Les locations saisonnières dispensées de rénovation énergétique
"À quoi tout cela tient ...". En matière de rénovation énergétique, un propriétaire de location saisonnière ne sera soumis à aucune obligation (à la différence d'un propriétaire "permanent" qu'il soit occupant ou juste bailleur de son bien immobilier). Voilà la réponse - donnée le 14 avril et publiée dans le Journal Officiel - par Emmannuelle Wargon, la ministre en charge du logement...
Selon le gouvernement, les locations saisonnières ne sont pas concernées par ces obligations (qui doivent entrer en pratique à compter de ce mois d'août) car leurs occupants sont capables de payer un surcoût énergétique... Une approche quelque peu discutable puisque, dans le cadre de la loi, la question n'est pas celle du "pollueur-payeur", mais justement de comment consommer moins d'énergie, tout simplement ... peu importe si l'occupant a les moyens de payer plus pour cela.
Selon la ministre Wargon, qui répondait à une parlementaire désireuse d'imposer cette obligation énergétique aux locations saisonnières : "Ces logements sont loués de manière ponctuelle et ne mettent pas leurs locataires en situation de précarité énergétique".
Il n'en fallait pas plus pour soulever un immense tollé chez les professionnels de l'immobilier (et bientôt, du tourisme, voir plus loin): "Certains propriétaires qui seront dans l'incapacité de faire les travaux de rénovation ou qui ne le souhaiteront tout simplement pas prendront comme prétexte de se lancer dans la location touristique pour s'affranchir de ces obligations ! tonne Jean-Marc Torrollion, le président de la fédération nationale de l'immobilier (Fnaim).
Autre conséquence, selon ce professionnel de l'immobilier, en précipitant plus de propriétaires (et donc, de concurrence) sur le marché des locations saisonnières, cela va finir par en bouleverser durablement l'équilibre (déjà précaire).
Pour les spécialistes du marché, dans les villes notamment, en provoquant une telle mutation vers la location saisonnière (pour convenance "climatique"), le gouvernement prend aussi le risque d'encourager la perte massive de logements permanents au détriment des populations locales.
Pourtant, toujours selon ces responsables nationaux, l'urgence climatique dicterait que les travaux de rénovation énergétique ne dispense pas les propriétaires de locations saisonnières "notamment dans les zones de montagne où de nombreux logements datent des années 70 ... ou encore dans les stations balnéaires où les fuites thermiques sont massives et encouragent le recours disproportionné aux climatiseurs, par exemple".
Pour rappel, les obligations de rénovation énergétique concernent les logements étiquetés F, G ou E dans les diagnostics de performance énergétique ou DPE) et que les bailleurs sont tenus de les remettre aux normes. Dans le cas contraire :
- ils ne pourront plus les louer à partir de 2023,
- ils ne pourront plus augmenter les loyers à partir du 25 août 2022.
Ces obligations sont inscrites dans la loi "Climat et Résilience" du 22 août dernier qui définir un logement "énergétiquement décent" lorsque sa consommation est inférieure à 450 kWh par mètre carré et par an.
"Que va faire un bailleur privé de son bien classé G ? s'interroge, sur son compte Twitter, Vincent Aulnay, du collectif ParisvsBnB. "Cela va contribuer à accentuer la crise du logement. Et du point de vue écologique, certaines études tendent à souligner que le comportement des touristes occupant un logement est loin d'être vertueux. Ils ont tendance à être moins regardants et à consommer plus d'eau et d'électricité".
SENAT 14/04/2022 : @Ecologie_Gouv interpelé sur les passoires énergétique #airbnb P.2031
— Vincent Aulnay (@vincent_aulnay) May 2, 2022
Que va faire un bailleur privé avec son bien classé G?
il ne fera pas de travaux de reno, et va louer en #airbnb
et ça, nos politiques l'ont pas compris !https://t.co/EHO3WwO7bH
Chez les hôteliers, déjà fortement agacés par la concurrence des locations saisonnières, cette "distorsion" risque de faire de nombreuses vagues; car les hôtels sont durement soumis aux obligations de rénovation énergétiques qui, dans leur cas, se montent à plusieurs dizaines (voire centaines) de milliers d'euros à chaque fois ...
La fronde risque donc d'être sévère - entre les associations de bailleurs, les pros de l'immobilier et les anti-locations saisonnières - mais aussi les candidats à tendance "écolo" pour lesquels ce genre de situation relève de la discrimination et du contre-effet recherché ... Pas sûr, non plus, que certains pros du tourisme voient d'un bon oeil l'arrivée massive de nouveaux concurrents sur un marché déjà fortement saturé ou jugent comme non-discrimantes les obligations des uns et les non-obligations des autres ?..