L'inflation pousserait-elle à voyager plus tôt cet été ?

L'inflation pousserait-elle à voyager plus tôt cet été ?

Ce sera probablement une première : le mois d'août, généralement synonyme de "rush", devrait être moins chargé que les années précédentes. La raison ? Selon l'étude publiée par l'European Travel Commission cette semaine, les européens (y compris, les français, vont privilégier les périodes dites de "moyenne saison" pour bénéficier de prix plus abordables et maintenir une durée de vacances équivalente aux années précédentes comme pour mieux gommer une partie des conséquences de l'inflation ...

Le phénomène a déjà été observé aux US l'an dernier: pour continuer à partir en vacances, en dépit de la hausse des prix, les américains avaient décidé de partir moins loin, moins longtemps ... et surtout, à des périodes très éloignées de la très haute saison (pour maintenir leur durée de séjour sur des périodes où les prix sont généralement plus bas). Il semblerait que ce phénomène touche désormais l'Europe (avec un an de délai quand même) selon les dernières conclusions de l'European Travel Commission (ETC) qui relève une intention de départ toujours aussi importante (malgré l'inflation), mais à des périodes moins centrées sur la haute saison ... Un des points ultra-positifs de cette étude est que la France sera, en 2023, la destination préférée des européens (avant l'Espagne).

Source : Intentions de voyages des européens (ETC-Mars 2023)

Selon l'ETC, qui interroge chaque année 6.000 voyageurs européens avant les "grands départs": "La plupart des européens qui prévoient de voyager cet été, le feront avant le mois d'août". Pour ces voyageurs, hors de question de partir aux mêmes périodes "chargées" que les années précédentes et de se risquer à payer les prix les plus forts. Ainsi, l'autre enseignement de l'étude est que, pour faire face à l'inflation (qui touche aussi le secteur du voyage), "les européens choisissent désormais de planifier et de réserver leurs voyages longtemps à l'avance". C'est dire si les habitudes de consommation changent du tout au tout, d'une année sur l'autre quand on se souvient que le "lastminute" dominait lors des périodes (par nature incertaines) des déconfinements post-covid. L'incertitude, justement, est un mot-clé qui monte en flèche dans les réponses données par les européens : selon l'ETC, par exemple, "les conditions météorologiques imprévisibles sont désormais une préoccupation supplémentaire pour 7 % des voyageurs" qui vont, par conséquent, choisir leur prochain lieu de villégiature en fonction de l'exposition aux risques de leur destination (nombreux sont ceux, en effet, qui gardent à l'esprit les évacuations spectaculaires du Camping des Flots Bleus, victime des grands incendies de l'été 2022).

Le camping des Flots Bleus dévasté par les incendies de l'été 2022 - Source Thibaut Moritz - AFP pour RTL

L'inflation bloque certains départs

Comme on s'en doutait (et comme nous l'écrivions déjà dans de nombreux articles précédents), l'inflation qui ravage toutes les économies mondiales ne sera pas sans impact sur les départs en voyages, cette année. Ainsi, l'étude ETC dévoile que, si une bonne partie des européens prévoit de voyager entre avril et septembre 2023 (72%), ce taux de départ accuse une forte baisse de 5% par rapport à la même
période en 2022.

Si les plus jeunes (18-24 ans) sont les plus nombreux à remettre en question leur volonté de voyager (61%), les plus âgés (25 ans et plus) s'affirment prêts à partir pour près de trois-quart d'entre eux (74%).

Cependant, le phénomène des départs anticipés apparaît avec une force inédite cette année puisque les européens semblent être plus nombreux à prévoir des escapades au printemps et au début de l'été: ainsi, près de 30 % d'entre eux ont l'intention de faire un voyage avec nuitées entre avril et mai (soit une hausse de 6 % par rapport à 2022) et 40 % envisagent de voyager en juin ou en juillet, tandis que seulement 23 % prévoient de voyager en août et en septembre (en baisse de 9 % par rapport à l'année dernière).

Cette année encore, les européens accompliront d'importants efforts pour maintenir leurs dépenses de voyage dans le cadre d'un budget maîtrisé. Pour cela, 17% vont privilégier la réduction de leurs achats courants avant leur départ en vacances tandis que, en prévision de leur départ, 16% vont se mettre en quête d'un hébergement moins cher et, sur place, la recherche de restaurants moins chers ou d'un hébergement "indépendant" (15%) sur le lieu de destination.

