Les plateformes de locations s'engagent à faire le ménage sous la pression du Parlement

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Alors que la loi Logement qui sera votée le 13 juin prochain multiplie les sanctions sur les plateformes de locations de vacances, leur "syndicat" propose de faire le ménage dans les annonces les plus contestables. Mais cet accord est-il vraiment tenable ?

Nous annoncions, la semaine dernière, que le Parlement français s'apprête à sanctionner durement les plateformes de locations de vacances qui continueraient de diffuser des annonces "illégales" sur leur site et cela, à coup de sanctions financières conséquentes puisque le Parlement discute actuellement d'infliger aux plateformes des amendes allant de 10.000 à 50.000 euros par infraction constatée.

Cette semaine, les principales plateformes (HomeAway, AirBnB, LeBonCoin...) ont réagi en s'engageant à "faire le ménage" dans leurs annonces en annonçant un engagement commun écrit de tous ses membres fondateurs (AirBnB, HomeAway, LeBonCoin...); un engagement à "faire le ménage" qui semble aller dans le sens de ce que souhaite le législateur. Mais qui n'empêchera pas le Parlement de "graver dans la loi" des principes que, tôt ou tard, chaque plateforme sera bien contrainte d'appliquer.

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Bloquer la location du logement principal

Ce que les pouvoirs publics français appellent une annonce "illégale" tient à deux facteurs :

  • l'annonce porte sur un bien dont le propriétaire n'a pas obtenu (ou publié) de numéro de déclaration en mairie,
  • ce propriétaire a loué ce bien plus de 120 jours par an sur les différentes plateformes; rappelons que le bien en question concerne uniquement la résidence principale et non pas la résidence secondaire.

Dans le nouveau texte de loi Logement dont le vote devrait intervenir le 13 juin prochain, il est précisé que c'est désormais aux plateformes de location de veiller à ce que les annonces qu'elles diffusent soient en conformité avec la loi. Certes, les pouvoirs publics peuvent sanctionner individuellement chaque propriétaire mais l'Etat aura aussi le pouvoir de sanctionner également les plateformes qui continueront à "tolérer" de telles annonces dans leurs listings.

Nouveau call-to-action

Et d'exiger que les annonces, les identités des propriétaires et les montants des réservations (nuitées vendues, revenus ...) soient communiqués chaque année aux mairies (pour la taxe de séjour) et à l'administration fiscale (pour le reste). Des mesures qui, tout le monde s'en doute, n'emportaient pas vraiment le soutien des plateformes.

Un accord commun mais à l'application reportée sine die

Toutefois, cette semaine, les plateformes réunies au sein de l'Union Nationale pour la Promotion de la Location de Vacances ont annoncé la signature d'un accord avec les différents ministères concernés par le sujet (Logement et Tourisme) et ont annoncé une série de mesures drastiques, parmi lesquelles le fait qu'elles s'engagent à se communiquer leurs listings et leurs volumes de réservation pour une adresse donnée en vue de bloquer ses réservations à 120 jours par an : plus facile à dire qu'à faire ... car, il semble surprenant que des "concurrents" se partagent aussi facilement des données aussi sensible.

D'après le communiqué de l'UNPLV, les plateformes rappelleront aux loueurs l'existence d'une limite réglementaire de 120 jours pour les résidences principales et elles mettront à leur disposition un compteur du nombre de jours de location ainsi qu'unsystème de blocage de leur calendrier de réservation à 120 jours pour chaque annonce. Toutefois, selon leur communiqué, il existe quelques bémols :

  • cette limitation ne concernera pas les chambres au sein d’une résidence principale,
  • ces mesures s'appliqueront dans les villes comme Paris et dans les communes où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au parc résidentiel; avouons que cela reste encore un peu flou ...
  • tout cela se mettra en place vers le début de l'année 2019 et, en tout état de cause, "une fois que les plateformes auront mis au point un outil qui leur en donnera la possibilité".

Un amendement terrifiant

Selon le président de l'UNPLV, Thimothée de Roux (directeur général de HomeAway en France): "Nous allons bloquer les annonces des résidences principales à 120 jours dans les villes où il y a un problème de logement avéré. Et puis nous allons catégoriser les différentes annonces sur nos sites, entre résidences principales, résidences secondaires, chambres d'hôtes et résidences hôtelières. Troisième engagement : on va dire aux résidences secondaires, qui peuvent louer au-delà de 120 jours, "vous devez respecter une certaine réglementation en fonction de la ville où vous êtes", et on va faire en sorte qu'elles respectent la loi. Enfin, on va partager avec les mairies des informations touristiques pour savoir quelles sont les nombres de nuitées, etc."

Ces mesures inédites tombent à point ? En plein milieu de la discussion parlementaire ? En fait, rien n'est moins sûr... En effet, ce n'est un secret pour personnes, ces limitations ne sont pas du goût des plateformes de locations qui préferaient que chacun puisse louer son bien comme bon lui semble, autant de jours qu'il souhaite et ce, sans la moindre limitation.

C'est pour cela que, malgré un certain nombre d'accrochages ces derniers mois avec un grand nombre de villes (Paris, en tête), les plateformes trainaient les pieds à appliquer les premières dispositions réglementaires.

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A Paris, la situation devrait se corser cette semaine (voir plus bas)

Alors, quelle(s) mouche(s) les a donc piquées pour que, du jour au lendemain, un tel accord soit mis sur pied ? En réalité, en pleine discussion parlementaire, cette semaine, un amendement à l’article 51 de la loi Elan prévoyait de faire baisser le seuil de 120 jours autorisés à 90 jours, ce qui aurait été catastrophique pour les plateformes en question qui, à juste titre et au bon moment, on dégainer leur accord à l'arrachée.

D'ailleurs, pour que cela soit tout à fait clair, le préambule de leur engagement commun mentionne bien : "Les membres de l’union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) proposent de prendre les engagements volontaires suivants, sous réserve de confirmation du maintien de la limite annuelle de 120 jours de location des résidences principales."

AirBnB débourse 10 Millions $ en urgence au Japon

La "régulation" du marché des annonces de locations de vacances a encore de beaux jours devant elle... Partout dans le monde, les bras de fer se multiplient :

  • cette semaine, au Japon, une nouvelle loi - dès le 15 juin - impose des règles drastiques aux propriétaires pour continuer à louer leur bien sur les plateformes. Des règles tellement drastiques que AirBnB a perdu 62.000 adresses dans son "listing" du jour au lendemain. Avec des conséquences immédiates pour ces guests: cette semaine, certains d'entre eux se sont retrouvés sans logement du jour au lendemain. Ce qui a obligé AirBnB à annuler des milliers de réservations. Aussitôt, AirBnB a annoncé jeudi la mise en place d’un fonds de 10 millions de dollars pour aider les voyageurs qui se retrouvent sans solution d’hébergement: "Nous sommes terriblement désolés. C’est nul - et c’est un euphémisme" a lancé la compagnie, prise de court, dans un communiqué.
  • cette semaine aussi, à Paris, le juge des référés devra dire si oui ou non AirBnB et Windu devront retirer 43.000 adresses de leurs listings du jour au lendemain (Lire notre article). Dans le cas où la justice donnerait raison à la Ville de Paris, AirBnB et ses confrères devraient affronter des milliers de réservation en plein démarrage de la saison estivale avec les conséquences financières qu'on peut d'ores et déjà estimer à des montants colossaux. Résultat des courses cette semaine ...