Pourquoi Booking revient au "request" !

Pourquoi Booking revient au "request" !

Trois pays - dont la France - vont faire l'objet d'un "pilote" (un test) chez Booking : introduire des offres qui ne sont réservables que "sur demande" (le fameux "Request"). Le client n'a pas de réponse immédiate et, en cas d'accord du client, ce dernier a 24 heures pour lui confirmer. En clair, Booking (cela n'est qu'un test ...) accepterait de sacrifier à ce qui a fait sa marque de fabrique - et son succès ! - depuis toujours : la réservation instantanée (un hébergement me plait, ses prix me conviennent, il est libre, je réserve !). Pourquoi ce test ? Quelle(s) incidence(s) sur l'évolution du marché ?

Ce test semble tout droit sorti de "Retour vers le futur" ! Alors que depuis des années, la marque de fabrique de Booking (et des autres grands OTAs qui l'ont suivi) est la réservation instantanée, le géant des réservations serait-il, avec ce test, en train de revenir en arrière ? Certainement pas ! Autant se le dire de suite...

Alors pourquoi afficher des offres a priori, "non disponible sur le moment" quand on sait que ce genre de retour en arrière n'est pas du tout du goût des voyageurs ? En effet, attendre 24 heures qu'un propriétaire réponde à une demande de réservation est une méthode révolue qui a montré ses limites lorsque l'océan de réservation est plein d'offres réservables instantanément ...

Booster les "stocks"

La "demande de réservation" est tout sauf une grande avancée technologique (c'est même un sacré retour en arrière ... mais, qui ne concernera pas les offres déjà en ligne, prévient Booking). Avec ce "pilote, les nouveaux propriétaires (ou gestionnaires) de biens immobiliers pourront désormais choisir leurs clients ... après seulement avoir examiné leur demande de réservation. Et c'est bien là que touche la stratégie de ce pilote : attirer sur Booking des propriétaires qui ont marqué une grande réticence à se distribuer en temps réel, à prendre le risque de voir arriver des anonymes dans leur appartement ou des groupes dont ils ne veulent pas (comme les fêtards, par exemple).

Ce pilote illustre donc la "guerre" que se livrent les grands OTAs de la planète dans la "course à l'armement"; c'est-à-dire, celle qui consiste à afficher le plus grand stock d'offres sur son site pour attirer le plus grand nombre de clients. C'est clairement la logique de la "grande surface": plus c'est grand et plus les rayons contiennent de produits, plus ils attirent de clients certains de trouver dans un même espace le maximum de choses qu'ils recherchent ... La stratégie des grands du voyage est donc la même qu'un Carrefour, un Wallmart ... ou un Amazon si l'on veut combiner les comparaisons commerciales, américaines et digitales. Ouf !

La réservation "sur demande" n'est qu'un test sur 3 pays, dont la France.

La probabilité que ce pilote ne concerne qu'une infime (voire très infime) partie de l'offre Booking est, cependant, énorme : le business juteux de Booking provient de sa grande promesse (toujours tenue) d'offrir à ses clients un "inventaire" large, avec des prix en temps réel ... et une réservation instantanée ! Cette instantanéité est même la clé du succès de Booking et participe pour l'essentiel à son taux de conversion de 3% ... C'est d'ailleurs aussi pour cela que, Airbnb, qui était très en retard sur ce point (jusqu'à il y a trois ans, la réservation "sur demande" était dominante) est passée à la réservation instantanée généralisée pour tous ses propriétaires ... Sans la capacité de recevoir des réservations instantanées et donc, des commissions, c'est tout le modèle économique de ces acteurs qui s'éffondre. C'est aussi pour cette raison que Booking parle de "pilote et d'un moyen qui sera forcément limité aux nouveaux "entrants" et dans des proportions très très limitées.