Ces indications - qui se précisent avec leur proximité chronologique avec les prochaines périodes de départ - doivent donc vous inciter à revoir, le cas échéant, votre politique tarifaire et, notamment, vos offres "early bird" si ce n'est pas déjà fait ...

Cette "belle saison" encore, les européens resteront majoritairement sur le Vieux Continent : l'ETC mesure que "les voyages à l'intérieur de l'Europe restent le premier choix : 30 % des voyageurs prévoient de visiter un pays européen voisin, et 28 % se rendent dans un pays non voisin. Dans le même temps, seuls 11 % des
répondants prévoient des voyages en dehors de la région"
.

Cette année encore, le marché intérieur sera donc particulièrement dynamique pour toutes les destinations touristiques et des habitudes nouvelles vont s'accentuer comme le recours aux transports publics (bus ou train) qui va augmenter de 6% par rapport à l'an dernier. Une tendance qui fait le contrepoids du recours de plus en plus réduit à la voiture car, selon l'ETC: " Le départ en voiture personnelle (26 %) va tomber à son niveau le plus bas depuis le début de cette étude, en 2020".

Question budget:

  • 35 % des Européens prévoient des voyages de 4 à 6 nuits avec un budget moyen de 501 à 1 000 euros,
  • Quant à la part de ceux qui prévoient de dépenser plus de 1 500 euros, cette dernière a augmenté de 7 % par rapport à 2022 (à 37 %).

Cette année encore, ce seront les 54 ans et plus qui montreront un intérêt plus
marqué pour les voyages plus longs et plus coûteux.

À date, selon l'ETC, 52 % des Européens ont déjà entièrement ou partiellement réservé leur prochain voyage (en hausse de 8 % par rapport à 2022), ce qui, toujours selon les analystes européens, "témoigne de la confiance croissante des consommateurs dans la justesse des prix pratiqués sur internet". Le recours à la dernière minute devrait donc, selon toute vraisemblance, être moindre en 2023.

Source : ECT - Mars 2023

Outre la question de l'inflation qui perturbe forcément les choix des voyageurs européens, les tendances de voyages restent à peu près les mêmes que l'an dernier à la même époque, ce qui est plutôt rassurant.

En regardant de près les intentions des français, l'étude de l'ETC confirme une légère progression du nombre de compatriotes qui tireront un trait sur les vacances cette année avec une désaffection relative des zones côtières accusées d'attirer de nombreux clients et donc, d'attiser l'inflation des produits sur place.

Comme pour le reste des pays européens, l'Espagne attirera moins de français cet été; ces derniers semblant plutôt dispoés à rester "au pays" et, si possible, près de chez eux, certainement pour ne pas trop grever leur budget vacances par des surcoûts de carburants. La période du mois d'août, comme pour le reste des voyageurs européens, devrait aussi être boudée par les voyageurs français.

Si l'on revient aux US où le phénomène inflationniste est plus ancien et a donc déjà provoqué des conséquences majeures sur la consommation de voyages, nous pouvons observer une meilleure évolution de la situation avec plus d'un an de recul par rapport à la situation européenne. Ainsi, aux US, l'industrie hôtelière relève une augmentation des tarifs non ajustés de 8% par rapport à mars 2022, marquant également un bond de 8,5% par rapport à janvier. Alors que la hausse poursuit une tendance à la hausse des prix, le taux de croissance a ralenti par rapport aux 26 % enregistrés fin 2021.

Du point de vue de la réaction des clients, l'American Society of Travel Advisors (ASTA) a révélé dans un sondage plus tôt cette semaine que 47 % des répondants considéraient les vacances comme leur principale dépense discrétionnaire, soit bien avant l'amélioration ou la rénovation du domicile (23 %) ou encore l'achat d'un nouvel ordinateur (10 %), qui se classent respectivement deuxième et troisième position.

Décidemment, depuis le covid, les années se suivent ... et ne se ressemblent pas !

Types de destinations envisagés par les européens en 2023 - Source : ETC