Hier, jeudi 14 novembre, la Commission européenne a officiellement désigné Booking comme "contrôleur d'accès" dans le cadre du Digital Markets Act (DMA). Cette nouvelle réglementation impose à Booking de respecter un certain nombre d'obligations sur tout le continent européen. Booking a officiellement reconnu ce nouveau statut dans la foulée. La question est de savoir maintenant ce que nouveau statut implique pour les voyageurs, mais surtout ... les hébergeurs.
C'est donc officiel, depuis hier, Booking est en conformité avec les exigences du DMA (Digital Market Act). Ce nouveau statut de "contrôleur d'accès" ou "gatekeeper" lui a été donné par l'Europe avec laquelle le leader mondial déclare "avoir travaillé en étroite collaboration pour sa mise en conformité".
Pour Booking, ce nouveau statut est une occasion "d'affirmer notre engagement à maintenir une expérience de qualité pour nos clients voyageurs et nos partenaires d'hébergement, tout en continuant à innover dans le développement de produits et services adaptés à leurs besoins".
Pour la Commission européenne, l'octroi de ce nouveau statut constitue aussi une série d'avantages pour les hébergeurs dépendant de Booking. Ce statut confirme désormais à l'échelle de toute l'Europe l'interdiction formelle des clauses de "parité" qui freinait certains hébergeurs à proposer des tarifs et des conditions différents sur leurs propres sites ou d'autres canaux. Pour cela, selon les obligations du nouveau "contrôleur d'accès", Booking n'est plus autorisé à augmenter ses taux de commission ou à retirer des offres de ses utilisateurs en représailles d'une éventuelle distorsion tarifaire entre la plateforme mondiale et leur site de réservation "en direct".
Selon la Commission européenne, donc, ces mesures favoriseront une concurrence plus équitable entre les plateformes et les hébergeur, ce qui devrait stimuler l'innovation et potentiellement réduire les prix pour les consommateurs. Seul l'avenir le dira.
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Le saviez-vous ? Selon l'enquête annuelle de l'HOTREC (qui regroupe les plus grands syndicats hôteliers à l'échelle européenne), 40% des hôtels dénoncent des manoeuvres de "sous-cotation" des OTAs par rapport à leur propre prix. De la disparité tarifaire inversée en quelque sorte ! Le principe : l'OTA réduit le prix fixé par l'hôtel en renonçant à une partie de sa propre commission. Pour 16% des hôteliers européens interrogés, cette situation leur serait même imposée de manière très fréquente. Plus de la moitié des hôtels affectés constatent des "sous-cotations" allant de 6% à 10%, tandis qu'un établissement sur dix dénonce des sous-cotations entre 11% et 15%. Une des causes de cette situation trouve quelquefois sa source dans l'autre pratique dite du "multi-sourcing" : en clair, un OTA propose sur sa propre plateforme des tarifs et des disponibilités provenant d'autres OTAs ou grossistes à des prix négociés à un meilleur niveau qu'avec l'hôtel en direct. Selon l'HOTREC, 44% des hôtels interrogés se déclarent affectés par cette pratique. Enfin, il y a les "autres", soit les 40% d'hôteliers qui se déclarent "pas conscients" du problème...
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Le saviez-vous ? Booking vient de rendre publics ses engagements (de manière très détaillée) tels qu'ils résultent de sa (nouvelle) position de "contrôleur d'accès" au titre du DMA. Téléchargez ce rapport ici. Dans un communiqué publié le jour-même de sa reconnaissance officielle (le 14 novembre dernier), Booking affirmait que "notre dialogue avec les parties prenantes ne s'arrête pas avec l'échéance de mise en conformité d'aujourd'hui ; en fait, le voyage ne fait que commencer. Nous restons déterminés à poursuivre les discussions constructives avec la Commission européenne et les parties prenantes intéressées. Nous sommes également impatients de présenter la manière dont nous avons respecté les exigences de la DMA lors de notre atelier de conformité DMA le 25 novembre" soulignait Maria Rocha Barros, directrice juridique et des affaires publiques chez Booking.com.
Cette nouvelle étape dans la régulation du marché digital est cruciale pour de nombreux acteurs du tourisme; les hébergeurs en premier lieu. Très largement dépendants des OTAs (et pas seulement de Booking), ces derniers ont encore quelques pudeurs à afficher sur leur site des prix "meilleur marché" que sur les OTAs. Une pratique non seulement autorisée (et renforcée par les nouvelles Dispositions du DMA) mais que seuls 21% des hôteliers admettent pratiquer sans aucune hésitation ! Les autres déclarent avoir trop peur des représailles ou, plus prosaiquement, ne pas savoir comment faire (avec simplicité) pour gérer des tarifs différents entre leur propre site et les différents canaux de distribution.
En conclusion, cette nouvelle ère européenne pourrait avoir des répercussions importantes sur l'industrie de l'hébergement touristique avec une autonomie totale et "sécurisée" pour les hébergeurs dans leur stratégie tarifaire. Donc, un potentiel de croissance supplémentaire pour les réservations directes et , in fine, un rééquilibrage du paysage concurrentiel entre les différentes plateformes de réservation, Booking et Google (lui aussi concerné, en premier chef par la DMA).
Cependant, bien que ces changements semblent favorables aux hôteliers et aux consommateurs, il reste à voir comment Booking.com adaptera sa stratégie pour maintenir sa position sur le marché car - DMA ou pas - le leader mondial entend le rester et ne pas faire de cette nouvelle situation (aux obligations de laquelle ses concurrents ne sont pas encore assujetis) un frein à son développement sans limite.
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La réservation directe en progression ! Selon le dernier rapport Skift Research (Hotel Distribution Outlook 2024), Skift prédit que d'ici 2030, les réservations directes auront dépassé les OTAs en tant que canal de distribution. Selon l'étude (sur laquelle nous reviendrons la semaine prochaine), 409 milliards de dollars de réservations brutes d'hôtels devraient provenir des canaux numériques directs, contre seulement 333 milliards de dollars des OTAs.