Jusqu'où pourrez-vous augmenter vos prix ?
Dans un contexte d'inflation galopante du coût des carburants et d'un surenchérissement (quasi) généralisé des autres matières premières, le contexte inflationniste est bien là ! À date, selon de nombreux experts, "entreprises et ménages français et européens vont subir un choc majeur en matière de pouvoir d'achat". Dans ce contexte, et en prévision des prochaines vacances, quelle attitude adopter en matière de niveaux de prix de vos prestations touristiques ?
Lors des premiers jours de la crise pandémique (que ce soit dans ce même blog ou lors de nos nombreux webinaires organisés durant le premier confinement), nous vous recommandions vivement de ne pas baisser vos prix et d'attendre la reprise de juin 2020 car notre pari était qu'elle aurait bien lieu et que les voyageurs ne regarderaient pas trop à la dépense pour s'assurer de "changer d'air" ... et pour de bon ! Les faits nous (vous) ont donné raison et l'on s'en félicite.
Après les bons résultats de 2021, ensuite, et la progression des réservations pour les beaux jours de 2022, la tentation de poursuivre sur cette "trajectoire" de prix est grande. Toutefois, à y regarder de près, la prudence s'impose pour ne pas que votre entreprise fasse les frais du contexte naissant.
Les "plaies" se succèdent les unes aux autres et l'émergence du conflit ukrainien a eu de quoi laisser perplexe. Aujourd'hui, en lisant les déclarations très péroccupantes de nos dirigeants politiques européens, le doute n'a plus de place: le conflit va durer et s'aggraver et il ne sera pas sans conséquences (économiques, pour commencer ... et finir, nous l'espérons); y compris pour les vacances de cet été.
Au plan national et européen, la première conséquence se porte sur le prix du carburant : les niveaux déjà inédits que nous connaissons ne seraient qu'un avant-goût d'une inflation bien plus forte encore, ces prochaines semaines. Une situation intenable pour beaucoup de français et d'européens que les "coups de pouce" du gouvernement et de l'Europe risquent, malheureusement, de ne pas considérablement soulager.
Pour autant, comme nous l'écrivions la semaine dernière, le niveau d'épargne est tel, que les français et les européens n'envisagent pas vraiment de tirer un trait sur leurs prochaines vacances et ce, quelque soit le prix du carburant. Pour autant, ils n'entendent pas que le budget "vacances" explose du fait des autres "postes".
Or, selon plusieurs leaders du marché du tourisme, après une reprise en ligne avec les chiffres références de 2019, les prix des voyages allaient globalement augmenter en 2022:
- +3,3% pour les vols (ça, c'était avant que ne survienne le conflit ukrainien),
- +3,9% sur les transports terrestres (idem),
- et +13% pour les hôtels et les hébergeurs "marchands" (mais, dans lesquels il serait irresponsable de ne pas compter les locations de vacances, tant leur concurrence est désormais établie dans des proportions notoires).
Ainsi, s'agissant des hébergements touristiques, la hausse de 13% devaient succéder "à une première chute de 8,3% en 2020 et de 17,7 % supplémentaires en 2021, avec des prix au troisième trimestre 2021 en baisse d'environ 25 % par rapport aux niveaux de 2019", selon les experts de CWT (Carlson Wagons Lit) et la Global Business Travel Association (GBTA).
Il va de soi que cette perspective doit être oubliée aussi ...
Selon les prévisions (ante-Ukraine), *"les prix des hôtels devaient augmenter de 13 % dans le monde en 2022, puis de 10 % supplémentaires en 2023"* et ce, même si tout le monde s'accorde à dire qu'il faudra un certain temps pour revenir aux niveaux de 2019 sur de nombreux marchés.
Ces prévisions (optimistes) étaient basées, principalement, sur :
- l'ouverture progressive des frontières pour les voyages "non essentiels",
- donc, une augmentation progressive des taux d'occupation qui allaient exercer une pression simultanée sur les prix,
- enfin, une reprise progressive des voyages d'affaires même si ces derniers sont encore impactés par les nouvelles habitudes prises avec les visios conférences (au plan mondial, on observe que les évènements organisés dans les hôtels sont passés d'une moyenne de 42 participants en 2019 à plus que 24 en 2021.
Toutefois, cette trajectoire pouvait être contrariée, toujours selon cette étude, par "l'augmentation des coûts de main-d'œuvre et d'exploitation plus élevés à l'échelle mondiale et par des perturbations de la chaîne d'approvisionnement susceptibles de se poursuivre ...". Tout est dit !
Le weekend dernier, la BCE (Banque Centrale Européenne) n'hésitait pas à parler de "menace de stagflation en Europe" du fait des conséquences du durcissement du conflit.
La "stagflation" est la combinaison d'une stagnation de la production (en raison de la demande en berne et des difficultés d'approvisionnement), de l'activité et de la consommation (en raison des inconnues qui pèsent sur l'avenir et de la baisse du pouvoir d'achat) et, troisième élément, de l'inflation (pour les raisons que l'on sait).
Aussi, selon Philippe Waechter, chef economiste chez Ostrum Asset Management: "Personne ne voit l'inflation s'infléchir. Sur les 5,8% d'inflation, 4% sont liés à des facteurs que l'on ne maîtrise pas : les prix de l'énergie et de l'alimentation. Et cette inflation va contraindre les consommateurs à arbitrer leurs dépenses. La demande en sera fragilisée ...", y compris s'agissant du budget "vacances".
