Pression sur les locations meublés : les propriétaires et gestionnaires réagissent
L'annonce faite, par Bruno Le Maire, d'un prochain "tour de vis fiscal" sur les locations saisonnières est prise très au sérieux par les propriétaires les plus importants et les gestionnaires de propriétés. La semaine dernière, alors que se profile un agenda législatif pour cet automne, la plupart d'entre eux ont publié une "lettre ouverte" ...
Les propriétaires de locations saisonnières ne veulent pas être les boucs émissaires de la prochaine réforme fiscale sur l'immobilier, principalement motivée par la volonté de privilégier les résidents "à l'année" plutôt que la "spéculation saisonnière".
Selon les signataires (voir plus bas), ces derniers se sentent "sur le banc des présumés coupables, au côté des plateformes de location meublée touristique ...". Cependant, selon eux: "Oui nous gérons des dizaines de logements, et parfois plus, que nous proposons à des touristes dans les grandes villes et les stations touristiques françaises. Mais non, nous ne sommes pas des multipropriétaires : ces logements ne sont pas les nôtres, comme l'affirment de manière caricaturale certains responsables politiques et associatifs !"
Et de préciser, comme le font d'ailleurs les plateformes de location dans leurs "éléments de langage" que "ces logements (...) appartiennent à des milliers de Français qui louent occasionnellement leur résidence principale ou leur maison de famille pour percevoir un complément de revenu - près de 4.000 euros bruts annuels en 2022 - et qui ont choisi de confier à nos entreprises la gestion de ces locations lorsqu'ils ne sont pas chez eux ... Peu importe (donc)que nous, acteurs français de l'hébergement touristique, soutenions le pouvoir d'achat de nombreuses familles françaises en cette période d'inflation".
Selon ce collectif de signataires, l'activité des locations saisonnières est pourtant "déjà fortement régulée dans de nombreuses villes, mais elle devrait, selon ses détracteurs, être encore un peu plus entravée".
Un apport quantifiable
Les propriétaires et gestionnaires signataires de cette "lettre ouverte" aux pouvoirs publics, en général, élus locaux et responsables nationaux, estiment que porter atteinte à leur activité, c'est aussi porter atteinte indirectement au "financement de la rénovation énergétique", à "des dizaines de milliers d'emplois non délocalisables, des ingénieurs travaillant sur nos plateformes de services aux responsables commerciaux locaux, en passant par les entreprises de ménage ou encore les blanchisseries" ou encore à l'équilibre économique de certaines communes touristiques qui, "sans l'activité de location saisonnière, verraient se multiplier les volets clos et les lits froids de résidences secondaires inoccupées presque toute l'année sans pour autant augmenter l'offre de logements sur leur territoire".
Outre ces revendications, les signataires reconnaissent qu'il y a un sujet d'enjeux "majeurs sur le logement dans certains territoires" et que "Les élus locaux bénéficient déjà d'outils efficaces (...) pour construire des réglementations locales adaptées à leurs besoins et à leurs enjeux". Et de conclure que le problème du mal-logement français ne se résoudra pas en résorbant les 800.000 meublés touristiques mais en mobilisant "les 3,1 millions de logements vacants en France (et en privilégieant) la relance de la construction et d'un secteur immobilier à la peine face à l'inflation". Et d'inviter les pouvoirs publics à travailler main dans la main avec la profession pour trouver "ensemble des solutions pérennes permettant de répondre à cette crise, tout en protégeant l'activité de nombreuses entreprises locales et le pouvoir d'achat des Français".
Pas sûr, cependant, que le message soit réellement entendu par les pouvoirs publics qui ne manqueront pas de pointer le dialogue de sourd qui s'instaure depuis quelques semaines. Certes, au commencement, la question du mal-logement a cristallisé les premières attaques (notamment, dans les grandes villes), mais la récente "sortie" de Bruno Le Maire avait plutôt tendance à pointer le caractère "inéquitable" des avantages fiscaux concédés aux locations saisonnières qui, en ces temps de réduction des dépenses publiques et de recherche de nouveaux produits fiscaux, apparaissent comme une niche plutôt appetissante ...
Ce que veulent faire les élus
Globalement, les autorités publiques (comme les députés Annaïg Le Meu, Renaissance, et Inaki Echaniz, Parti Socialiste) qui ont déposé une proposition de loi en ce sens, la fiscalité actuelle des locations saisonnières est trop avantageuse (par rapport aux locations longue durée).
Selon de nombreux spécialistes, la fiscalité qui s'applique sur la location longue durée (non meublée) permet de bénéficier d'un abattement de 30% jusqu'à 15.000 euros de revenus alors que pour les locations meublées saisonnières (soumises au régime des bénéfices industriels et commerciaux, BIC), l'abattement fiscal est de 50% jusqu'à 72.600 euros de revenus. De plus, dans le cas d'un dépassement de ce plafond, le propriétaire peut encore déduire toutes ses charges, y compris un amortissement du bien immobilier. Enfin, s'agissant des mêmes logements mais "classés en tant que meublés touristiques", l'abattement fiscal grimpe jusqu'à 71% et un plafond de recettes de 176.200 euros.
Selon les partisans d'une profonde révision fiscale, démonstration est faite que la location longue durée est forcément moins avantageuse financièrement que sa "petite cousine touristique" et incite à plus de spéculations immobilières depuis ces dernières années et l'avènement des plateformes de locations.
Les propositions qui tiennent la corde pour un vote, cet automne, ont donc tendance à venir "raboter" les avantages et les plafonds :
- l'abattement passerait de 71 % à 50 % pour les meublés classés et de 50 % à 30 % pour les meublés classiques dans les zones dites tendues.
- le texte prévoit également de donner plus de moyens aux collectivités pour réguler ces offres (droit de regard sur le changement d'usage d'un logement ou encore possibilité d'adapter les dispositions règlementaires en fonction "de leurs enjeux locaux"; une modération que les députés, auteurs de la proposition de loi, et Jean-René Cazeneuve réfutent en raison du caractère national de la crise du logement.
Clairement, le dispositif a été plutôt penser pour viser, selon ce dernier: "ceux qui achètent trois, quatre ou cinq appartements pour en faire un business très lucratif ...". À cela, les députés ajoutent qu'il "s'agit seulement de réduire un avantage fiscal qui ne se justifie plus et de reconsidérer le logement comme une valeur patrimoniale plutôt que comme une valeur de spéculation lucrative" selon un propos de Annaïg Le Meur rapporté, la semaine dernière, par Les Echos.
Sauf surprise, donc, la rentrée devrait marquer le début d'une évolution majeure de la fiscalité des meublés touristiques. Ajoutons à cela la mise en application des récentes directives européennes sur la traçabilité et l'uniformisation des échanges via les plateformes de locations pour mieux tracer les transactions et l'on se trouve face à un début d'encadrement que les organisation professionnelles (hôteliers en tête) appellent de leurs voeux depuis des années maintenant. La probabilité que l'investissement locatif soit moins juteux (du moins, tel que certains investisseurs le pratiquaient ces dernières années) dans les années à venir commence donc à grossir singulièrement ...