Forfait ou réel ? "That is the question" en 2024
Au moment où de nombreux propriétaires de meublés finalisent leur déclaration de revenus, nombreux ont la main qui tremble au moment de valider leur formulaire en ligne car ils ne savent pas vraiment à "quelle sauce ils seront mangés" ... Cependant, l'administration fiscale se veut rassurante en communiquant franchement sur son indulgence.
Quel sera finalement le montant d'impôt payé sur leurs revenus de location de courte durée par les propriétaires (et contribuables) français ? Car, depuis décembre dernier, c'est un peu les montagnes russes au sujet de la "nouvelle" fiscalité des locations saisonnières. Comme nous l'annoncions ici même, un imprévu de dernière minute aurait complètement modifié les articles de la loi de finances 2024 en laissant passer "par erreur" (selon le fisc) un amendement qui a finalement modifié de manière significative le régime fiscal des locations meublées touristiques non classées.
Avant cet amendement, ces locations bénéficiaient d'un régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) avec un abattement forfaitaire de 50 % pour des revenus allant jusqu'à 77.700 euros.
Cependant, le "nouvel amendement" a drastiquement réduit ce plafond à 15.000 euros et, en plus, a abaissé le taux d'abattement à 30 %. Cela signifie qu'au-delà de 15.000 euros de revenus annuels (les loyers perçus sur les locations saisonnières), les propriétaires devront opter pour le régime réel; ce qui nécessite une déclaration de résultat détaillée pour calculer l'impôt sur le revenu en fonction des charges réelles engagées sur leur patrimoine immobilier dédié à la location saisonnière.
Les parlementaires s'accrochent à l'amendement
L'administration fiscale a été la première à "pointer cette erreur" et à publier une note de bienveillance auprès de ses services afin de faire savoir que les règles qui s'appliqueraient aux revenus de 2023 seraient les mêmes que celles de l'année précédente. Cette note a entrainé le courroux des parlementaires à l'origine de cet amendement qui considèrent qu'il n'est en aucune manière une "erreur" et qu'il doit, par conséquent, être appliqué par l'administration au même titre que tous les autres articles de la loi de finances. Un recours, en ce sens, devant le conseil d'Etat est en cours d'instruction et pourrait donc trancher définitivement la question en donnant raison soit aux parlementaires, soit à l'administration fiscale ...
Si cela ne change rien aux montant des revenus à déclarer (les revenus restent les mêmes en effet ...), la difficulté pour un propriétaire est plutôt de savoir s'il reste dans les limites du "forfait" (sur lequel s'appliquera l'abattement "ancien") ou s'ils doivent, au contraire, passer au "réel" afin de ne pas se faire lourdement imposer en l'absence de charges déductibles.
Conscient de ces difficultés potentielles - voir de ce dilemme - que cette incertitude fiscale pouvait générer, le fisc a stipulé une mesure transitoire pour les revenus de 2023. En clair, les fonctionnaires de Bercy permettent aux loueurs de conserver l'ancien régime micro-BIC avec l'abattement de 50 % jusqu'à 77.700 euros de loyers lorsque le meublé n'est toujours pas considéré comme "classé tourisme".
En revanche, de manière certaine, les meublés de tourisme classés conservent leurs conditions antérieures avec un abattement possible jusqu'à 188.700 euros de revenus, voire même un abattement supplémentaire portant le total à 92 % sous certaines conditions. Le propriétaire doit démontrer que son logement n'est pas situé dans une zone subissant un important déséquilibre entre l'offre et la demande de logements (en clair, certaines zones rurales), et sous réserve qu'il n'ait pas perçu plus de 15.000 euros de loyers toutes activités de location meublées confondues (courte et longue durée). Pour ces propriétaires, clairement, le maintien du régime micro-BIC représente une opportunité non négligeable.
Selon plusieurs spécialistes de la fiscalité, en revanche, les propriétaires qui auraient déjà opté pour le régime réel (qui permet de déclarer les loyers en déduisant les dépenses réelles) pourraient ne pas trouver avantageux de changer de régime, surtout si leurs activités génèrent des déficits.
Les charges sociales aussi ... pour la retraite
Cela reste particulièrement vrai dans le contexte où, dès que les revenus de location excèdent 23.000 euros annuellement, la location meublée est considérée comme une activité professionnelle. Cela impose donc l'affiliation au régime de Sécurité sociale et le paiement de cotisations sociales plutôt que de simples prélèvements sociaux, ce qui ouvre des droits à la retraite et autres prestations sociales.
Pour les locations saisonnières de courte durée, les propriétaires doivent donc choisir entre le régime social des indépendants et le régime général alors que pour les locations de longue durée, le régime social des indépendants est obligatoire.
Selon certains propriétaires, bien que ces cotisations sociales représentent un coût supplémentaire, elles peuvent être avantageuses à long terme, notamment en permettant la validation de trimestres pour la retraite sans devoir racheter des années d'études, ce qui peut être, quelquefois, plus coûteux.
En 2024, le versement moyen des charges sur les locations saisonnières (931 euros en moyenne) permettrait de valider trois trimestres par an en lieu et place du rachat "classique de trimestres" d'années d'études supérieures qui sont, en général, facturés entre 3.000 euros et 6.000 euros à partir de 60 ans.
La réforme fiscale de 2024 comporte donc encore quelques inconnues quant à la manière dont les revenus seront finalement taxés et, par conséquent, des taux d'abattement et de plafond qui seront finalement validés par le conseil d'Etat. Même si l'indulgence fiscale a été annoncée, le risque qu'elle soit contredite par la plus haute juridiction administrative est entier et les propriétaires qui auront écarté la déclaration "au réel" d'un revers de manche risquent de se voir plus lourdement taxés ... Réel ou forfait ... that is the question !