Dans tous les cas, ce test comporte de nombreux points à surveiller :

  • Booking enregistrera-t-il un taux de conversion similaire sur les offres "à la demande" versus les offres à réservation "instantanée" ? Pas certain ... le "sur demande" est vraiment un usage révolu dans l'esprit d'une immense majorité de voyageurs: il est donc, à peu près probable, que les taux de conversion de ces offres soient bien plus bas que les offres "instantanées",
  • Les propriétaires seront-ils réactifs ? Booking ne leur laissera qu'un maximum de 24 heures ? Aux US, ce pourrait être le cas puisque ces offres sont plutôt destinées à des agences de réservation qui se chargent de gérer certains biens (en concurrence, avec d'autres agences). Il est donc possible que ces agences soient trés réactives pour ne pas louper l'affaire ... En revanche, rien ne dit que les particuliers soient aussi réactifs ... surtout, s'ils ne sont pas habitués à la forte cadence de Booking,
  • Les voyageurs seront-ils réactifs à leur tour ? Booking leur laisse aussi 24 heures pour répondre aux confirmations des propriétaires. En clair, je demande aujourd'hui, je reçois un accord demain, je peux confirmer ma réservation après-demain. Est-ce que le propriétaire va bloquer le bien au risque que je ne donne pas suite et qu'il perde une autre opportunité ? Les voyageurs, on le sait, ne s'arrêtent pas sur un seul bien. En attendant l'avis du propriétaire, il y a de fortes chances qu'ils réservent ailleurs (là où la réservation est instantanée) et que, dès lors, leur demande reste "lettre morte",
  • Enfin, dans quelles limites, les données échangées sur les "demandeurs" seront-elles conformes à la loi des pays concernés ? Airbnb et d'autres OTAs avaient dû affronter de sérieuses critiques aux US s'agissant de propriétaires qui refusaient les demandes de clients de couleur ... et ce, en fonction des données transmises à l'occasion des réservations "sur demande". En effet, dans ces cas, les propriétaires n'activent pas le "sur demande" pour rien: ils veulent savoir à qui ils ont affaire et attendent un maximum de renseignements sur leurs futurs clients avant de se prononcer (pas sûr, à ce jeu, que Booking leur donne autant de transparence que Airbnb; voir plus bas) ...
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Chercher "l'alternatif"

Avec ce pilote, Booking démontre tout son intérêt pour l'offre dite "alternative"; c'est-à-dire, principalement, les locations de vacances (appartements, gîtes, etc) que son rival, Airbnb, a su attirer à lui dans ses débuts sur un mode "doux" du "Sur demande". En effet, ces propriétaires réagissent différemment des hébergeurs professionnels (et à temps plein) comme les hôteliers, les maisons d'hôtes ou les campings. Pour beaucoup d'entre eux, l'activité est ponctuelle (quelques semaines par an) et souvent limitée à un seul bien : dans ce cas, la réservation instantanée, l'arrivée de clients qu'ils n'ont pas eu le temps de "jauger", etc ... sont vécus comme des contraintes plus que des avantages ... et donc, cela les a longtemps incité à se tenir hors des grands portails de vente. Disons, qu'avec ce test, Booking se donnera les moyens de les attirer plus franchement ...

L'alternatif n'est pas qu'une façon supplémentaire de nourrir l'appétit des OTAs, c'est surtout un marché en pleine croissance depuis que les propriétaires se sont lancés dans la réservation en ligne. Au deuxième trimestre de cette année, par exemple, une nuitée sur trois (32%) réservée sur Booking était faite sur un hébergement "alternatif" ... et le géant en compte déjà 6,6 Millions !

Si la France, les US et l'Australie font partie de ce "pilote", c'est aussi parce que ces trois pays recèlent une masse d'adresses "alternatives" qui pourraient rendre ce business encore plus juteux en l'espace de quelques années seulement. D'ailleurs, le "Sur Demande" n'est pas le seul dispositif mis en oeuvre par Booking pour attirer les propriétaires de locations de vacances : comme nous l'avons déjà relaté, Booking a aussi lancé une nouvelle assurance de couverture des biens loués (pour 1 Million d'euros à chaque réservation), de nouveaux moyens de paiements des propriétaires sont testés aux US (pour parer le fait que certains ne disposent pas de terminal de paiement) et des assurances-dommages nouvelles seront également bientôt associées à certaines réservations de locations de vacances, etc ... Bref, il va falloir s'habituer à voir de plus en plus de locations de vacances sur Booking ...

