Expedia Add On, la réplique à Booking Basic ?
Vendre des nuitées moins cher que chez l'hôtelier lui-même est une tendance qui domine ce début d'année. Après Booking Basic, l'offre Expedia Add On tend à s'imposer sur le marché non sans faire grincer les dents de nombreux hôteliers. La question des cohérences tarifaires risque sérieusement de dominer l'année 2019 ...
Le monde des agences de voyage en ligne resssemble quelquefois à un western. C'est le premier qui tire qui l'emporte ! Nous relations, la semaine dernière, le lancement, en Europe, de Booking Basic; une offre qui permet au géant néerlandais de proposer quasiment toujours le meilleur prix pour un hôtel (... meilleur, même, que sur le site de l'hôtelier lui-même). Difficile, pour certains hôteliers, de le contrer car ces derniers sont à l'origine des inconhérences tarifaires qui permettent à Booking de nourrir son offre Basic; l'OTA n'est donc pas le coupable idéal ...
La nouvelle offre d'Expedia risque, elle, de faire grincer plus de dents car les hôteliers dénoncent une entorse à leurs accords commerciaux avec le géant américain. Mais, face à l'offensive de Booking, la réaction d'Expedia semble des plus logiques même si elle ne fait pas beaucoup d'heureux chez les hôteliers. Ces deux initiatives, en tous cas, relancent l'intérêt de stratégies ambitieuses en matière de réservation directe ...
A ce stade, une courte digression, difficile de savoir si la nouvelle offre d'Expedia est pionnière face à celle de Booking Basic ou s'il s'agit d'une réplique ... En effet, les OTAs ne lancent jamais un nouveau programme sur la planète entière en même temps: ils le testent d'abord sur un ou plusieurs pays, sur quelques marchés test, avant de les généraliser. IL est donc souvent difficile de savoir quelle offre a l'antériorité sur l'autre même s'il est évident que l'une et l'autre se répliquent réciproquement.
Des chambres jusqu'à 42% moins chères
Revenons donc au nouveau programme - Expedia Add On - qui commence à faire grincer les dents de nombreux hébergeurs. Pourquoi ? Car il offre la possibilité à des clients d'acheter des nuitées à un prix extrêmement bas (et, là aussi, souvent plus bas que le prix proposé par l'hôtel). Comment s'y prennent-ils ?
Le procédé est, en effet, différent de celui de Booking (qui récupère chez des "grossistes" des prix que vous avez cassés vous-même). Dans le cas d'Expedia, les prix proposés sont ceux prévus pour être intégrés à un "forfait avion+hôtel". En clair, un prix qu'un client n'aurait jamais dû voir puisqu'il aurait été mêlé à celui du billet d'avion, d'une location de voiture, etc ...
Comment cela arrive ? Quand un hôtel accepte de proposer à Expedia des prix "cassés" (de l'ordre de 20 à 40%), c'est en général et uniquement, pour être associé à un forfait de type "avion+hôtel". C'est la condition sine qua non pour l'hôtel, en général, accepte de baisser ses prix: qu'ils ne soient pas comparables à ses "prix secs". Et comme Expedia vend d'abord des billets d'avion (60% de son business), le fait de leur associer un hôtel (ou une maison d'hôtes) à un prix généralement très bas permet au client de réaliser une bonne affaire (et à l'hôtelier, aussi, tant qu'on en reste là...).
Sauf que là où cela coince, c'est quand Expedia déconnecte la vente de ses hôtels à prix cassés des billets d'avion; en clair, quand ils ne sont plus proposés mêlés à un forfait mais vendus, "nus", dans leur prix le plus bas ... C'est le cas d'Expedia Add On.
Les hôteliers vocifèrent : quand ils offrent des prix cassés à Expedia, dans le cadre de son programme à forfaits, ils n'entendent pas que ces prix soient affichés en mode "sec" ou "nu".
Pourtant, dans ce nouveau programme, le client achète bien son billet d'avion (en "sec") sur Expedia et, dans un second temps, se voit proposer une sélection d'hôtels "à prix hyper-barrés", jusqu'à 42%.
Pour Expedia, cette offre n'est, toutefois pas accessible aussi facilement que cela au client final et l'OTA affirme respecter "l'intégrité tarifaire de ses partenaires hôteliers" en organisant le dispositif selon un parcours plus compliqué que l'achat direct:
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L'offre lui est présentée une fois seulement que le client a réservé un billet d'avion: Expedia lui envoie un e-mail avec des tarifs hôteliers très réduits dans la destination de son choix,
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et ce n'est qu'au terme de ce processus, qu'il se voit proposer un tarif hôtelier initialement convenu (avec l'hôtelier) uniquement pour des ventes à forfait ...
Ce procédé inquiète de nombreux hôteliers car, en montrant des tarifs aussi bas (que le client peut librement aller comparer sur le site de l'hôtelier), les OTAs parviennent à convaincre, lentement mais surement, qu'ils sont les seuls à proposer les meilleurs prix pour un hôtel ... avant même le site de l'hôtel en particulier ! En clair, ces prix sont la meilleure publicité pour que les clients ignorent, à l'avenir, les sites des hébergeurs ...
La publicité d'Expedia, pour ce nouveau service, fait grincer des dents car, pour l'hôtelier: "OK pour baisser mes prix dans le cadre d'un forfait avion+hôtel, mais je ne veux pas que le public voit jusqu'où je peux les baisser ... Surtout si ces prix se retrouvent bien plus bas que ceux proposés sur mon propre site !"
Trop tard ! L'opération est lancée et Expedia y est très attachée ... et cela se comprend. Quand le business d'un OTA repose à 60% sur la vente de billets d'avion (où les marges sont faibles), vendre de l'hébergement est un impératif ! Les ventes de forfaits avion+hôtel ne décollent pas chez les OTAs (seulement 10% en moyenne) et ne sont donc pas l'avenir dans un monde où le voyageur peut constituer son propre panier en passant d'un site à l'autre ... Il est donc évident que des OTAs comme Expedia pratiquent ce genre d'offres : elle leur permet de garder (et de gagner) des parts de marché sur les ventes de billets d'avion et sur la vente de nuitées ... sans s'imposer le difficile exercice de la vente de forfaits.
Pour les hôteliers, en revanche, ces initiatives montrent bien à quel point il leur devient plus que vital de reprendre en mains leur distribution et - sans tourner le dos aux OTAs - de maîtriser beaucoup mieux qu'aujourd'hui leur cohérence tarifaire. Car, à ce jeu-là, tout le monde y gagne sauf l'hôtelier lui-même ...