Locations, des fronts ouverts de toutes parts
Alors que les débats parlementaires se poursuivent entre le Sénat et l'Assemblée Nationale (et que le compteur s'emballe pour l'adoption du budget), les propriétaires de meublés semblent vivre comme dans un véritable "grand huit" ... entre adoptions d'amendements "discrets" et décisions de justice de dernière minute ...
Il n'est pas simple d'être propriétaire d'un bien destiné à la location, ces temps-ci. Entre les restrictions décidées localement, les amendements présentés (et pour certains, votés) à l'Assemblée ou au Sénat, et les dernières décisions de justice, bien habile sera celle ou celui qui trouvera dans l'actualité de quoi s'apaiser quant à la manière dont il sera "mangé" en 2026.
Une hausse de la CSG ... sauf pour les revenus fonciers et les loueurs en meublés
La semaine dernière, par exemple, pour obtenir le vote du budget de la Sécurité sociale 2026, le gouvernement a dû faire une concession très remarquée : augmenter le taux de la CSG sur les revenus du capital de 1,4 point; ce qui le fait passer de 9,2 % à 10,6 %. Mais attention, "pour ne pas décourager l'investissement locatif", cette hausse n'est pas généralisée: les revenus fonciers, les plus-values immobilières et les produits d'épargne (comme l'assurance vie) sont explicitement exonérés de cette hausse.
Problème ? Les revenus tirés de la location meublée ne sont pas considérés comme des revenus fonciers, mais comme des BIC (bénéfices industriels et commerciaux). En conséquence, les locations meublées seraient bel et bien concernées par cette hausse de la CSG:
- Pour les LMNP (loueurs en meublés non professionnels), aux yeux des législateurs, il s'agit là de revenus du patrimoine soumis aux prélèvements sociaux,
- Pour les LMP (loueurs professionnels), ce sont des revenus assimilés à une activité économique. La hausse pourrait donc aussi s'appliquer, même si un flou persiste.
Selon plusieurs fiscalistes, la rédaction de l'amendement "semble délibérée pour favoriser la location nue au détriment du meublé". Cette décision s'inscrirait donc dans la continuité des restrictions récentes votées sur les micro-BIC (soit des abattements réduits et le durcissement du statut).
Tous les loueurs ne seront pas affectés de la même façon car, en régime réel, les charges déductibles peuvent fortement réduire l'assiette imposable. La hausse de la CSG y aura un effet modéré. En micro-BIC, en revanche, l'abattement de 30 ou 50 % laisse toujours une base taxable importante, soumise à près de 31 % d'impôts et de prélèvements. L'écart avec les revenus fonciers va donc se creuser. En clair, la fiscalité du "meublé", hier encore incitative, devient de plus en plus pénalisante.
La hausse de la CSG doit donc s'appliquer en 2026, mais des incertitudes demeurent ... Dans tous les cas, les loueurs en meublés doivent se préparer à un nouveau choc fiscal. D'autant plus qu'entre les mesures votées et les décisions de justice rendues (voir plus bas), il n'est pas toujours simple de ne pas y perdre le nord.
Un avis (très attendu) du Conseil d'Etat
Dans une affaire passée presque inaperçue, le Conseil d'État a accepté d'examiner une question lourde de conséquences pour les loueurs en meublé : peut-on être assujetti à la TVA en tant qu'activité para-hôtelière, mais être tout de même imposé comme un simple "rentier" via les prélèvements sociaux sur le patrimoine (17,2 %) ?
Jusqu'ici, la réponse de l'administration était claire : oui ! Mais le Conseil d'État estime que cette approche pourrait être juridiquement infondée. C'est, en substance, ce qui ressorte de l'affaire "M.A.", un cas que d'aucuns jugent déjà emblématique.
Le litige concerne un contribuable exploitant 7 chambres meublées avec services. Ce dernier remplit tous les critères de la para-hôtellerie, et est donc assujetti à la TVA. Mais l'administration fiscale applique tout de même les prélèvements sociaux sur le patrimoine (CSG, CRDS...). Sa justification ? Les revenus BIC ne sont pas systématiquement requalifiés en revenus d'activité. Face à cette "double-peine", le contribuable a contesté en arguant qu'il exerce une activité économique, qu'il paye la TVA et qu'il devrait donc relever du régime des cotisations sociales d'activité (URSSAF, RSI...), et non de la CSG/CRDS sur les revenus du capital. Dans un premier temps, la cour d'appel a rejeté ... mais pas le Conseil d'État qui admet le pourvoi.
