Workation et Staycation, les "deux mamelles" de l'hébergement touristique ?
La pandémie a boulversé de nombreux paramètres de l'univers du tourisme. Voyager près de chez soi est devenu un segment commercial à part entière et partir loin de chez soi pour cumuler travail et vacances est en train de devenir un outil redoutable de fidélisation de certains salariés dans de très grandes entreprises. Deux segments à prendre très au sérieux si vous voulez révolutionner l'évolution de votre fonds de commerce ...
Ces deux concepts sont nés avec la pandémie :
- Staycation : contraction de "Stay" (rester ... sur place) et "Cation" (pour la terminaison de "vacation" ou vacances) ou comment partir en vacances, se dépayser, sans aller au-delà de trois heures de chez soi,
- Workation : contraction de "Work" (travail) et "Cation" (voir plus haut) ou comment travailler (ailleurs que chez soi ou à son bureau) et avoir un léger sentiment de vacances ...
Ces deux concepts pouvaient avoir des allures de "gadget" marketing ou (pire) de bouée de secours auxquelles se raccrocher durant les heures les plus incertaines avant la reprise (NDLR: les déconfinements respectifs). En réalité, ils sont devenus des "segments" nouveaux et durables de l'activité hôtelière au sens large du terme (hôtels, maisons d'hôtes, campings, gîtes, etc).
+41% sur les prix des chambres au UK
Par exemple, au plan mondial, Index Digital notait une croissance de la demande de Staycation de l'ordre de 18 %, en moyenne. Une croissance avérée, donc, qui a pu influencer la croissance des prix hôteliers jusqu'à 16% (prix moyen des nuitées constatées en relation avec le phénomène).
Le phénomène semble s'être consolidé après deux ans d'incertitude et de perturbations (et la situation en Ukraine ne va pas arranger ce "facteur"). Autant de raisons pour lesquelles, par exemple, les vacanciers britanniques semblent vouloir choisir de rester plus près de chez eux.
Ainsi, chez nos voisins d'Outre-Manche, face aux conséquences du Brexit et de la pandémie, les voyages à l'étranger sont toujours hors de propos pour de nombreuses personnes. Selon une enquête de Barclays, 52 % des 25 à 34 ans envisagent d'augmenter leur temps de vacances au Royaume-Uni ... principalement en raison des expériences positives qu'ils ont vécues lors des vagues précédentes (où ils sont restés au pays plutôt que de partir à l'étranger) et qu'ils souhaitent renouveler. D'ailleurs, autre constat, selon AirDNA, face à cette demande grandissante, les hébergeurs indépendants britanninques ont pratiqué, en 2021, des tarifs à la nuitée supérieurs de 41% à ce qu'ils coutaient en 2019.
Le Staycation ne serait donc pas la formule gagnante des voyageurs pour voyager moins cher (car plus près), mais une occasion réelle de se dépayser sans se mettre à risque trop loin de chez soi; une motivation qui risque, tout de même, d'être aussi impactée cet été par le coût des carburants qui va faire augmenter les prix des transports (voitures, billets d'avion, etc).
Ailleurs dans le monde, le phénomène du Staycation semble se confirmer et ce, d'autant plus si le pays dans lequel vivent habituellement les vacanciers est riche du point de vue touristique (patrimoine, art de vivre, etc); ce qui est le cas de la France.
Comme on le dit depuis plusieurs mois, le tourisme "domestique" sera donc encore à la fête en 2022 et le tourisme "ultra-domestique" aussi en raison, notamment, des coûts qui vont peser sur le budget "pompe à essence" d'ici à cet été.
Comme on l'a vu dans un récent article, en 2022, l'inflation galopante générée par le contexte international actuel (et durable) ne sera pas sans conséquences sur la croissance du Staycation; à condition, toutefois, de savoir maîtriser une certaine logique tarifaire ...
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Même si nous vivons (avec bonheur !) la fin des principales restrictions, le retour "à la normale" des salariés ne se fera pas de sitôt. Pour de nombreuses entreprises, on se risque même à affirmer qu'il ne se fera jamais:
- de nombreuses entreprises vont adopter un mode "hybride": de la présence et du télétravail de 1 à 2 jours par semaine,
- de nombreux salariés ont opté pour un mode de vie plus "souple" : continuer à travailler "à distance" en continuant de voyager ou de collaborer depuis des endroits différents du globe, au gré de leurs pérégrinations. C'est le cas aux US où les salariés "à fort talent" dictent finalement leurs conditions pour rester dans telle ou telle entreprise ... et le Workation est leur demande numéro 1.
Sans aller jusqu'à jouer les travailleurs nomades, de nombreux employés conviennent de cumuler plusieurs nouveautés :
- rester en télétravail,
- mais ne pas rester figer chez soi,
- et donc, être autorisé à partir se loger où bon leur semble pour quelques jours ou quelques semaines ... avec la participation financière de leur entreprise.
