Hôte Airbnb : quel équilibre quand le travail s’invite à la maison ?

Hôte Airbnb : quel équilibre quand le travail s’invite à la maison ?

Avec l'émergence de plateformes collaboratives comme Airbnb, de nombreux foyers se métamorphosent en véritables lieux de travail (on y vit, ou pas très loin, et l'on doit gérer l'accueil de ses "guests" ou clients). Selon une série d'études sérieuses, cette transformation redéfinit la séparation entre la vie personnelle et l'activité "professionnelle"; ce qui crée de nouveaux défis pour les hôtes entre tensions, impacts sur le bien-être et la vie de famille ...

Aux dires de plusieurs études (notamment, celles rassemblées par les professeurs de l'EHL à Lausanne comme le Docteur Sowon Kim), être hôte Airbnb implique, a priori, de concilier plusieurs rôles professionnels et personnels et tout cela engendrerait une forte sollicitation émotionnelle qui empièterait sur la vie privée, particulièrement lorsque l’espace personnel doit être partagé avec les invités:

  • Multi-casquettes permanentes, l’hôte doit jongler constamment entre le rôle de chef d’entreprise et celui de résident, en assurant l’accueil … sans sacrifier son intimité,
  • Une charge émotionnelle croissante car être "toujours disponible" et réactif à toutes les demandes peut vite devenir épuisant,
  • Un risque d'atteinte à la vie privée car la présence d’invités dans l’espace personnel chamboule les routines et fait grimper le niveau de stress, surtout lorsqu’on partage son domicile principal avec eux.

Segmentateurs ou intégrateurs ? À chacun sa gestion des frontières

Cependant, tous les hôtes ne font pas face à ces inévitables situations de la même manière et, après en avoir audtionné des centaines, les chercheurs les ont classés en deux catégories distinctes

  • Les "Segmentateurs": ces hôtes tiennent à une séparation stricte entre travail et vie privée. Ce sont eux qui ressentent le plus de conflits, une baisse de satisfaction et un risque accru d’épuisement professionnel.
  • Les "Intégrateurs" : plus à l’aise avec la porosité entre vie pro et vie perso … mais même eux peuvent finir submergés par la charge émotionnelle du métier d’hôte.

En effet, même si l'on vante souvent l’économie de plateforme comme flexible et libératrice, cette souplesse n’a de valeur que si elle s’accorde aux besoins et à la réalité de chacun.

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Pour beaucoup, la promesse de liberté cache des frontières floues et un stress accru — notamment si le cadre professionnel ne respecte pas l’espace personnel.

Là aussi, les chercheurs identifient au moins quatre grands défis auxquels les propriétaires (les hosts) doivent faire face:

  • Instaurer une véritable frontière travail-vie privée car, pour de nombreux hôtes, elle reste difficile à préserver, surtout en logement partagé,
  • Savoir gérer la pression émotionnelle, la nécessité d’être disponible 24h/24 ou encore la gestion des avis et des messages,
  • Savoir accepter le bouleversement de ses propres routines car il faut s’adapter au rythme des voyageurs et de la plateforme,
  • Calmer les éventuelles tensions sociales et familiales car les fonctions d'accueil peuvent - aussi - créer des frictions dans le foyer,
  • Enfin, le risque de burn-out car les demandes élevées et le manque de limites dans la recherche d'un revenu locatif plus important peuvent créer un véritable épuisement émotionnel selon les chercheurs.

Face à ces défis, pour les spécialistes de la question (et les plateformes elles-mêmes), l’entraide sociale resterait la meilleure protection. En s’appuyant sur leurs proches, les hôtes entourés (famille, amis, collectifs) se sentent en meilleure forme et plus résilients. En rejoignant une communauté (un groupe de propriétaires qu’ils soient en ligne ou en présentiel) ces derniers rompent l’isolement en se faisant apporter du conseil et du soutien.

Dans ces groupes de reflexion, de nombreux thèmes reviennent souvent, selon les observateurs:

  • Repenser son espace (son logement en location) en délimitant clairement zones privatives et espaces invités,
  • Créer ou rejoindre une communauté en sortant des forums officiels et en privilégiant des réseaux locaux ou informels,
  • Définir des règles claires en informant mieux les voyageurs des horaires, des règles de vie, et de la disponibilité (du propriétaire),
  • Ajouter du sens à l’accueil par des petites attentions ou des gestes personnalisés qui sont destinés à renforcer le plaisir d’héberger,
  • Enfin, comment faire un bilan régulier de son bien-être en tant que propriétaire-loueur.

Pour les chercheurs, et les études sur le sujet qui abondent, le désir d’autonomie (en complétant ses revenus par de la location "Airbnb") ne garantirait pas, à lui seul, la durabilité du métier. Trouver le bon équilibre entre espace privé, conditions de travail et besoins émotionnels,resterait donc l'équation parfaite pour durer dans ce "métier".

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Le saviez-vous ? Au niveau mondial, la grande majorité des offres Airbnb sont des logements entiers, mais il existe une part significative de locations dites "chambres privées" où le ou les propriétaires résident sur place. Selon les dernières données publiques, environ 15 à 20% des annonces dans le monde sont des chambres privées ou partagées, lesquelles impliquent généralement la présence du propriétaire ou d’un occupant sur place. Cette proportion tend à baisser légèrement au fil des ans à mesure que la plateforme favorise les logements entiers. En France, selon les données issues de l'analyse du marché et des plateformes spécialisées, cette proportion est estimée à environ 13–18% du total des annonces Airbnb. En Belgique, la tendance est proche de la moyenne européenne, avec une part d’environ 15% d'annonces correspondant à des chambres privées ou à des espaces partagés. Ce phénomène progresse surtout dans les régions urbaines où les habitants cherchent à compléter leurs revenus en louant une partie de leur domicile, particulièrement depuis la hausse du coût de la vie en 2022.