NYC ne rigole plus avec la location courte-durée

NYC ne rigole plus avec la location courte-durée

La location de courte durée est considérée comme un véritable fléau par la mairie de New York et des dizaines d'autres grandes villes comme Paris. Chacune rivalise d'imagination pour "réguler" ou "contrer" selon les cas, mais les mesures qui s'appliqueront à la Grosse Pomme à compter du 9 janvier prochain sont inédites en termes de contraintes et de sanctions financières pour les plateformes et les propriétaires ...

Depuis toujours, New York City s'est imposée comme la ville la plus active (avant Paris) dans la lutte (ou, plutôt, la régulation pour employer un ton moins martial) contre les locations de courte durée. Et aux US, comme ailleurs, comme "courte durée" est souvent synonyme d'Airbnb, on peut résumer les nouvelles mesures du maire Eric Adams comme une véritable déclaration de guerre, non pas à la plateforme en tant que telle, mais aux "propriétaires" qui cumulent entorses sur entorses pour continuer leur lucratif business; des mesures qui risquent d'inspirer plus tôt qu'on ne le pense d'autres grandes villes comme Paris, par exemple.

Cette fois-ci, le dispositif mis au point par la ville de NYC pour lutter contre les locations de courte durée (qui perturbent le marché hôtelier et raréfient l'offre de logements permanents) est des plus incisifs: à compter du 9 janvier prochain, un propriétaire qui voudra continuer à recevoir des locations de courte durée chez lui devra:

  • enregistrer sa location auprès de la mairie de NYC et obtenir un numéro d'enregistrement que Airbnb (ou d'autres plateformes concurrentes) devra afficher sur son site en vis-à-vis de chaque annonce,
  • être le propriétaire "véritable" du bien immobilier et non pas une société immobilière qui cherche à rentabiliser "à mort" son investissement,
  • et donc, prouver qu'il vit lui-même sur place, et qu'il s'engage donc à ne louer qu'une partie de son bien (une ou plusieurs chambres) et non pas le bien dans sa totalité,
  • d'accueillir lui-même les "guests" Airbnb,
  • par ailleurs, les "hosts" devront s'engager à ne pas louer plus de 30 jours consécutifs leur bien et encore moins à en autoriser la sous-location (par exemple, à une "conciergerie" qui se chargerait ensuite, à trouver ses propres locataires pendant l'absence des propriétaires effectifs; en général, pendant leurs propres vacances ...),
  • pour aller plus loin, la nouvelle réglementation impose aux "hôtes" de fournir au bureau du maire les noms légaux complets de tous les résidents d'un logement donné, ainsi qu'une preuve du statut permanent de l'habitation, comme un bail.
  • les hôtes doivent également certifier que leurs locations respectent les codes du bâtiment locaux, les exigences de zonage et les règles de sécurité (qui sont devenus de plus en plus stricts à NYC). Un exemple, le bien immobilier ne devra comporter qu'une seule entrée et non pas une entrée secondaire (réservée aux voyageurs) et, pour prouver cela, lors de leur inscription en mairie, les propriétaires devront fournir un plan et des photos de leur bien à l'appui ...

Amendes et transparence

Pour aller plus loin, si les hôtes n'acceptent pas de fournir les informations requises, la mairie ne leur adressera pas les identifiants d'inscription au portail municipal leur permettant de récupérer leur numéro d'enregistrement et Airbnb aura l'interdiction (par la loi locale) de reverser au propriétaire les fonds qui lui sont destinés. Dans le cas où Airbnb (ou toute autre plateforme) enfreindrait cette disposition, la mairie de NYC appliquera une amende de 1500$ par violation à la plateforme et une autre amende de 5000$ au propriétaire !

Enfin, les informations d'enregistrement de tous les "hôtes" seront publiées dans une base de données accessible au public et certifiées par la mairie. N'importe qui pourra donc savoir qui loue (ou sous-loue ...) un bien sur une plateforme de locations de courte-durée.