Le "temps réel" sera toujours privilégié

Mais, ne nous y trompons pas, avec ce pilote Booking ne s'intéresse qu'aux propriétaires réticents, à ceux qui n'allaient pas sur les OTAs par crainte des conséquences des "réservations instantanées" (appartement pas prêt, pas envie de recevoir tel ou tel type de client, crainte de l'inconnu, pas d'assurance à la hauteur, etc).

Pour le voyageur, Booking priviligiera toujours la réservation instantanée et il ne fait aucun doute que les offres en "temps réel" seront toujours celles que Booking affichera en premier lieu.

Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder ce qu'a fait Airbnb : pendant longtemps, le rival de Booking surfait sur une majorité d'offres "sur demande", avant d'inciter les hébergeurs à passer au "temps réel" (ce qui a boosté ses revenus). Désormais les "hosts" le savent, en passant à la réservation instantanée, ils sont garantis d'un meilleur classement sur Airbnb qui leur donne cette explication: "La réservation instantanée affecte positivement votre taux de réponse pour votre annonce, ce qui peut améliorer le positionnement de votre annonce dans les résultats de recherche". Car, ne nous y trompons pas, après des années de régime "temps réel", le voyageur ne supporte plus l'attente et le "On Request" ! Dans de tels cas, il part vite voir ailleurs.

Alors, à quoi bon faire du "sur demande" ? Tout simplement, pour amadouer les propriétaires réticents, leur permettre de franchir un pas déterminant ... et, ensuite, via des messages bien pensés, leur faire comprendre que si leurs réservations ne décollent pas, c'est à cause de leur méthode de vente surranée. Libre à eux, ensuite, de passer au "temps réel" en deux-deux ...

Des données partagées

Si, aux US, le "Request" est souvent motivé par des raisons de "préférence à choisir les clients" (souvent, en raison de craintes concernant l'accueil de clients susceptibles d'endommager la propriété ou de pas être en phase avec le standing du lieu), les plateformes ont l'habitude de partager des informations avec le propriétaire au moment de la demande ...

Chez Booking, cet exercice sera plus délicat pour sur Airbnb car les "hôtes" n'y notent pas leurs "invités". En effet, Airbnb est en mesure d'indiquer si tel ou tel voyageur a cumulé un bon parcours jusque là : s'il n'a rien détruit ailleurs, a été bien noté par les propriétaires chez lesquels il s'est rendu auparavant ... Chez Booking, ce genre de note n'existe pas et les propriétaires devront se contenter si oui ou non tel voyageur est un client régulier de Booking, s'il a réalisé plus de 5 réservations, s'il n'a jamais fait de "no-show" ...

Pour éviter les discriminations, Airbnb avait renconcé à envoyer les photos des "invités". Quant à Booking.com, le portail ne transmettra ni le nom complet, ni la photo de profil ou d'autres informations personnelles ... comme s'y engagent les superviseurs du "pilote".

Ce test pourrait donc n'avoir pas de lendemain mais il confirme, en tous les cas, l'appétit des OTAs pour les offres "alternatives" qui diluent chaque jour un peu plus les offres professionnelles (hôtels, campings, maisons d'hôtes ...) qui figurent dans leur catalogue. La crise aidant, ce secteur devrait déferler dans tous les sens du terme sur les OTAs sous le coup de propriétaires sous pression économique de l'inflation et motivés pour générer des revenus additionnels (comme le précisait le fondateur de Airbnb, voir plus bas). Cette "nouvelle donne" devrait provoquer des effets "à la baisse" sur le marché de l'hiver; les particuliers ayant moins de charges fixes que les professionnels, ces derniers (comme on l'a vu aux US) n'hésitent pas à encourager une baisse des prix de la nuitée qui provoque de sérieux remous dans l'industrie de l'hébergement au sens très large ...

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