Airbnb affirme que le surtourisme est d'abord le fait des hôtels européens

Voilà une contre-attaque qui ne devrait pas adoucir les rapports (souvent très abrasifs) entre Airbnb et les syndicats hôteliers... Dans un rapport européen, de rang européen, publié cette semaine, la plateforme californienne met en cause directement les hôtels et leur "prolifération" dans la croissance du phénomène de surtourisme, tant décrié dans les principales capitales européennes ...
Le titre donne carrément le ton du rapport : "Ce que les données nous révèlent sur l'impact considérable des hôtels sur le surtourisme dans l'UE". Basé sur des données internes (à Airbnb) et des statistiques fournies par Eurostat, le document va droit au but: pour Airbnb, le rôle prépondérant des hôtels dans le phénomène du surtourisme qui affecte les grandes villes européennes n'est plus à démontrer...
Avec cette étude, Airbnb donne aussi le ton de sa nouvelle stratégie de défense: face aux accusations (et aux restrictions qui en découlent) des principales villes européennes selon lesquelles la plateforme californienne (et sa prolifération d'offres) serait la cause principale des phénomènes de surtourisme déploré sur le Vieux Continent, Airbnb réagit (chiffres à l'appui) pour démontrer que c'est même tout son contraire ... Des arguments que les hôteliers risquent de relativement peu apprécier.

S'attaquer aux hôtels en priorité ?
Car, en substance, là où Airbnb se limitait à critiquer les restrictions imposées aux locations touristiques de courte durée par les municipalités, son propos est désormais d'interpeller les responsables municipaux sur une posture bien plus pertiente à ses yeux: "pour lutter efficacement contre le surtourisme, il faudrait d'abord s’attaquer à la densité croissante des hôtels dans les centres urbains..." Et de détailler, chiffres à l'appui, sa nouvelle thèse:
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Les hôtels, concentrent l'essentiel des séjours:
En 2023 et 2024, près de 80 % des nuitées touristiques enresgitrées dans l’Union européenne se sont déroulées dans des hôtels ou des hébergements similaires. Toujours selon Airbnb, dans les dix villes les plus visitées, l’augmentation des nuitées a été de plus de 200 millions entre 2021 et 2023, dont 75 % provenaient des hôtels. -
Concentration urbaine et manque de logements:
Selon le rapport chiffré, les hôtels sont massivement concentrés dans les centres-villes, tandis que la construction de nouveaux logements (permanents et d'habitation) atteint son plus bas niveau depuis dix ans. Certains quartiers, comme à Prague ou Lisbonne, compteraient désormais trois chambres d’hôtel pour cinq habitants. -
Saturation des centres et hausse des prix :
Les clients des hôtels affluent vers les mêmes points touristiques et donc, névralgiques; ce qui contribuerait à la saturation touristique par leur seule attractivité. En parallèle, toujours selon le rapport, les restrictions sur Airbnb à Amsterdam et Barcelone n’auraient pas fait baisser le nombre de visiteurs, mais auraient plutôt entraîné une hausse des prix hôteliers (+50 % à Amsterdam, +35 % à Barcelone entre 2019 et 2025) et une explosion des taux d’occupation dans les établissements hôteliers . -
Airbnb, reste un excellent levier de diffusion du tourisme :
Le rapport indique aussi que "contrairement aux hôtels, la majorité des nuitées Airbnb (près de 60 %) ont lieu en dehors des villes. Les clients Airbnb découvrent de nouveaux quartiers, souvent dépourvus d’hôtels, et contribuent à la vitalité économique locale. En 2024, plus de 260 000 clients Airbnb ont séjourné dans des quartiers sans hôtels dans les dix villes les plus visitées de l’UE". -
Impact économique et social :
Enfin, selon un argumentaire désormais bien rodé, Airbnb déclare soutenir les familles et les communautés locales: "chaque euro dépensé sur la plateforme génère en moyenne 2,50 euros de dépenses dans le quartier. En France, Allemagne, Italie et Espagne, Airbnb a contribué à hauteur de 44,6 milliards de dollars au PIB et soutenu 627 000 emplois en 2024".
Evidemment, tous ces chiffres seront rejettés et contestés par les représentations hôtelières (notamment, les syndicats) qui ne manqueront pas de contrer ces arguments par des objections (elles aussi) déjà entendues: "S'il n'y pas d'hôtels dans certains quartiers, c'est que ces quartiers n'avaient aucun moyen d'attirer des clients sur place. Si Airbnb les attire, c'est que les prix y sont cassés par les loueurs; ce qu'un hôtelier ne serait pas en mesure de faire ..." affirme un responsable de l'HOTREC chargé de préparer la réplique.
Par ailleurs, pour de nombreux responsables hôteliers, la concurrence d'Airbnb ne doit pas seulement se juger à l'aune du phénomène des grandes villes, mais aussi des autres spots touristiques (ruraux, mer, montagne). Le débat risque d'être donc aussi engagé que lors d'une finale à Roland Garros, avec de nombreux renvois de balles de fond de court ...

La date de publication de ce rapport n'est pas anodine et sa cible prioritaire (les élus locaux), non plus. D'abord, la politique, avec la survenance d'élections locales importantes dans les 18 prochains mois, dans les principales villes européennes ... où le sujet du surtourisme sera forcément dans les esprits et les débats.
Il y a aussi, toujours dans la champ politique, la question des logements permanents qui figureront au cœur des débats et, de ce point de vue, la contre-attaque d'Airbnb est désormais très claire: "L’Europe a besoin de plus de logements, pas d’hôtels", a ainsi rappellé Theo Yedinsky, le vice-président en charge des politiques publiques d’Airbnb. Selon lui, les restrictions votées localement sur les locations de courte durée n'ont pas endigué le phénomène de surtourisme. En revanche, elles n'auraient fait qu'aggraver la pression sur les centres-villes et auraient privé de nombreuses familles de revenus complémentaires.
Car, il s'agit là, enfin, du troisième argument majeur d'Airbnb: en permettant aux familles de louer sur Airbnb, les villes leur permettent de générer jusqu'à 4000 euros de pouvoir d'achat en plus (grâce aux revenus locatifs) alors que *"même lorsque Airbnb est restreint, le nombre de visiteurs continue d’augmenter; ce qui signifie davantage de voyageurs qui séjournent dans les hôtels du centre-ville et, au final, non seulement des voyages qui deviennent plus chers mais, surtout ... avec moins de recettes pour les familles locales".
Après ça, qui pourra encore dire qu'Airbnb n'a toujours rien compris à la politique européene ?..