Savoir ce qui est légal ou pas

Aux US, cette nouvelle salve de mesures vient éclairer un contexte de grande suspicion à l'égard des plateformes. On leur reproche plusieurs griefs : historiquement, pour les syndicats professionnels, elles perturbent le marché de l'hôtellerie, pour les villes, elles déséquilibrent le marché de la location longue-durée et appauvrissent l'offre de logements permanents au profit de locations de courte durée et, pour les plus à la pointe, elles ne sont plus depuis longtemps le marché des particuliers qui tentent d'arrondir leurs fins de mois mais plutôt un marché de professionnels qui investissent, à dessein, dans des biens immobiliers uniquement destinés à la rentabilité locative de courte durée.

D'ailleurs, récemment, un rapport publié par AirDNA affirmait que le profil du propriétaire individuel qui louait sur les plateformes de courte-durée ne représentait plus que 37% des offres et non pas 90% comme l'affirment les principales plateformes comme Airbnb et ses rivaux. Cette annonce bat, évidemment, en brèche le storytelling d'une location généralisée par des propriétaires individuels confrontés à des besoins de revenus complémentaires. C'est aussi ce que vise de contrecarrer la mairie de NYC avec sa nouvelle législation: identifier "pour de bon" qui sont les "hosts" des biens publiés sur Airbnb et discerner si la proportion de propriétaires "individuels" correspond bien aux annonces officielles des plateformes.

Par ailleurs, selon Christian Klossner, le redouté chef du bureau des locations de courte durée à la mairie de NYC: "Le système d'enregistrement aura un effet très significatif car il permettra aux hôtes de savoir avec certitude ce qui est légal et ce qui ne l'est pas ...".

Une décôte de 7%

Selon les prévisionnistes, du fait de cette nouvelle réglementation, Airbnb devrait déplorer rapidement la perte de plus de 10 000 annonces sur New York ! Airbnb, de son côté, s'est fermement opposé aux nouvelles règles et, dans un communiqué publié ce weekend, la plateforme a déclaré que ces nouvelles dispositions "aboutiront à un système d'enregistrement draconien et inapplicable qui empêchera les hôtes légaux et responsables d'inscrire leurs maisons".

Ces mesures - draconiennes - devraient encourager d'autres grandes villes à aller dans ce sens; ce qui fait dire aux analystes financiers qu'elles pourraient aussi venir contrarier la croissance future du champion de la location courte-durée. La semaine dernière, par exemple, la banque d'investissement Morgan Stanley a réduit sa note sur AirBnb, ce qui a eu pour effet de réduire son prix cible à 80 $ au lieu de 100 $ par action. Pour justifier ce choix, Morgan Stanley explique que, d'après ses calculs, l'offre de propriétés présente sur AirBnB ralentira à 7% par an jusqu'en 2025, soit en baisse par rapport au rythme de 12% de 2018 à 2022. Et, dans la foulée, Morgan Stanley a même réduit ses estimations pour les nuitées réservées entre 2023 et 2024 ...

elloha x Google Things To Do

En Europe, aussi !

La Commission européenne n'est pas en reste sur le sujet: depuis plusieurs semaines, l'autorité bruxelloise a affirmé une ambition plus vive de réguler les locations de courte durée en empruntant le chemin des données gérées par les plateformes; ce qui devrait permettre, "en descendant", de mieux cerner les profils des loueurs et donc, de décider des meilleures mesures à adopter pour les réguler.

Dans la même veine que les directives new-yorkaises, l'Europe pourrait faire prochainement adopter un règlement qui obligerait, dans tous les pays de la communauté, à imposer aux plateformes de locations de vérifier le numéro d’enregistrement des hôtes (les propriétaires) selon des protocoles à définir (systématique, aléatoire ?). Cette directive - après avoir été adoptée par les états membres - aurait le mérite d'imposer une pratique générale là où, pour l'instant, les règlementations sont plutôt gérées au niveau des communes.

De son côté, Airbnb accueille favorablement ces tentatives de régulation: il faut dire que les locations de courte durée sont "dans le viseur" et que, dans ces cas-là, mieux vaut coopérer à trouver un modus operandi qui convienne à tous plutôt qu'un bras de fer qui risque de coûter cher aux opérateurs de plateformes; ce, d'autant plus, que la détermination des gouvernements à réguler ce marché n'est plus à démontrer des deux côtés de l'Atlantique ...