Premiers touchés par cette situation, le géant Uber a annoncé ce weekend que ses clients devront, désormais, payer des frais supplémentaires de 45 cents ou 55 cents sur chaque voyage Uber et de 35 cents ou 45 cents sur chaque commande Uber Eats, selon leur emplacement. Une mesure destinée à contrer le coût augmenté du carburant à la charge des chauffeurs et des livreurs : "L'argent facturé ira directement aux travailleurs", a déclaré Uber.
Dès lors, comment se positionner dans ce contexte finalement plus "durable" en termes de conséquences que la pandémie puisque celui-ci va affecter directement le porte-monnaie ... ?
À ce jour, il n'existe pas encore d'études précises sur l'impact de l'inflation chronique sur les intentions de vacances mais, une chose est certaine, si elle devrait pas remettre en cause le principe de partir en famille, cette situation fera peser une pression nouvelle sur les prix des composantes du voyage :
- l'avion et les déplacements longs seront écartés : les prix du carburant et les ajustements de prix que pratiquent les compagnies jusqu'au départ vont devenir dissuasifs. Et le risque de partir (même en Europe) à quelques heures d'un épicentre conflictuel va certainement en refroidir beaucoup. En 2022, ce phénomène aura donc des conséquences "positives" sur le tourisme domestique encore une fois.
- le coût du carburant ne devrait pas trop impacter les départs en voiture mais, certainement, avoir une incidence sur les distances parcourues : il y a donc fort à parier que plus de populations des "grandes zones" partent de plus en plus près de chez eux; voire même qu'ils privilégient la campagne à moins de trois heures de chez eux si la mer est trop loin ... pour leurs finances.
- le prix du carburant devrait aussi avoir un impact sur les circulations durant le séjour et impliquer une moindre consommation d'activités du fait de la limitation des déplacements. Il y a donc fort à parier que les "grandes attractions" d'une destination donnée soit négativement impactées par cette situation (la "fameuse" journée où l'on part - toute la journée, justement - pour viister la "grande ville" ou aller voir le grand musée ou le grand zoo risque d'y être sacrifiée),
Enfin, les consommateurs savent très bien que l'inflation ne se limitera pas à la pompe à essence et que, du fait de l'augmentation des matières premières (mais aussi, de la main d'oeuvre qui s'est raréfiée dans l'univers du CHR), le coût des prestations "annexes" (restaurants, bars, activités, etc) risque de s'en voir sérieusement être chamboulé. Partir à tout prix était donc valable il y a quelques jours encore, mais là, on peut clairement imaginer que le prix en question grimpe en flèche au fur et à mesure que les évènement s'aggravent.
Reste donc la question - centrale - de l'hébergement...
Même si les consommateurs s'y attendent (comme pour toutes les autres composantes du voyage), symboliquement, une augmentation trop forte du coût de l'hébergement (on parle de +13%, voir plus haut) serait manifestement rhédibitoire !
L'hébergement étant le poste le plus élevé du budget "Vacances", s'il suivait une courbe très supérieure à l'inflation actuelle, il pourrait provoquer :
- des arbitrages encore plus forts en faveur des hébergements "alternatifs" et donc, "non-marchands",
- voire, carrémment, des renoncements pur et simple aux départs en vacances (l'hypothèse est à prendre au sérieux ...).
La clé réside donc à "montrer patte blanche" dès maintenant sur vos sites internet et vos moteurs de réservation: n'hésitez pas à parler de "blocage des prix" ou de "prix normal garanti" pour inciter les voyageurs à réserver dès maintenant.
Ce genre de réaction est à la fois salutaire pour vous prémunir sur l'avenir proche (réserveront-ils ou pas, seront-ils tentés de fuir vers des locations de vacances où les prix pourraient suivre une baisse moins réaliste ?) et il vous permettra aussi de vous caler sur un positionnement marketing (positivement) opportuniste.
D'autres solutions existent (et que nous évoquerons dans un prochain article), mais tenir un langage de vérité et de volonté vis-à-vis de vos clients ne peut être qu'une réaction constructive pour votre hébergement : "Nous savons que vous vous inquiétez pour le budget de vos vacances et l'inflation qui menace. Si vous réservez maintenant, obtenez une garantie sur vos prix et votre budget !".
Bien sûr, ce doit être du donnant-donnant et vous devez expliquer que pour garantir vos prix jusqu'à l'arrivée de vos clients, il leur faut réserver de manière "ferme" dès maintenant. Le client aura donc le choix : un budget maîtrisé contre une entorse à sa volonté nouvelle d'ultra-flexibilité ... mais, c'est là aussi, la valeur de votre échange avec lui !
Ainsi donc, comme durant le début de la pandémie, rester prostré en attendant de voir comment "ça va évoluer" est une stratégie périlleuse pour un hébergeur marchand. Prendre les devants, communiquer sur l'actualité et faire de son maitien de prix un argument de choc face à une inflation galopante est une saine réaction qui vous attirera la sympathie, la reconnaissance et, pour votre entreprise, une certaine garantie de réservations très en amont de la prochaine saison ...