Une logique à double vitesse ?
L'enjeu de ce recours est fondamental car il pose la question suivante : peut-on être professionnel pour la TVA, et non-professionnel pour les contributions sociales ? La logique "TVA = activité professionnelle" peut-elle s'imposer dans le calcul des cotisations ? Selon la décision du Conseil d'Etat, la réponse pourrait, en effet, requalifier le statut social de milliers de loueurs.
Car, si le Conseil d'État donne raison au contribuable, plusieurs conséquences majeures sont à anticiper en premier lieu desquelles une nouvelle distinction entre LMNP, LMP et para-hôtelier.
La décision pourrait aboutir à une possible fin de la CSG/CRDS pour les para-hôteliers ... qui serait donc remplacée par des cotisations sociales classiques et, dans tous les cas de figure, une clarification (ou une complexification ?) du statut fiscal et social des meublés de tourisme ? Pour de nombreux fiscalistes à l'affût de cette décision, cela pourrait aussi impacter les régimes de déclaration (micro-BIC contre "réel"), la détermination des seuils de recettes pour le basculement en LMP et, bien évidemment, la gestion comptable et sociale des loueurs professionnels.
Ce pourvoi pourrait aussi remettre à plat l'articulation entre fiscalité et cotisations sociales pour les loueurs para-hôteliers. Une frontière floue jusqu'ici, mais qui pourrait devenir déterminante. Le Conseil d'État rendra sa décision dans les prochains mois. Avec, à la clé (du meublé !) un statut fiscal et social qui pourrait changer pour des milliers de propriétaires.
Logements vacants : serez-vous concerné ?
Alors que la taxe foncière a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois, une autre réforme fiscale de poids avance sans bruit : la refonte des taxes sur les logements vacants. Objectif affiché ? Fusionner deux dispositifs existants, la TLV (taxe sur les logements vacants) et la THLV (taxe d'habitation sur les logements vacants), pour plus de clarté et d'efficacité. Mais derrière cette simplification, le monde de la location touristique pourrait se retrouver dans la ligne de mire.
Car, même si la cible affichée est la vacance injustifiée, les loueurs saisonniers pourraient être impactés en cas de logements peu ou mal occupés. D'autant que le flou persiste sur les critères d'application, les durées d'inoccupation retenues, ou encore la place des meublés de tourisme dans ce nouveau paysage fiscal. En effet, certaines communes considèrent déjà les meublés non loués plus de 90 jours par an comme "vacants" au sens fiscal. Une unification des dispositifs pourrait donc venir durcir ce type d’interprétation.
Les scénarios débattus dans les deux hémicycles (Assemblée et Sénat), certes, varient, mais à date, voici ce qui est dans les tuyaux:
- Création d'une contribution unique sur tous les logements non principaux (vacants + résidences secondaires), avec un taux librement fixé par les communes, pouvant aller jusqu'à 6 fois la taxe actuelle,
- Suppression de la TLV au profit d’une extension de la THRS (taxe d'habitation sur les résidences secondaires) à tous les logements vacants, y compris touristiques,
- Fusion douce TLV-THLV, via une nouvelle taxe (TVLH) toujours modulable par les collectivités, mais sans mélange avec les résidences secondaires.
Reste à savoir qui en fixera le taux et à partir de quel délai d’inoccupation la taxe s’appliquera (1 an ou 2 ans), et surtout, comment sera faite la différenciation entre un logement réellement vacant destiné à la location longue durée et une location saisonnière ?
Côté gouvernement, la prudence est de mise. Le ministre David Amiel a exprimé ses réserves face à la création d'une taxe unique sur les logements non principaux car, pour lui, mélanger vacants et résidences secondaires brouillerait les politiques publiques locales. Le projet porté par l’exécutif consisterait plutôt à créer une "taxe sur la vacance des locaux d'habitation" (TVLH) en fusionnant uniquement la TLV et la THLV et elle serait gérée par les communes et non plus par l'État. Mais les détails techniques restent à préciser. Une chose est certaine, demain, les logements peu exploités pourraient coûter de plus en plus cher ... à leurs propriétaires.