Booking dépense 3 Milliards pour muscler ses offres !
Ceux qui doutaient d'une reprise forte des voyages après le retour "à la normale" (quand ? Personne ne le sait vraiment) en seront pour leurs frais ! Ces deux dernières semaines, coup sur coup, Booking a annoncé avoir acheté, pour des sommes colossales, des opérateurs digitaux du voyage. Au programme : plus de chambres d'hôtels à vendre et des billets d'avion en veux-tu-en-voilà !
3 Milliards $ (soit 2,67 Milliards €) pour s'acheter deux sociétés, cela ne s'appelle pas "acheter à la casse" des entreprises digitales du tourisme qui auraient été mises à mal par le covid. Au contraire, la dernière entreprise achetée (le processus est lancé depuis hier, en attendant la validation des autorités de la concurrence) est une société suédoise spécialisée dans la vente de billets d'avion et emploie déjà plus de 1000 salariés !
131% de croissance vs. "ante-covid"
etraveli n'est pas une entreprise "grand public", pourtant vous avez certainement déjà dû utiliser ses services (elle agrège tous les vols de toutes les compagnies) ne serait-ce que si vous consultez de temps à autres les comparaisons sur Google Fligts (c'est bien la technologie de Traveli qui est derrière).
Pourquoi cet achat ? Depuis quelques années (voir plus bas), Booking intègre discrètement la vente de billets d'avions, en compléments de son produit-phare, l'hébergement. Et il faut croire que ça marche !
Selon les analystes financiers et le rapport financier de Booking au 3ème trimestre 2021, les ventes de billets d'avion auraient bondi de 131% sur son site et ce, tenez-vous bien, par rapport à la situation de 2019; c'est-à-dire, ante-covid !
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Airbnb pourrait aussi proposer de l'avion ?
La stratégie d'un Booking devenant un "opérateur global du voyage" intégrant l'hébergement, l'avion, la location de voitures ou encore les activités et les loisirs se construit patiemment, mais sûrement. Et cette acquisition devrait booster et consolider cette stratégie ... qui devrait aussi aiguiser Airbnb, toujours en réflexion sur le fait ou non de proposer l'avion sur ses pages.
Sécuriser de l'inventaire et de la marge
Autre acquisition: celle de GetARoom, un "grossiste hôtelier" (appelé aussi "bed-bank" dans le jargon du voyage). Annoncé le 12 novembre dernier, cet achat se monte à 1,2 Milliards $ et devrait permettre à Booking de sécuriser son inventaire ... et ses marges.
En effet, les hôtels qui travaillent avec les bed-banks leur concèdent, en général, des remises plus importantes que les commissions qu'ils accordent aux OTAs (de l'ordre de 25 à 40%, voire 50% contre 17 à 22% à un OTA).
Pourquoi ? Tout simplement, parce que le grossiste (c'est sa nature) achète ... en gros. Il paie cash en contrepartie d'un nombre de chambres et de nuitées réservées plus important ... qu'il les revende ou non à ses clients. C'est son métier que de mesurer le risque de son achat "en gros".
Mettre la main sur cet inventaire a deux vertus :
- cela permet à Booking d'avoir des chambres disponibles à tout moment puisque les hôtels ont déjà vendu cet inventaire et donc ils ne peuvent pas le retirer du net: cela permet donc à Booking de vendre "la dernière chambre disponible"; ce qui est une partie déterminante de son ADN,
- cela permet à Booking d'afficher toujours les meilleurs prix car le bed-bank a toujours un pouvoir de négociation très fort avec les hôteliers. De plus, même si Booking décide d'afficher le même prix que l'hôtelier, vu que la chambre a été vendue au bed-bank a un prix très bas, Booking peut y gagner autant sinon plus qu'avec sa commission.
Une illustration ? Ci-dessous, cet hôtel à Macon, pour la nuit du 3 au 4 décembre prochain affche bien deux prix différents pour la même chambre sur les deux sites:
- il est à 86€ la nuitée sur Booking
- et à 77€ sur GetARoom (sa nouvelle filiale !), soit 12% de réduction
Quelles conséquences pour l'hôtel ? Booking a déjà annoncé le lancement en Europe de Booking Basics. Cette fonction lui permet d'afficher sur ses pages le meilleur prix pour l'hôtel recherché et ce, en scrutant ce que les hôteliers acceptent d'afficher, par ailleurs ... sur des bed-banks par exemple !
En clair, si vous envoyez un prix de 100€ à Booking mais que, dans le même temps, vous avez négocié un prix de vente à 80€ à un bed-bank, Booking peut afficher ce prix plutôt que le prix "original". Et vous risquez même de voir le prix affiché sur Booking à un montant inférieur à celui affiché sur votre propre site ! Et le tout est parfaitement légal ! (voir plus bas)
Lire aussi:
Booking lance Booking Basics en Europe
En effet, cette acquisition pourrait avoir des conséquences plus importantes en Europe où la loi sur la (dis)parité tarifaire s'est développée, au départ de la France (loi Macron de 2015), sur à peu près tous les pays.
Si Booking (ou n'importe quel OTA) ne peut plus vous imposer de vendre le même prix que sur site (et donc, de vendre "moins cher" sur le vôtre, en direct), il se peut que vos prix "négociés au plus bas" avec un bed-bank réapparaisse sur Booking en toute légalité.
Booking ne peut pas vous imposer de vendre, sur site, vos chambres au même prix (ou moins cher) que sur le vôtre, mais il a parfaitement le droit d'afficher le prix que vous avez négocié avec GetARoom, si c'est le cas ...
La distribution de vos chambres va devenir un sport-de-tous-les-jours si vous ne maîtrisez pas tous les distributeurs avec lesquels vous (ou votre chaîne) êtes en contrat et cela peut devenir gênant dans une situation où les réservations directes connaissent de forts taux de croissance partout en Europe. C'est une question de cohérence commerciale et économique avant tout, mais aussi une bonne occasion de mettre de l'ordre dans vos contrats de distribution...