Dix ans après, 1000 hôteliers allemands font juger les clauses "anti-parité"
Dans un jugement rendu ce mardi, le tribunal régional de Berlin, saisi par près de 1300 hôteliers pour des faits remontant à plus de 10 ans, ont fait juger comme "anticoncurrentielles" les clauses de parité tarifaire en vigueur jusqu'en 2015-2016 ...
L'affaire appartient, certes, à des pratiques de "l'ancien temps" car les "clauses anticoncurrentielles" jugées cette semaine ne sont plus d'usage (entre hôteliers et OTAs) depuis les lois anti-parité-tarifaires votées en Europe depuis la "pionnière" "Loi Macron" de 2015 ... première du genre à libérer les hôtels sur leurs pratiques tarifaires.
L'affaire "No. 61 O 60/24 Kart" confirme, cependant, le bienfondé de la plainte collective déposée par les hôteliers allemands (1000 sur 1300 ont été reconnus comme légitimes dans cette action) quant aux effets délétères des (anciennes) clauses dites "wide best price" imposées jusqu’au 30 juin 2015 et dont l'objet était d'empêcher les hôtels d’offrir de meilleurs tarifs sur d’autres canaux. Ou encore, celles dites "narrow best price" qui, selon le jugement, entre le 1ᵉʳ juillet 2015 et le 31 janvier 2016, interdisaient aux hôtels de proposer des tarifs inférieurs sur leurs propres sites par rapport à Booking. Pour les défenseurs des hôteliers allemands, ces clauses auraient donc "restreint la liberté tarifaire des hôteliers en empêchant une vraie concurrence entre canaux de distribution".
Si Booking fut le seul OTA visé par cette plainte, pour autant, "d'autres OTAs employaient aussi ce genre de pratiques ..." est-il rappelé dans les arguments des différentes parties. Mais, Booking restait quand même la cible la plus visible et, si une indemnisation devait un jour (lointain, voir plus bas), celle qui dispose des poches les plus profondes.

Selon les arguments des plaignants, repris par le dispositif du jugement, ces clauses (progressivement rayées de la carte européenne depuis près de 10 ans, dans les différents pays) ont contribué "à une segmentation du marché et à une forme d’oligopolisation (...) ce qui peut continuer à causer des dommages même après leur suppression", selon les avocats des plaignants qui ont appuyé sur cet argument pour obtenir réparation financière. C'est pour cela, selon eux, qu'une action en reconnaissance de responsabilité pour dommages était justifiée même si le montant précis des pertes n’a pas été établi dans le jugement ... et qu'il s'agira d'une autre affaire bien plus compliquée à résoudre (voir plus bas).
Le tribunal a, en effet, rejeté la demande de remboursement des commissions déjà versées à Booking par les défenseurs des hôteliers. Calculées sur la base des taux de 10 à 15 % du prix des chambres, le tribunal a considéré que ces paiements déjà effectués "constituaient une question fermée et devraient être réclamés dans une procédure distincte si nécessaire". Le chemin vers l'indemnisation devrait être encore très long ...
Une décision ... sans surprise pour Booking
Pour l'OTA leader (et ses concurrents), cette décision n'est pas vraiment une surprise car les juges berlinois se sont, en effet, appuyés sur une décision de la Cour fédérale allemande (Bundesgerichtshof) qui avait déjà confirmé l’illégalité des clauses dites "narrow best price" ... en 2021. Puis, au niveau européen, sur celle de la Cour de justice de l’Union européenne qui avait déjà jugé (en septembre 2024) que ces clauses de parité tarifaire "n’étaient pas automatiquement des restrictions accessoires" ... en clair, elles étaient jugées illégales et cette considération "pouvait constituer la base juridique des actions en dommages et intérêts lancées", depuis, par différentes associations hôtelières germaniques, selon leurs avocats.
La rébellion des hôteliers s'est, depuis, étendue à d'autres pays européens et visent, toujours, à obtenir des dommages et intérêts plus d'une décade après.

D’autres actions visant Booking (mais aussi d'autres OTAs comme Airbnb) sont en cours dans différents pays du Vieux Continent et devraient voir leur terme dans quelques années, comme celle lancée devant un tribunal néerlandais par des hôteliers locaux.

Pour l'heure, ce dernier jugement berlinois reste une décision de première instance; ce qui veut dire qu'il n’est pas encore définitif (les parties ont un mois pour faire appel devant la Cour régionale supérieure de Berlin). Même en appel, cependant, la question des dommages et intérêt ne devrait pas être tranchée mais seulement renvoyée, ultérieurement, vers des procédures complémentaires ou des expertises. Ce qui en fait, donc, une procédure des plus aléatoires quant à sa finalité pécuniaire ... et sa durée.


