aussi les répercuter sur ses fiches. Ce qui en ferait, dès lors, une norme bien imposée par Booking.
Une menace pour les "petits" labels
Pour Booking, s'imposer comme le premier à avoir classé les locations de vacances et se donner les moyens (ce qui est indéniable pour le champion des OTAs) de l'imposer auprès des voyageurs est un défi considérable et, probablement, un avantage déterminant sur le marché.
Nul doute que ses concurrents risquent de lui emboiter le pas en créant leurs propres étoiles mais il est tout à fait réaliste de penser que les voyageurs risquent de ne s'en remettre qu'au plus gros faiseur; en l'occurrence, Booking.
Imaginons le futur proche : il sera difficile à un loueur d'afficher "J'ai deux étoiles chez Booking mais j'en ai trois chez HomeAway ... faites-moi confiance quand même !".
Cette évolution peut accélérer l'affaiblissement progressif de certains "labels" et autres "marques locales" auxquels se rattachent, pour l'instant, les loueurs de meublés.
En clair, si le classement en étoiles de Booking s'impose sur le marché, un loueur continuera-t-il à vouloir s'attacher un classement "local" (marché national) qui ne signifie pas grand chose pour la clientèle internationale ... voire même "locale" ?
En étant classé 2 ou 5 étoiles chez Booking, le propriétaire aura-t-il encore un intérêt à cotiser aux labels "locaux et privés" ? Pas sûr. Il est même probable qu'il ne s'en tienne, par exemple, qu'au classement Booking et qu'au label "Meublé Tourisme" (ancien classement administratif) pour des motivations totalement différentes.
Si l'on prend le "label local ou national d'ordre privé", la menace est double :
- Booking, Expedia et consorts sont devenus les premiers apporteurs d'affaires de leurs propriétaires-adhérents; l'adhésion au label perd donc, de ce point de vue, de plus en plus de sa valeur ajoutée,
- En instaurant son propre système d'étoiles (au lieu des clés, des épis, des cheminées, des fleurs, etc ...), Booking incite les propriétaires à simplifier leur affichage-qualité et à le rendre mieux "collé" au marché ...
Déjà des stratégies de sous-classement
Dans cette nouvelle situation, restent les classements (ex) administratifs que les propriétaires sont libres de demander et de financer (de l'ordre de 150 à 250€ par classement pour 5 ans). Qu'en sera-t-il avec le classement Booking vu que le classement "administratif" reste optionnel; à l'inverse de l'inscription en mairie qui est obligatoire (pout tout meublé de tourisme).
En effet, comme pour les labels et marques qui subissent une érosion rapide de notoriété auprès des clients, même si ce classement ne veut pas dire grand chose pour le client final, il conserve son attrait ... fiscal, puisque le propriétaire peut prétendre à un abattement fiscal sur ses revenus (BIC) de 71% au lieu de 50%.
Par ailleurs, en fonction de son classement (de 1 à 5 étoiles), le propriétaire devra assujetir ses clients à un taux (ou montant) de taxe de séjour différent.
Par exemple, en 2019, ces taux (de taxe de séjour) étaient d'autant plus importants que le classement "Qualité Tourisme" était élevé; ce qui a incité de nombreux propriétaires à s'en tenir à des classements 2 étoiles alors qu'ils auraient largement eu les moyens de revendiquer un 5 étoiles.
Ce qui est étonnant, c'est que cette réaction semble déjà poindre chez les gros gestionnaires de locations de vacances partenaires de Booking. Aux Etats-Unis, par exemple, des "concierges" (c'est-à-dire, des compagnies gérant des dizaines voire des centaines de logements que leur ont confié leurs propriétaires) préfèrent obtenir un classement bas chez Booking ! Pourquoi ?
Lors de la récente Conférence des Managers de Locations de Vacances qui se tenait la semaine dernière à La Nouvelle Orléans où Booking présentait son nouveau modèle, certains propriétaires faisaient déjà le calcul suivant : en préférant un nombre moins élevé d'étoiles, ils pensent canaliser les attentes des clients vers une prestation de qualité moyenne. Leur théorie est qu'ils pourraient alors agréablement surprendre un client, qui sera alors plus susceptible de poster une critique avec une note plus élevée. En effet, certains managers estiment que les avis des clients ont plus d'influence auprès des consommateurs que le classement en étoiles.
En France, dès lors, ce serait quadruple-bénéfice pour le propriétaire classé moyennement et par Booking et par Qualité Tourisme:
- un avantage fiscal immédiat sur l'abattement à pratiquer sur ses revenus,
- un coût moindre de la taxe de séjour pour ses clients,
- un nombre d'étoiles moyen (pas besoin de répondre à tous les critères administratifs et se contenter de ceux calculés par Booking),
- un effet "Waouh !" (avec une nombre d'étoiles en deça de sa qualité réelle) qui lui vaudra de meilleures notes et avis sur Booking ...
En conclusion, ce système d'étoiles et de classement Booking n'est pas un épiphénomène et réunit de nombreux facteurs de succès car il profite aux trois parties:
- le propriétaire qui ne garde que les avantages sans avoir à supporter toutes les contraintes d'un classement élevé ni d'une participation à un réseau-label qui ne lui rapporte plus grand chose (Nota : ce n'est pas le cas de tous les réseaux et labels fort heureusement ...). Ce dernier y gagne en simplification (plus besoin de courir derrière plusieurs certifications les unes sans rapport avec les autres),
- le client qui y trouve une meilleure critérisation des offres qui lui sont proposées et peut aussi les croiser avec les notes et avis,
- et bien, sûr, Booking qui prend un avantage conséquent sur la concurrence et peut, dès lors, créer une référence de classement mondiale pour les locations de vacances
C'est, en effet, quand les opérations sont gagnant-gagnant pour toutes les parties qu'elles réunissent toutes les chances de succès.