Cela vous semble excessif ou digne d'une autre planète ? Dans les grandes compagnies, en réalité, le risque de "Grande Démission" est énorme et coûte encore plus cher. La "Grande Démission" est ce mouvement - massif - de salariés ayant été marqués par ces deux années de pandémie et ayant décidé de changer de vie ... ou de mode de travail (dont du Workation).
Les signes de ce mouvement sont bien là : à l'heure où les entreprises se préparent à "ré-investir" leurs sièges sociaux, de nombreuses compagnies revoient leurs surfaces de travail à la baisse. Selon Société Générale Real Estate: "Le ratio d'un poste de travail pour 1 salarié est passé à 0,7 poste pour un salarié, voire 0,5 !" (Les Echos - 15/03/2022). Ce qui signifie que les grandes compagnies (Roland Berger, Microsoft, Groupe Up, etc ...) ont bien intégré une bien moindre présence de leurs salariés dans leurs sièges sociaux.
Et donc, ces compagnies identifient deux investissements nouveaux :
- inclure dans leurs sièges, des "tiers lieux" conviviaux pour attirer et retenir leurs salariés,
- les accompagner dans leurs envies de Workation; ce qui représente une opportunité de marché de moyenne durée pour de nombreux hébergeurs !
Un marché B2B en forte croissance
Aux US, de nombreuses compagnies privées (soit des agences de voyage dédiées, soit des groupements d'hébergeurs) négocient directement avec les compagnies pour leur proposer un catalogue d'adresses à soumettre à leurs salariés candidats au Workation.
Et les arguments sont bien prêts ! Selon ces compagnies, en workation:
- les salariés sont plus heureux, en meilleure santé et se sentent plus valorisés,
- ils trouvent, en général, un regain d'inspiration lors de leurs voyages et ont acquis des compétences et des outils précieux tout en travaillant à distance,
- Leur flexibilité augmente leur fidélité; notamment, chez les 85% de Millénials qui veulent un travail flexible,
- 82% des salariés en workation déclarent moins de stress,
- Ils déclarent aussi accomplir 30 % de plus en moins de temps.
Pour les entreprises qui s'essaient à ce nouveau mode de travail, l'horizon commence à se clarifier:
- en général, elles limitent ces mesures à leurs salariés à fort potentiel ou à fort talent; qu'elles veulent fidéliser,
- elles ré-investissent une partie des économies de leurs loyers (locaux plus petits) dans ces "incentives" proposés à leurs meilleurs salariés,
- elles éliminent les opérations "de groupe" pour se concentrer sur des attentions plus personnelles.
Pour les compagnies touristiques ou les hébergeurs qui s'investissent sur ce marché:
- le workation leur permet de compenser la perte durable du marché "Affaires",
- il modifie la structure de prix de leur business avec des offres "moyen et long séjour" auxquelles ils n'étaient pas habitués
Des segments à prendre au sérieux
Staycation et Workation (en attendant que l'on trouve des termes bien de chez nous ...) sont donc des segments qu'il faut considérer avec intérêt. Mais, attention, vous devez vous assurer que votre hébergement est bien compatible avec ces marchés:
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Des espaces de vie propices au travail : vous devez tenir compte de l'ergonomie de vos pièces et vous assurer d'avoir des espaces de travail désignés dans la chambre, ou déterminer s'il serait préférable de créer des espaces de coworking (insonorisés, dans des zones bien éclairées, avec de l'air frais et des vues tranquilles).
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Des services de transport car ces clients ne sont pas contre l'idée de se déplacer sans leur propre voiture ... il faut donc pouvoir organiser du transport sur place
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Evidemment, l'internet haut débit !
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Un autre process de nettoyage de vos chambres, plus flexible en termes d'horaires et de durée afin de pas gênerceux qui travaillent dans la chambre.
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Des informations pertinentes sur les attractions incontournables et les activités incontournables aux alentours : le principe du workation est, en effet, qu'il se fasse dans des lieux nouveaux et inédits et pas en centre-ville à forte fréquentation ...
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Enfin, profitez de ce nouveau marché pour vous donner une nouvelle image auprès de votre communauté sur les médias sociaux : cette recommandation est aussi valable pour les "Workationners" que pour les "Staycationners" qui représentent votre clientèle locale.
Enfin, n'oubliez pas les familles et les conjoints !
Lorsque vous visez le marché des voyageurs hybrides (workationners), il est important de penser au-delà du voyageur célibataire travaillant à distance. Beaucoup de ces clients amènent, en général, un conjoint ou toute la famille pour transformer le voyage d'affaires en une escapade familiale complète, incluant ainsi des options telles que "Kids Stay Free" ("Les enfants sont nos invités"), l'accès aux services pour enfants pendant la journée, ou même les remises sur les visites de spa/locales pour les conjoints pendant que leur partenaire est occupé.