Les hôteliers européens alertent sur les surtaxes touristiques

Les hôteliers européens alertent sur les surtaxes touristiques
À l'heure où les débats budgétaires ont repris "de zéro" depuis le Sénat, l'Hotrec (le groupement européen des syndicats hôteliers) alerte sur les conséquences économiques désastreuses des nombreuses tentations fiscales recensées en France et dans le reste de l'Europe à l'égard du secteur touristique. À l'image des "sur-taxes de séjour" votées par de nombreuses régions, les hôteliers européens dénoncent des mesures qui pourraient faire perdre des centaines de milliers d'emplois ...

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, une nouvelle taxe additionnelle régionale — à hauteur de 200 % de la taxe de séjour de base — s’applique aux hébergements soumis à la taxe de séjour en Île-de-France (y compris Paris). Résultat ? Pour un palace, le total "nuit + taxe" peut s’élever jusqu’à 15,60 € par personne et par nuit (base + département + région + 200 % additionnel). Le client d'un palace ne le sentira peut-être pas passer, mais les autres voyageurs risquent de trouver sur cette taxe un impôt nouveau qui pourrait sérieusement entamer leur envie de voyage ... C'est justement, en observant ce phénomène de "surtaxes" qui tend à se développer partout en Europe, que l'Hotrec a décidé d'anticiper de tirer la sonnette d'alarme, chiffres à l'appui: si cette frénésie fiscale se confirme, l'Europe du tourisme pourrait sérieusement y laisser quelques plumes ...

Le rapport - clairement intitulé "Impact de la taxation sur l'économie de l'hospitalité - rappelle d'abord que l’hôtellerie-restauration fonctionne souvent avec des marges très fines, un fort recours à la main‑d’œuvre, et peu de marge de manœuvre face à des chocs de coûts. Dans ce contexte, même une hausse modeste des taxes qui la grèvent (qu'il s'agisse de la TVA ou des taxes de séjour et de leur surtaxes) peut enclencher, à court ou moyen terme, un "choc disproportionné" pour l'économie du tourisme.

Et de préciser, étude chiffrée à l'appui (confiée à Synthesia) que:

  • Une augmentation de 1 point de la TVA (visant particulièrement ce secteur), dans n'importe quel pays d'Europe, pourrait provoquer une baisse de ses revenus d’environ 8 milliards d’euros; ce qui reviendrait à mettre en péril plus de 100 000 emplois dans le secteur.
  • En cas d’alignement sur les taux standard constatés dans les principaux pays européens comme la France (soit, une hausse plus massive), les conséquences pourraient être encore plus drastiques : jusqu’à près d’un million d’emplois menacés à l’échelle européenne, et une baisse globale du PIB de l’ordre de 0,5 %.
  • Et d'alerter tout-de-go que, dans ces cas, ce seraient les établissements implantés dans les zones rurales qui seraient les plus pénalisés.
Source : Hotrec - Nov 2025

Une pression fiscale croissante au-delà de la TVA ... selon les régions

Le rapport alerte aussi sur la montée des taxes touristiques (taxes de séjour, prélèvements locaux comme les taxes additionnelles …), devenues dans certains territoires un levier fiscal majeur ... pour des collectivités en mal de financement et, quelquefois, ... de justifications. Dans certaines villes comme Amsterdam, par exemple, la somme de la TVA et la taxe touristique pourrait désormais représenter plus de 33 % de la note d’un hébergement d’ici 2026.

En France, cette tentation est grande selon les régions. En Bretagne, par exemple, les professionnels s'étranglent littéralement depuis l'annonce du triplement de la taxe additionnelle de séjour ... Dans le cadre de son budget 2026, la région envisage de pousser la part de son prélèvement jusqu’à 200 % du montant actuel en expliquant que cette nouvelle imposition contribuera à financer le système de transport régional sans alourdir les charges des entreprises locales.

Concrètement, selon les syndicats hôteliers locaux, cela reviendrait à faire payer jusqu’à 2 € de plus par nuitée et par personne aux voyageurs; soit un surcoût que les professionnels jugent "exorbitant", "et surtout malvenu dans un contexte où l’accessibilité reste un atout clé pour la Bretagne".

Pour Nicolas Dayot, président de l’Union bretonne de l’hôtellerie de plein air, il s'agirait bien là d'une "injustice fiscale" qui ferait payer les vacanciers à la place des entreprises. Tandis que Jean-Luc Eveno, représentant des Gîtes de France du Morbihan, alerte sur une mesure "dévastatrice" pour un secteur qui pèse 80 000 emplois et près de 8 % du PIB régional. Enfin, Anthony Rambaud, de l’Umih Bretagne, rappelle, de son côté, que près de 40 % des touristes viennent du Grand Ouest et que cette taxe touchera aussi les "locaux".

Certes, rien n'est encore acté, mais la tension monte. Au point que le président de région lui-même, Loïg Chesnais-Girard, tente de se montrer plus rassurant que ses subordonnés. Pour ce dernier, il ne s’agit encore que d’une option budgétaire en discussion ... qui resterait conditionnée à un éventuel feu vert de l’Assemblée nationale et qui ne sera pas confirmée sans un "débat collectif" (avec les territoires et les professionnels ?) avant toute décision définitive.

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La surtaxe additionnelle bretonne ratatinée comme une crêpe ? La région bretonne, à l'origine de cette proposition, fait non seulement face à l'opposition des professionnels, mais aussi à celle des députés. Le 20 novembre dernier, les députés ont en effet rejeté, des amendements autorisant les Régions à augmenter la taxe de séjour afin de financer les transports. Cette mesure sera désormais projettée dans les discussions engagées (depuis zéro) au Sénat où sont relancés les débats budgétaires. Mais, si rien n'est encore acté, la tension continue de monter. Au point que le président de région lui-même, Loïg Chesnais-Girard, tente de se montrer plus rassurant que ses subordonnés. Pour ce dernier, il ne s’agit encore que d’une option budgétaire en discussion ... qui reste conditionnée à un éventuel feu vert du Parlement et qui ne sera pas confirmée (localement) sans un "débat collectif" (avec les territoires et les professionnels ?) avant toute décision définitive.

Une compétition inégale avec les locations de courte durée

L'autre point de friction soulevé par le rapport de l'Hotrec tient, sans surprise, au "cadre fiscal fragmenté et peu homogène" qui favorise les logements de courte durée et qui échappent donc, parfois et plus facilement, aux mêmes obligations fiscales que les hôteliers, ce qui crée une concurrence déséquilibrée.

Pour éviter la crise qui se profile dans le secteur, HOTREC appelle donc les décideurs nationaux et locaux à harmoniser la fiscalité entre l’hôtellerie traditionnelle et les offres de location courte durée et ce, "pour garantir l’équité concurrentielle".

Mais ce n'est pas tout ! Compte tenu des impacts lourdement prévisibles que cette étude relève, les syndicats hôteliers européens enjoignent les gouvernements locaux et nationaux à ne pas opter pour des hausses abruptes (qui relèvent de "l'impulsivité fiscale") mais, plutôt, d'adopter "une approche coordonnée entre fiscalité nationale et taxes locales, afin d’évaluer de manière plus responsable l’impact cumulé des prélèvements"

Enfin, lever plus d'impôts ne devrait pas pouvoir se faire sans s'assurer d'abord que les recettes tirées des taxes touristiques soient transparentes, proportionnées et, idéalement, réinvesties dans le développement local. Et sur ce point, nous savons tous qu'il y encore beaucoup de travail ... et de surprises en perspectives.