L'Espagne plante ses banderillas sur les locations saisonnières
Ce lundi 15 décembre, Madrid a coupé court aux spéculations en faisant écoper Airbnb d’une amende définitive de 64 055 311 € pour avoir affiché des annonces de logements interdites à la location touristique. La décision qualifiée de "grave" par le ministère espagnol de la Consommation, alors que le pays fait face à une crise du logement de plus en plus palpable, est contestée par le géant californien ...
En Espagne, le débat sur les locations saisonnières (versus les logements permanents qui se raréfient comme peau de chagrin) ne se joue pas à fleuret moucheté. À lire la décision prise par les juges, ce lundi matin, les banderillas sont même de sortie !
Avec une amende record de plus de 64 Millions d'euros contre Airbnb, pour avoir publié des annonces jugées illégales (car concernant des locations saisonnières non-autorisées), le gouvernement espagnol envoie un message fort à toutes les plateformes et aux propriétaires récalcitrants : "Aqui, no pasaran" !

Il faut dire que les locations de courte durée jouent un rôle clé dans le débat public; notamment, dans les grandes villes touristiques, où les habitants dénoncent une hausse continue des loyers en raison de la prédominance des exploitations saisonnières (et la raréfaction des baux permanents). À Barcelone, comme ailleurs, où est née la rébellion anti-locations, les logements autrefois disponibles pour les résidents ont été massivement transformés en locations saisonnières plus rentables. Résultat ? Une pression immobilière accrue et une pression politique sans commune mesure qui pousse élus et pouvoirs publics à réagir plus fermement. Cette double-tension sociale a ainsi poussé le gouvernement à renforcer les contrôles sur les plateformes qui publient des annonces et à identifier celles qui ne relèvent d'aucune autorisation officielle. Donc, illégales !
Ainsi, selon Madrid, Airbnb a publié des annonces de biens qui ne respectent pas la réglementation locale et, selon le jugement, ces manquements ont été jugés suffisamment sérieux pour justifier une amende qualifiée de "grave". Même si Airbnb conteste (voir plus bas), l’amende est définitive. En clair, non seulement, le paiement est dû, mais, de plus, il va falloir désormais supprimer les contenus illégaux selon les exigences du ministère de la Consommation. Pablo Bustinduy, le titulaire du poste l’a rappelé: désormais, l'Espagne va conduire une action continue contre les pratiques abusives ou frauduleuses en matière d'annonces saisonnières; un combat relayé localement par les principales autonomies espagnoles comme dans toutes les Îles Baléares, depuis cet hiver (lire notre article).
Dans un communiqué transmis à l’AFP, Airbnb a fermement contesté la décision de Justice en précisant que les mesures espagnoles seraient contraires à la réglementation en vigueur; et d'annoncer qu'elle entend contester l’amende devant les tribunaux. Ce bras de fer juridique pourrait donc durer quelques temps encore.
Cependant, face à cette pression, plusieurs autorités locales ont déjà agi comme à Barcelone, où la mairie a annoncé qu’elle ne renouvellera pas les licences de 10 000 appartements touristiques. Ces licences expireront en novembre 2028. Dans la foulée, d’autres régions espagnoles renforcent leurs contrôles et leur capacité d’inspection (voir plus haut).
Au-delà de l'Espagne et de cette décision pécuniaire, il semble bien que la régulation des locations saisonnières soit en marche un peu partout en Europe ... et elle peut être sévère.

Ainsi, publier des annonces conformes aux lois locales n’est plus une option, c’est une obligation, sous peine de sanctions financières lourdes.
À noter, cependant, que la sanction contre Airbnb ne tombe pas dans un vide juridique. Elle s’inscrit dans une série de mesures musclées prises par le ministère de la Consommation espagnol en cette fin d’année. En novembre dernier, cinq compagnies low-cost (Ryanair, Vueling, EasyJet, Norwegian et Volotea) ont été frappées d’amendes totalisant 179 millions d’euros pour des pratiques jugées abusives comme la facturation systématique des bagages cabine, le paiement obligatoire pour des sièges adjacents, même en cas de voyage avec des enfants, le manque de clarté sur le prix final affiché et le refus des paiements en espèces dans les aéroports.
Le message est limpide : en Espagne, aucun secteur n’est épargné quand il s’agit de protéger les consommateurs (et les touristes !) et réguler les marchés.

